Lignes directrices de gestion « Promotions » : un désaccord de fond, une trop grande opacité et la part belle à l'arbitraire...

Publié le 29/01/2021

Après plusieurs reports, la première réunion du groupe de travail relatif aux lignes directrices de gestion « promotions » s'est tenue le 19 janvier 2021. Si la direction générale ne s'est pas montrée fermée à quelques évolutions et a bien voulu entendre nos revendications, il reste encore beaucoup à faire pour que les lignes directrices de gestion (LDG) « promotions » n'ouvrent pas grande la porte à l'arbitraire et la faveur...

La loi n°2019-828 de transformation de la fonction publique (LTFP) a retiré aux commissions administratives paritaires (CAP) toute compétence en matière de mutations, mobilités et promotions. Comme palliatif, elle a institué parallèlement le principe de lignes directrices de gestion (LDG) établies par département ministériel. Le décret n°2019-1265 prévoit en outre qu’elles peuvent être déclinées au niveau de services ou ensembles de services comme la DGFIP. En application des dispositions de l’article 30 de la loi de TFP, les LDG fixent, « sans préjudice du pouvoir d'appréciation de l'autorité compétente en fonction des situations individuelles, des circonstances ou d'un motif d'intérêt général, les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours »… Un cadre donc, mais un cadre non trop contraignant pour les décideurs publics et leur assurant de larges marges de manœuvres pour y développer l’arbitraire.

 

En matière de promotions, les lignes directrices de gestion du ministère de l’économie, des finances et de la relance (MEFR) ont été actées par l’administration lors du comité technique ministériel du 18/12/2020 (cf. article du 21/12/2020). L’alliance CFDT-CFTC Finances, à l’instar de l’ensemble des organisations syndicales présentes au CTR a voté contre les LDG « promotions » ministérielles, en particulier en raison de l’opacité qu’elles consacrent parallèlement à la suppression des CAP et de l’arbitraire qui s’en suit.

 

La suppression des CAP de « promotions » et l’entrée en pleine application de LDG devant intervenir à partir des promotions au titre de l’année 2021, la DGFiP aurait dû quant à elle engager le processus de déclinaison des LDG avant fin 2020. Après de nombreux reports – dus en partie à la crise « Covid », en partie à un agenda social bien trop chargé pour cause d’obstination de la DG à poursuivre ses réformes « NRP » et « démétropolisation » –, le premier groupe de travail (GT) avait été programmé par la direction générale (DG) au 9 février 2021 avant d’être précipitamment avancé au 19 janvier… Un changement de date quelque peu cavalier qui semble vouloir indiquer que la DG veut avancer au pas de charge pour rendre maintenant sa copie dans les plus brefs délais.

 

Malgré la précipitation, l’alliance CFDT-CFTC Finances publiques s’est rendue à ce premier GT pour y défendre les intérêts des agents et tenter de faire entendre la voix de la transparence, de l’équité et d’une véritable reconnaissance professionnelle des acquis et compétences des agents de la DGFiP.

 

Promotions, une disette inacceptable

 

La promotion interne permet à chaque agent d’évoluer dans sa carrière professionnelle en exerçant de nouvelles fonctions et responsabilités mais constitue également un ascenseur social. CFDT et CFTC Finances publiques considèrent que le niveau actuel de promotion est très insuffisant et ne permet pas à l’ensemble des agents d’évoluer dans leur carrière comme ils le souhaitent et le méritent. Nous avons demandé une véritable hausse du niveau de promotion interne.

 

La DG nous a confirmé que ce sujet serait à l’ordre du jour de futures négociations mais elle a aussi ajouté qu’elle considérait le niveau actuel de promotions internes à la DGFiP comme relativement favorable par rapport aux autres administrations. Rappelant les mérites et l’investissement des agents de la DGFiP dans la mise en œuvre des réformes qui impactent notre administration et dans le plan de crise « covid » gouvernemental, la DG s’est aussi félicitée de sa gestion et du nombre de promotion qu’elle obtient… Sans nier les efforts effectués par tous, y compris nos principaux hiérarques, on ne peut tout de même pas se satisfaire ni se féliciter des taux de promotion actuels. Les vaches sont maigres, bien maigres.

