Suite du bilan télétravail à l'Insee : Une ouverture de la circulaire télétravail

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Lors du groupe de travail du 14 mai 2024, l’Inspection générale a présenté les points clefs de sa mission sur le télétravail à l’Insee et son impact sur la productivité. Pour répondre aux difficultés identifiées, la Direction a proposé trois pistes d’évolutions du cadre réglementaire. La CFDT a rappelé ses demandes et insisté sur la formation des agents et des encadrants à ce mode d’organisation du travail.

À plusieurs reprises depuis la signature des accords sur le télétravail au niveau de la Fonction publique et du Ministère des Finances, la CFDT a demandé leur déclinaison à l’Insee.
La Direction avait accepté d’ouvrir de nouvelles discussions à condition qu’un bilan sur le télétravail soit préalablement réalisé sur une période suffisamment longue en fonctionnement pérenne.

I - Organisation du bilan du Télétravail

En octobre 2023, le Directeur général a missionné l’Inspection générale pour établir un état statistique du télétravail à l’Insee, analyser les différentes dimensions du télétravail et en étudier les conséquences sur les agents, les collectifs de travail, l’encadrement et les conditions de travail. Les missionnaires devaient également identifier les effets du télétravail sur la productivité et estimer les coûts de la gestion administrative du télétravail.

Pour établir ce bilan, les missionnaires ont :

  • lancé fin 2023 une enquête auprès de l’ensemble des agents de l’Insee,
  • mené 94 entretiens et interrogé plus de 110 personnes,
  • établi des profils types,
  • comparé la productivité à partir de quelques indicateurs,
  • effectué des recherches documentaires.

L’enquête a recueilli 3 255 réponses pour environ 6 000 agents sollicités, dont 226 enquêteurs.
Les enquêteurs sont des agents nomades et ne peuvent donc être considérés comme télétravailleurs.
Parmi les 2 974 questionnaires exploitables, 120 proviennent des enquêteurs, 2 156 des non-encadrants et 699 des encadrants.

La CFDT signale que l’enquête ne permettait pas de prendre en compte le télétravail sur un tiers-lieu et le travail sur un autre site de l’Insee, pourtant prévu dans les consignes diffusées sur Symphonie.
Par ailleurs, la question sur la satisfaction du télétravail pouvait être interprétée par le répondant et les missionnaires de plusieurs façons différentes.

Par exemple :

    • le répondant se déclare satisfait du télétravail, le missionnaire interprète cela comme un souhait de statu quo,
    • le répondant déclare ne pas être satisfait car il souhaite plus de souplesse ou plus de jours de télétravail. Cette insatisfaction peut être interprétée comme un souhait de restriction du télétravail.

Il en est de même pour le terme de ‘souplesse’. Son sens est différent pour les agents et pour les encadrants.
Enfin, la CFDT déplore qu’il n’y ait pas eu d’espace de libre expression pour les agents.

La CFDT demande davantage d’investigation sur le télétravail pour raison thérapeutique ou pour les femmes enceintes et le télétravail des proches aidants.

UN BILAN DU TÉLÉTRAVAIL GLOBALEMENT TRÈS POSITIF ...

Une adoption massive du télétravail

Près de 90 % des répondants à l’enquête (hors enquêteurs) déclarent télétravailler. Cette proportion n’est que peu impactée en fonction des populations de répondants, en particulier, entre les encadrants (89%) et les non encadrants (89,8%), entre la Direction générale (89%) et les directions régionales (89,8%), entre les différents métiers de l’Insee (87,2 % pour les fonctions supports ou 91,8 % pour l’Action régionale).
Les femmes télétravaillent un peu plus (91,3%) que les hommes (87,6%).
Les agents sur des postes de niveau C et ceux sur des postes de niveau administrateur (91,7%) télétravaillent un peu plus (91,3%) que les agents sur des postes de niveau B ou A (89,3 %).
Les moins de 30 ans télétravaillent un peu moins que les autres tranches d’âges (7 points de moins).
Le télétravail se déroule pour 98 % des répondants à leur domicile.
Près d’un tiers des journées travaillées le sont en télétravail.
Les répondants en horaires variables ont choisi majoritairement le cycle de 2 jours fixes de télétravail par semaine.
Le vendredi est choisi comme journée de télétravail par 60% des répondants, suivi du lundi (43%) et du mercredi (34%).

Une très forte satisfaction ...

