Que traduisent les chiffres 2021 du Rapport Social Unique de la DGFIP ?

  • Conditions de vie au travail

Le Rapport social unique (RSU) devait être débattu ce jeudi 9 mars. La mobilisation contre la réforme des retraites en a décidé autrement. 

Pour autant, et parce que ce document structure les politiques RH de la DGFIP,  la CFDT Finances publiques vous en livre son analyse. Nous vous ferons grâce de tous les chiffres mais analyserons les points les plus saillants de ce rapport. 

Le Rapport social unique (RSU) qui devait être débattu ce jeudi 9 mars est un outil légal dont la présentation aux OS doit être en amont instruit d'analyse de la DGFiP.

Prévu par l’article 5 de la loi de transformation de la fonction publique et défini plus précisément par le décret 2020-1493 du 30 novembre 2020, Le Rapport social Unique (RSU) est codifié aux articles L231-1 à L231-4 du Code général de la fonction publique

Après une première mouture 2021 au titre de l’année 2020( lire CFDT - Rapport social unique de la DGFIP : des chiffres en veux-tu ? En voilà !), la DGFiP a diffusé fin 2022 le RSU 2021 devant faire l'objet d'une discussion avec les représentants du personnel. 

Ce rapport est en grande partie constitué de données statistiques brutes qui n’ont que peu d’intérêt en soi si elles ne sont pas mises en perspectives avec le quotidien des agents de la DGFIP et l’évolution des missions et de l’organisation de la DGFiP. Mais ce document ayant vocation à devenir le support de la DGFIP pour élaborer ses lignes directrices de gestion, mener ses politiques et décliner son futur contrat d’objectifs et de moyens (COM), il est néanmoins d’une grande importance.

Alors, puisque l’administration ne tire aucune analyse de ce document ou du moins ne les partage pas avec les organisations syndicales, la CFDT Finances publiques a décidé de vous en commenter le contenu et de vous présenter ses propres mesures pour améliorer les conditions de travail.

La DGFiP a été confrontée ces dernières années à de profondes réformes et évolutions de procédures modifiant profondément l’exercice des missions et remettant parfois en cause leur nature même. Elle a intégré de nombreuses missions qui auparavant étaient exercées par d’autres administrations sans pour autant bénéficier d’un arrêt des suppressions d’emplois malgré quelques transferts d’emplois largement sous-estimés. En effet, la DG calcule les transferts sur la base d’un partage à 50% des gains de productivité (sans démontrer l’efficacité de cette méthode).  Du coup, les personnels de la DGFiP assument une charge supplémentaire sans recevoir les effectifs permettant d’exercer ces missions transférées. En réalité, la DGFiP sert de machine à blanchir les suppressions d’emplois réaliser sur des missions auparavant opérées par d’autres Administrations.

 

Des effectifs de plus en plus réduits mais de plus en plus de missions

Au 31 décembre 2021, la DGFIP comptait, d'après le RSU, 96 952 agents fonctionnaires et contractuels, chiffre à mettre en perspective avec celui de 2008 (date de la fusion - année repère en termes d’emplois) où la DGFIP comptait 126 586 agents[1].

La DGFIP a donc perdu sur l’autel des restructurations de son réseau, de la digitalisation, des gains de productivité anticipés (mais non démontrés) pas moins de 29 634 emplois, soit près d’un quart de ces effectifs en 13 ans.

[1] Source : rapport social 2008

 

Comment la DGFIP pourra-t-elle continuer à assurer ses missions alors que les effectifs continuent inexorablement de diminuer ?

La DGFIP ne peut plus supporter les suppressions d’emplois. Sa capacité à exercer pleinement les missions qui lui sont confiées et, par voie de conséquence, la qualité de son service public en dépendent.

Le baromètre KANTAR sur les services publics publiés en novembre 2022 montre que les usagers attendent des services publics de proximité qui répondent à leurs demandes dans les délais annoncés, les informent sur l’avancement de leur dossier et sont joignables par téléphone ou sur place.

