Harcèlement moral au travail : La CFDT obtient la condamnation au pénal de l’auteur des faits

  • MEF

Le jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 18 décembre 2024, qui vient de nous être notifié, fera date en matière de harcèlement moral au travail, dans la sphère publique.

Ce jugement expose clairement les faits constitutifs de harcèlement moral, dont s’est rendu coupable le chef du service juridique de l’Autorité de la Concurrence, qui ont conduit au décès de son adjoint, notre regretté collègue, Alain Mouzon.

En 2016 déjà, le tribunal administratif de Paris avait reconnu la « faute de l’administration en raison du harcèlement moral subi par celui-ci et du défaut de protection dont il avait été l’objet » et condamné l’État.

Cette fois, c’est la responsabilité pénale, c’est-à-dire personnelle du ou des auteurs des faits, qui était recherchée devant la justice. Le SPACEFF – CFDT s’est porté partie civile, en soutien à la famille d’Alain, décédé en mars 2014.

Un jugement qui pointe les différentes formes de harcèlement moral

Le harcèlement moral est défini à l’article 222-33-2 du code pénal

« Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ont entraîné aucune incapacité de travail.

L'infraction est également constituée :
a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;
b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. [...] »

Dans cette affaire, le Tribunal a jugé que « des propos dévalorisant, méprisant et humiliant peuvent être retenus comme caractérisant une situation de harcèlement » dès lors que l’auteur des faits a conscience du « caractère déstabilisant, vexatoire ou risqué pour la santé de la victime » de ses agissements.

Pour le juge « La condition préalable à la caractérisation de ce délit est l’existence d’un cadre de travail. Le cadre de travail peut ainsi concerner les relations professionnelles interpersonnelles, mais doit aussi être entendu comme l’organisation du travail, ses contenus et conditions. Ce cadre de travail concerne autant une collectivité qu’un individu. Dans les deux cas, le harcèlement moral porte sur ce qui, dans le travail, peut être utilisé pour atteindre psychologiquement les personnes ».

Le Tribunal a distingué le harcèlement managérial (qui est le fait d’un individu) du harcèlement institutionnel (qui au-delà de l’encadrant engage la responsabilité de l’administration employeur et de ses cadres dirigeants).

« Le harcèlement moral managérial découle de modes ou pratiques de gestion du personnel provoquant une détresse psychologique. Le harcèlement moral institutionnel se distingue du harcèlement managérial en ce qu’il est susceptible de mettre en cause par son ampleur, au-delà de la personne de l’encadrant, la personne morale et ses dirigeants. Ainsi le harcèlement moral institutionnel ne se définit pas tant comme un dépassement de l’exercice du pouvoir de direction (susceptible de caractériser le harcèlement managérial), que comme un abus du lien de subordination juridique liant le salarié à l’entreprise, au sein d’une communauté de travail. »

Le chef de service a été reconnu coupable, il a été condamné à :

  • 18 mois de prison avec sursis. Il lui est en outre interdit d’exercer toute fonction d’encadrement pendant 5 ans ;
  • Au versement à la famille, au titre des frais de défense qu’elle a engagés, de la somme de 12 000 € ;
  • Au versement de la somme de 2 000 € au SPACEFF-CFDT, « en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à l’intérêt collectif du personnel de l’Autorité de la Concurrence, et plus particulièrement du service juridique, conséquence du harcèlement moral subi par Alain Mouzon » .

Nos pensées vont à Alain, sa famille et ses collègues.

Le harcèlement moral au travail

Avis du Conseil économique et social du 11 avril 2001

Dans un État de droit tel que le nôtre, de tels agissements atteignant la dignité et l’intégrité des personnes, même s’ils se fondent sur le fallacieux prétexte des contraintes économiques ou de la bonne gestion du service, même s’ils surviennent dans le champ clos des relations de travail, ne sauraient être tolérés. Les responsabilités, qu’elles soient personnelles ou inhérentes à la stratégie de l’entreprise, du service ou de l’association, doivent être recherchées et faire l’objet de sanctions adaptées.

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