La satisfaction des agents de bureau pour le télétravail est élevée.
La moyenne varie peu en fonction de l’âge, du métier exercé, du sexe ou du lieu d’affectation (±0,1).
Elle diminue avec l’augmentation des niveaux de postes (de 3,7/5 pour les administrateurs à 4,2/5 pour les C). Leur satisfaction provient de l’impact positif sur leur qualité de vie (92,4%), leur santé (77%), leur équilibre vie personnelle/vie professionnelle (85,8%) ou leur budget (55,7%), en particulier pour les répondants sur des postes de niveau C.
Les agents télétravaillant expriment une plus forte satisfaction (4/5) que ceux ne télétravaillant pas (3,1/5) et encore plus pour ceux qui ne télétravaillent pas par choix (2,9/5).
Pour rappel, les agents débutant leur poste ne peuvent habituellement pas télétravailler.
Les télétravailleurs expriment à 83 % une très forte satisfaction pour leurs conditions de télétravail (notes 4/5 ou 5/5). Ils déclarent en particulier un impact sur leur qualité de vie, leur équilibre vie professionnelle et vie personnelle, leur santé physique et mentale et leur budget.
Les encadrants sont majoritairement favorables au télétravail. Ils favorisent l’autonomie.

...Sans impact sur la productivité

Les productions de l’Insee se sont maintenues et aucun des indicateurs de performance n’a été affecté.
Il en est de même pour les monographies : aucune ne permet de constater un effet positif ou négatif du télétravail sur la productivité sur la période récente.

Un coût du télétravail faible

Le coût administratif du télétravail est concentré sur le CSRH dans le cadre de la gestion de l’application Sirhius. Il représente 1,5 équivalent temps plein.

… MALGRÉ DES DIFFICULTÉS À SOLUTIONNER

L’enquête soulève plusieurs difficultés mentionnées par les encadrants ou les agents.

Échanges moins fluides en télétravail
Avec le télétravail, la présence collective est divisée par trois. Cette moindre présence joue sur les contacts.
Près de 81 % des non-télétravailleurs et près de 69 % des télétravailleurs indiquent en avoir moins avec leurs collègues avec le télétravail.
Plus de 56 % des non-télétravailleurs et près de 60 % des encadrants répondent que la communication est plus difficile avec le télétravail.
Ces difficultés sont moins prégnantes dans les équipes utilisant régulièrement les outils de gestion à distance comme Tchap et Zoom.

Animation des équipes plus difficile
Les encadrants estiment que le télétravail perturbe l’efficacité de leur équipe pour 47 % d’entre eux.
Les encadrants des équipes les plus grosses attribuent une note de satisfaction moins bonne que ceux des petites. Ils jugent l’animation du télétravail plus complexe que ceux des petites équipes.
Les encadrants signalent leurs difficultés avec quelques télétravailleurs, en particulier pour les faire venir en réunion ou formation en présentiel.
Les missionnaires indiquent que lorsque l’organisation de la semaine est imposée sans concertation dans une équipe, des tensions persistantes sont constatées.

La CFDT souligne que l’encadrement peut demander le retour sur site en cas de nécessité, voire y mettre fin
en le justifiant. Un échange en amont sur cette organisation est indispensable.

Intégration plus complexe pour les nouveaux arrivants
Plus de 75 % des encadrants estiment que l’intégration des nouveaux agents est plus difficile avec le télétravail.
Les agents eux-mêmes donnent la même réponse.
Les nouveaux agents n’ont ainsi souvent pas la possibilité de prendre de télétravail les premiers mois.
Les missionnaires indiquent cependant que cette limitation n’a d’utilité que si les autres agents de l’équipe sont aussi présents.

Charge de travail / Prise en compte des temps
Le rapport mentionne moins d’écrêtages qu’auparavant. Or, les agents en télétravail se voyant affecter le temps forfaitaire de leur cycle de travail, tout dépassement n’est pas comptabilisé.
Plus de 60 % des encadrants de l’Action régionale soulignent une charge de travail plus élevée avec le télétravail, alors que ce point est mentionné seulement pour 30 % des encadrants de la sphère informatique.

La CFDT demande à pouvoir comptabiliser le temps réel de travail en télétravail en badgeant comme sur site.

Manque de formation au télétravail
La proportion d’agents et d’encadrants formés ou accompagnés au télétravail est très faible (8 % et 21% respectivement).
Très peu sont également formés aux outils numériques : 8 %.
Ainsi, près des deux tiers utilisent très peu les outils collaboratifs, la visioconférence et les messageries instantanées qui permettraient pourtant de fluidifier les échanges.

La CFDT s’interroge sur le nombre de formations suivies par les agents, est-il moindre ?

II - Des pistes à discuter
Le bilan des missionnaires soulève les problèmes de la fragilisation d’une partie des collectifs de travail, d’une appropriation insuffisante de l’organisation en cas de télétravail et de communication moins fluide au sein de certaines équipes.

SOUHAITS D’ÉVOLUTIONS

Nombre de jours de télétravail par semaine
Les répondants n’expriment pas une volonté de baisse du nombre de jours de télétravail proposé. Un tiers demande le statu quo. La demande d’’augmentation du nombre de jours de télétravail est très forte chez les agents. Elle n’est cependant pas souhaitée par les encadrants.