 

Des clarifications à apporter concernant les tableaux d’avancement

 

Les LDG « promotions », après avoir rappelé l’importance du concours et de l’examen professionnel comme modes de promotion, traitent à la fois des tableaux d’avancement et des listes d’aptitudes. Par ailleurs, la DG considère qu’elles doivent définir le cadre des promotions « au choix » par ordre de mérite.

 

L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques revendique une carrière sur deux grades pour tous les agents de la DGFiP. Ainsi, concernant les tableaux d’avancement, nous ne pouvons accepter la vision restrictive de la DG. Nous revendiquons des tableaux d’avancement permettant à tous les agents d’accéder au grade supérieur sans sélection « au choix ».

 

Au risque de l’arbitraire ?

 

Concernant les promotions de corps, si nous ne sommes pas opposés à une forme de reconnaissance du mérite individuel, nous divergeons néanmoins nettement du cadre proposé par l’administration.

 

Nous considérons tout d’abord que concours et examens professionnels doivent demeurer les deux principales voies de promotion de corps. Sur ce point la DG affirme conserver ce cap.

 

Mais nous demandons également que le mécanisme des listes d’aptitude évolue vers un vrai système de reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle (RAEP). Si la DG ne nie pas l’intérêt de mieux évaluer et reconnaître les acquis de l’expérience professionnelle, elle indique ne pas être en capacité de le faire. Elle préfère avancer sur son dispositif plutôt que de se donner les moyens de mettre en place une promotion de corps par RAEP.

 

L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques considère que dans le cadre d’une promotion dite « au mérite », il faut évaluer les compétences et les acquis de l’expérience professionnelle du candidat à partir de critères objectifs bien définis – sans pour autant ignorer que demeure toujours une part de subjectivité qu’il s’agit de limiter et de contrôler –, et déterminer s'ils sont en adéquation avec les compétences attendues pour l’exercice des missions correspondant à la doctrine d’emploi du corps demandé.

De manière toute différente, la DG, consacrant le « soutien de la chaîne hiérarchique » comme pierre angulaire de toute promotion, entend évaluer à partir de critères flous – simple « faisceau d’indices » laissant une part importante à la subjectivité – les aptitudes de l’agent à exercer les fonctions du corps supérieur et simultanément établir un classement local et national entre les candidats.

 

La divergence est de taille car le système proposé impose de comparer les mérites de chacun relativement à l’ensemble des candidats. Il met en concurrence les agents et introduit un risque d’arbitraire supplémentaire.

 

De la nécessité d’une procédure transparente et de véritables moyens de recours

 

Deux éléments dysfonctionnels condamnent le processus de promotion « au choix » proposé par l’administration à demeurer opaque, inéquitable et arbitraire s’ils ne sont pas corrigés.

Tout d’abord l’absence d’un cadre d’évaluation strict – précisant au travers d’un corpus méthodologique d’évaluation comprenant en particulier des critères d’évaluation quantifiés et qualifiés – ouvre la porte à tous les jugements de valeur et à une forte prégnance de la faveur.

Deuxièmement, alors que dans un dispositif de reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle (RAEP) la connaissance de la seule situation individuelle au regard des attendus permet à la fois d’établir un jugement sur la candidature et sur la décision prise par l’administration, ce n’est pas le cas d’un dispositif qui compare les situations pour établir un ordre de mérite. Dans ce dispositif, la situation individuelle, à l’issue de la procédure, ne peut pas être comprise et acceptée sans une connaissance de la situation d’ensemble, c’est-à-dire de la situation des autres candidats au regard des mêmes attendus.