La DGFIP ne pourra pas répondre à l’avenir à leurs attentes. Le NRP a considérablement réduit son réseau limitant de fait les points d’accueil – et ce ne sont pas actuellement les maisons France services qui pourront répondre à ces attentes. Les agents sont surchargés de travail et ne peuvent plus répondre au téléphone… Quant à l’accueil physique, avec un réseau réduit à la portion congrue qui ne maille plus que très grossièrement le territoire et des effectifs largement insuffisants, les services de la DGFiP ne seront bientôt plus en capacité d’assumer un accueil physique conforme aux exigences de qualité et d’expertise qui ont fait la réputation de la DGFiP et avant elle de la DGI et de la DGCP.  .

 

Un recrutement insuffisant pour faire face aux défis démographiques de la DGFIP

Le niveau des recrutements ne va pas changer la donne : la DGFIP met en avant les 4 369 nouveaux recrutements en 2021 (soit l’équivalent de 4,5% de ces effectifs), mais il s'agit pour 27% d’agents contractuels (1 130 contractuels sur emplois permanents et 56 contractuels sur emplois non permanents).

Ces recrutements ne compensent pas les départs définitifs (5 403), loin s'en faut.

Le solde d’emplois est bien négatif de 1 034 pour 2021. Fallait-il s’attendre à autre chose quand on sait que la DGFIP est le plus gros pourvoyeur de suppressions d’emplois de fonctionnaires ?

Mais sur ce sujet, le RSU reste muet. Aucun commentaire. Cachez ces analyses que nous ne saurions voir.

 

La désaffection pour les concours de la fonction publique en général et, dans une moindre mesure, à la DGFIP conduit inexorablement à une perte des savoirs. La DG prétend pallier cette désaffection par un recours accru aux contractuels mais ne convainc pas. 

Alors que les départs à la retraite entre 2021 et 2024 sont estimés à 4 200 par an (soit près de 13 000 sur la période) , la DGFIP fait les frais de son manque d’anticipation en matière de recrutement : elle n’a pas anticipé ces départs et n’a pas recruté à leur hauteur.

Aujourd’hui les compétences acquises par nos collègues proches de la retraite risquent de ne pas être transmises. C’est une catastrophe, d’autant plus que les concours de la fonction publique connaissent une réelle désaffection de la part des jeunes diplômés. Alors que la sélectivité était de 1 sur 30 en 2017, elle est de 1 sur 4 en 2021. Dans ces conditions, il est particulièrement spécieux pour la DGFIP de prétendre qu’elle doit recourir au contrat pour recruter. Au demeurant, sur ce sujet les textes sont clairs : le recours aux contractuels n’est possible qu’en cas de recherche de profils à compétences techniques spécialisées ou nouvelles, ou bien lorsque l’administration n’est pas en mesure de pourvoir un emploi avec un fonctionnaire disposant de l’expertise ou de l’expérience nécessaire.  Pour la DGFiP de telles situations ne peuvent qu’être que très ponctuelles. Au-delà de ces motifs, le recours aux contractuels ne se justifie pas et ressort de l’abus de droit. 

La DGFiP doit avant tout travailler pour accroître son attractivité en offrant des conditions d’exercice des missions, des rémunérations et des carrières à la hauteur des aspirations des personnes qu’elle souhaite recruter.

 

pour aller plus loin : CFDT - CONCOURS : démotivation croissante des agents de la DGFiP - les résultats et CFDT - Les revendications CFDT pour lever les freins aux concours

 

Une attractivité en berne

Comment donner envie aux jeunes, diplômés ou non, de rejoindre notre administration ? Vaste chantier dont on se préoccupe un peu tardivement. Le fonctionnaire bashing, barbarisme très la mode depuis près de 30 ans, a porté ses fruits. La fonction publique avec son statut d’emploi ne fait plus rêver.

Et pourtant il y a urgence : près de la moitié des agents de la DGFIP ont aujourd’hui plus de 49 ans. Alors même si la mode est au report de l’âge de départ à la retraite, la DGFIP devra aller plus loin que les 5 000 à 10 000 vues des portraits de stagiaires diffusés sur les réseaux sociaux si elle veut renouveler ses effectifs.