Report des jours fixes de télétravail
Les encadrants expriment de fortes réticences à refuser des journées de télétravail ou à demander un retour sur site un jour de télétravail fixe en raison d’une crainte que cette décision entraîne des conflits internes. Ils préfèrent prendre en charge le travail qui doit être fait sur site.

Journée collective
Une grande majorité des équipes ont instauré une journée de présence commune sur site par semaine.
Certains en ont bloquées deux. Ces journées sont en général consacrées soit à des réunions formelles, soit à des réunions informelles restreintes.

La CFDT souligne que le tout présentiel ne garantit pas un collectif vivant. Chacun peut être dans son bureau sans se voir de toute une journée et sans qu’aucune réunion ne soit organisée.
Par ailleurs, ces réunions hebdomadaires sont à préparer pour qu’elles soient efficaces et utiles compte tenu de la forte charge de travail de chacun (agents et encadrants).

Les missionnaires rappellent que l’accord ministériel prévoit la mise à disposition d’un outil permettant d’organiser des espaces d’échanges collectifs. Un guide réalisé par le Secrétariat général devrait être mis à disposition des équipes.

RECOMMANDATIONS DE LA MISSION

Compte tenu des constats globalement positifs sur le télétravail, les missionnaires formulent seulement 2 recommandations pouvant répondre aux difficultés rencontrées avec ce mode d’organisation du travail. Ce sont également des pistes de l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT) :

1- Réunion annuelle d'organisation
Les missionnaires recommandent de favoriser les déclinaisons de cadre national à chaque collectif de travail afin que l’organisation au niveau local soit comprise, adaptée et efficiente. Pour cela, une réunion annuelle d’échanges sur les modalités d’organisation du télétravail et du travail hybride peut être organisée.

La CFDT souligne que ces échanges sont prévus dans le cadre de l’accord ministériel de juillet 2022 comme demandé par la Fédération de finances CFDT. L’inclusion de tous les agents d’une équipe est indispensable pour les encadrants, lorsque tout ou partie des agents sont en télétravail.
Il est urgent de généraliser un dialogue d’équipe régulier sur l’organisation du travail en équipe et sur la répartition des tâches incluant les agents en télétravail.


2- Bilan et cursus formation au télétravail
Les missionnaires recommandent de faire un bilan des formations effectuées et d’en tirer les enseignements pour une future offre de formation.

La CFDT signale que la formation des agents est également prévue dans le cadre de l’accord ministériel de juillet 2022 comme demandé par la Fédération de finances CFDT.
Il est temps de mettre en place ces formations chaque année et de les dispenser dans les écoles CEFIL et GENES.

3- Un nouveau bilan
Les missionnaires recommandent enfin de réaliser un bilan du télétravail à l’Insee bilan d’ici 3 à 5 ans pour, en particulier, vérifier l’absence d’impact sur la productivité.

Réouverture de la circulaire
La CFDT ne voit pas la nécessité d’un nouveau bilan s’il n’y a pas d’évolution du cadre réglementaire de l’Insee pour enfin y intégrer tous les éléments de l’accord ministériel. Elle demande a minima :

    • la possibilité de reporter son jour de télétravail en cas de réunion par exemple,
    • l’augmentation du nombre de jours flottants pour chaque cycle de travail,
    • l’autorisation du télétravail exceptionnel en cas de problème de transport (intempéries ou grèves non Insee) par les Directions locales.

L’accord ministériel doit être décliné dans la réglementation de l’Insee sur les dispositifs d’accompagnement, le Fonds télétravail, ainsi que la possibilité de demander jusqu’à 3 jours de télétravail par semaine.

PROPOSITIONS ET RÉPONSES DE LA DIRECTION

La Direction indique qu’un nouveau groupe de travail sera programmé pour discuter des évolutions de la circulaire.
Pour réduire les difficultés constatées, la Direction propose :

    • la possibilité de reporter un jour de télétravail perdu pour raison de service,
    • le rééquilibrage des trois régimes de télétravail actuels,
    • l’élargissement de la période de référence pour le calcul du nombre moyen de jours de télétravail.
      Le rééquilibrage consisterait à proposer davantage de jours flottants pour les cycles à 0 et 1 jours fixe.
      La Secrétaire générale indique que le télétravail sur site distant n’est pas prévu par les textes. Les agents travaillant sur un autre site Insee que celui de leur affectation doivent pointer sur ce site.
      Elle rappelle que le recours au télétravail exceptionnel à l’Insee est principalement autorisé lorsque des bâtiments de l’Insee sont en travaux ou en cas de risques liés aux intempéries (cf. note SG du 12 janvier 2024).


Il est fort dommageable pour les agents de l'Insee que la Direction ait attendu un bilan du télétravail , qui ressort les mêmes conclusions et les mêmes pistes de solutions que la fédération des finances CFDT et les représentants du Ministère ont validé avec l'accord ministériel sur le télétravail de juillet 2021.

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