 

Concernant le premier point, si la DG a reconnu l’intérêt d’étudier le développement de procédure de « certification des compétences », ou de disposer de critères d’évaluation des mérites, elle a immédiatement relativisé ses propos. Ne disposant pas à l’heure actuelle d’outils de validation des acquis de l’expérience professionnelle, elle renvoie tout d’abord à un futur incertain cette hypothèse. Par ailleurs, si un cadre lui semble nécessaire, et quand bien même elle indique utiliser des grilles d’analyse – dont nous demandons la publicité pour assurer la pleine transparence des modalités de sélection –, elle veut qu’il soit lâche… Comprendre qu’il n’embarrasse pas trop les directeurs locaux et nationaux, ni en termes de procédure, ni en termes de recours, ni en termes de bon plaisir.

 

La DG a néanmoins précisé que la notion de critères pouvait trouver place dans les LDG et que les critères spécifiques mis en œuvre pour chaque campagne de promotion devait être connus. L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques revendique des grilles de critères précises, comportant des éléments d’évaluation pouvant être quantifiables et qualifiables, et ne se satisfera pas d’une simple référence renvoyant la définition d’un cadre, par ailleurs limité, à des instructions générales ou notes annuelles.

 

Deuxième écueil, la disparition des CAP et le refus de la DG d’opter pour une véritable RAEP viennent donc imposer un contrôle renforcé dans le cadre du dispositif proposé par l’administration. L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques demande donc naturellement que les élus en CAPL et CAPN puissent accéder dans le cadre des recours au même niveau d’information que celui de l’administration et en particulier, comme c’était le cas lors des CAP, aux éléments de sélection de tous les candidats.

 

La DG se retranche derrière la suppression des CAP et une caricature spécieuse de nos propos nous accusant de demander une forme de cogestion, pour rejeter notre demande et renvoyer les OS au seul suivi de signalement de cas individuels pour lesquels une injustice ou une faute de procédure serait présumée. C’est pour nous inacceptable en l’état. Les représentants du personnel doivent pouvoir aider les agents à comprendre les décisions de gestion les concernant et, le cas échéant, les contester avec le niveau d’information nécessaire pour éclairer la situation.

 

Evaluation annualisée, nécessité de dérouler une carrière et mobilité exigée

 

Les LDG « promotions » présentées par la DG insistent à la fois sur le fait que la sélection est annuelle, que les candidats doivent pouvoir « dérouler une carrière utile » et que la mobilité géographique et fonctionnelle sont exigibles.

 

Une fois n’est pas coutume, la DG propose un système en partie paradoxal et en tout cas problématique. Pour les sélection, elle envisage – même si elle s’interroge sur ce point – de retenir les compte-rendus d’évaluation professionnelle des 5 dernières années mais parallèlement elle n’exclut pas de rebattre les cartes chaque année. Outre que cette situation peut s’avérer particulièrement frustrante voire injuste pour les agents brutalement déclassés, on ne peut se satisfaire d’un flou qui, sans grille d’analyse précise et partagée, accroît l’opacité du dispositif. Pour pallier cette difficulté, la DG s’engage à ce que tout agent faisant l’objet d’un « déclassement » bénéficie d’un « retour » dont la forme n’est pas précisée à ce jour. On pourra difficilement considérer cette évidence comme une avancée ! Il s’agit du minimum qu’elle puisse faire pour l’agent « déclassé ».

 

Par ailleurs, la notion de « carrière utile » est floue. Outre qu’elle laisse penser que la DG souhaite promouvoir des agents relativement jeunes, elle pose également le problème du taux de promotion et des déclassements éventuels. Comment expliquer qu’un agent méritant, bloqué par des années de faibles niveaux de promotion et éventuellement « déclassé » une année pour des raisons aussi obscures qu’opportunistes, se retrouve in fine empêché car il ne pourrait plus « dérouler une carrière utile ». Une notion aussi générale ouvre là encore la porte à injustices et arbitraire. L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques revendique l’abandon de cette terminologie.