Cette non-attractivité de la fonction publique à laquelle n’échappe pas la DGFIP a des causes multiples : les rémunérations de la fonction publique ne concurrencent pas assez celles du secteur privé, les règles d’affectation géographique sont peu claires, le management apparaît vertical et peu propice à la concertation, les conditions de travail sont dégradées…

Attirer les jeunes ? La DGFIP pense avoir trouvé la parade en s’affichant sur les réseaux 

En s’affichant sur les réseaux sociaux, la DGFIP donne l’image d’une administration moderne et dans l’air du temps. C’est aujourd’hui un passage obligé mais c’est loin d’être suffisant et peut même tourner rapidement au ridicule voire à la catastrophe. Que propose vraiment la DGFIP au-delà de ses plans de communication creux ?... Pas grand-chose en fait tant nos hiérarques semblent incapables d’aller au-delà de la com’. Pourtant il y a matière à donner de la chair à nos missions et de l’intérêt pour le service public fiscal et comptable.

Nos compétences sont reconnues par nos partenaires, les enquêtes de satisfaction des usagers le démontrent également et c’est sans aucun doute un socle important. Mais c’est, et on peut le regretter, insuffisant pour faire rêver les jeunes diplômés

Aujourd’hui la jeune génération cherche à donner du sens à sa vie professionnelle. Le service public peut, parfois et dans certains secteurs, répondre à cette aspiration. La DGFIP saura-t-elle aussi « faire sens » auprès des jeunes ? Il lui faudra pour cela se hisser à la hauteur des recruteurs privés qui eux attirent les jeunes diplômés tout en échappant – parfois mais pas toujours – au ridicule dans lequel on peut rapidement tomber sur les réseaux sociaux. Mais ce n’est qu’un début, nous a-t-on promis !

Pour être attractive, la DGFIP comme toute la fonction publique, doit d’abord dénoncer le fonctionnaire-bashing ambiant qui mine le recrutement et s’associer avec les universités, l’éducation nationale et l’enseignement supérieur qui, eux, de par leur proximité avec ce public, seront de véritables relais. La dignité de la fonction publique doit être restaurée et cela passe avant tout par une réaffirmation de la puissance publique et du statut de ses représentants que sont les fonctionnaires.

Elle doit aussi penser conditions d’exercice des missions, rémunérations attractives et carrières motivantes. On ne peut se contenter de proposer un emploi sous statut, avec ses droits mais aussi ses servitudes, sans donner des perspectives et des conditions de vie conforment aux aspirations des impétrants et à la dignité de la fonction publique.

Les Classes Talents sont certainement une initiative de nature à attirer les jeunes diplômés. La DGFIP peut, à juste titre s’en enorgueillir. Mais pour trouver et élargir son public elle devra réfléchir à étendre son champ à l’ensemble du territoire, DOM compris.

 

Le RSU et les chiffres des conditions de travail

Le télétravail, nouvelle organisation du télétravail, est plébiscité par les agents de la DGFIP. Presque la moitié d’entre eux en bénéficie.

Mais derrière ces chiffres se cachent des disparités.

  • Disparités entre services : en fonction des missions télétravaillables ou pas, les agents ne sont pas tous à égalité face au télétravail.
  • Disparités entre les grades : les agents C bénéficient moins du télétravail que les autres catégories et les femmes de catégorie C encore moins.

La DGFIP, comme pour le reste du RSU, ne commente pas ces chiffres. Mais ce constat, déjà relevé pour le RSU 2020, n’avait pas manqué d’interpeller la CFDT Finances publiques qui a adressé une enquête sur le télétravail à laquelle près de 10 000 agents ont répondu.

La CFDT Finances publiques a publié ses conclusions (lire CFDT - Enquête Télétravail : 10000 agents ont répondu !). La négociation à venir sur le télétravail doit être l’opportunité de porter nos revendications pour plus d’égalité professionnelle en matière de télétravail.

Le niveau des écrêtages envoie aussi un signal  sur les conditions de travail. Or ils sont encore trop nombreux traduisant la surcharge subie par nombre de nos collègues. Cette situation perdure depuis des années et pourtant jamais aucune solution n’est apportée.

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