 

Concernant la mobilité, en particulier géographique, on sait qu’elle est un frein aux promotions, en particulier pour les femmes. La DG admet que c’est une difficulté mais considère que la mobilité doit être valorisée en matière de promotions. Elle considère qu’elle ne peut abandonner ce principe en particulier pour des raisons d’organisation et de répartition des effectifs en fonction des besoins. Elle indique par ailleurs que la mise en place des LDG « mutations » avec la fin des quotas de convenances personnelles et les critères subsidiaires de rapprochement permet de limiter les effets de la mobilité dans l’espace comme dans la durée. L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques, sans dénier les difficultés qui peuvent exister en matière d’allocation des emplois, considère qu’il est néanmoins possible, en particulier dans la situation actuelle de très faible niveau de promotion, d’assurer pour chaque agent promu une mobilité géographique limitée.

 

L’égalité entre les femmes et les hommes est clairement l’un des objectifs du décret n°2019-1265 et de la loi de transformation de la fonction publique. C’est un combat fondamental mené par la CFDT et la CFTC, et nous continuerons à militer pour que ces LDG permettent une mise en œuvre réelle et rigoureuse de ce principe.

 

 

Se mettre en conformité avec la loi et reconnaître les parcours au-delà de la DGFiP

 

Le terme de mobilité est sans cesse mis en avant et, comme tout ce qui relève du champ lexical du mouvement, valorisé en soi, au moins dans les discours. En réalité, l’usage de cette veine idéologique sert en fait, comme souplesse et fluidité, à cacher le plus souvent la volonté de disposer d’un effectif déplaçable ou transférable au gré des besoins et des restructurations. C’est sans doute pourquoi les éléments les plus positifs de la mobilité sont si souvent oubliés dans les circulaires, notes et instructions.

 

Au cas d’espèce, la DG, comme le secrétariat général avant elle, a tout simplement omis une partie du décret n°2019-1265 qui précise que : « les lignes directrices de gestion […] visent en particulier à préciser les modalités de prise en compte de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents notamment à travers la diversité du parcours et des fonctions exercées […]. Ces modalités permettent de prendre en compte les activités professionnelles exercées par les agents, y compris celles intervenant dans le cadre d'une activité syndicale et celles exercées à l'extérieur de l'administration d'origine, dans une autre administration [...], dans le secteur privé, notamment dans le secteur associatif, ou dans une organisation européenne ou internationale »

 

L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques revendique la clarification des LDG « promotions », l’introduction effective de la référence aux parcours en dehors de la DGFiP et la pleine reconnaissance des parcours professionnels, parfois complexes, des agents de la DGFiP.

 

Encore une ou deux réunions pour changer la donne…

 

Le prochain groupe de travail se tiendra le 9 février. L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques s’y rendra avec la ferme intention d’améliorer le dispositif de la DG car si un désaccord de fond perdurera quoiqu’il advienne, nous considérons qu’il est possible de corriger certains effets néfastes du dispositif de la DG sur différents points en réaffirmant la prééminence de critères objectifs, connus et à l'évaluation contestable, sur l’arbitraire et en assurant aux agents la possibilité de réels recours. Nous continuerons également à défendre un égal accès à la promotion de grade et de corps pour les femmes et les hommes et à promouvoir la valorisation des parcours professionnels moins linéaires ou plus atypiques, ainsi qu’une carrière sur 2 grades pour tous.

 

 

Informations

Calendrier

Publication de la liste des promotions de C en B mi-février

Campagne TA 2021, C et B, et résultat, d’ici fin du 1er semestre 2021

Campagne TA 2022, C et B, fin 2021

Liste d’aptitude B en A 2021

Aucune potentialité perdue. Les résultats de l’examen professionnel seront pris en compte. Les potentialités libérées dans chaque direction où un agent promu sur LA sera reçu à l’EP permettront de promouvoir l’agent suivant sur la liste d’aptitude de la direction.

 

Vous trouverez également en pièces jointes, la déclaration liminaire et le compte-rendu au format pdf