Démétropolisation - Suite de l'opération déménagement ...en guise d'aménagement du territoire

Publié le 02/12/2020

Le comité de sélection des collectivités candidates à accueillir des services de la DGFiP s'est réuni en visioconférence le 30 novembre sous la présidence du directeur général Jérôme Fournel qui a expliqué comment serait choisie la quinzaine de communes rejoignant les 50 premières lauréates.

Les hauts-fonctionnaires de Bercy auront réussi une nouvelle fois à détricoter l'opération de démétropolisation vers les territoires annoncée il y a plus d'un an par le gouvernement. Sous couvert de « relocalisation », c'est à un grand déménagement de services des Finances publiques et de concentration auquel on assiste dorénavant ...sans communiqué de presse, ni tambours, ni trompettes.

Après avoir fait longuement état des travaux engagés depuis 2 ans, le DGFiP face à lui-même, faute au coronavirus (visioconférence), a lancé la deuxième phase de sélection des villes candidates à l’accueil de services des Finances publiques …en théorie délocalisés de Paris et des grandes métropoles, ce qui s’avère essentiellement mensonger.

Pour rappel, la première liste des 50 communes retenues avait été dévoilée le 29 janvier dernier (NDLR : l’implantation des services et des emplois sauvegardés avait été donnée le 30 septembre) à grand renfort de médiatisation et surtout en présence du ministre Gérald Darmanin et d’Olivier Dussopt. On parlait alors encore de « démétropolisation » (sic) sous l’ère de l’excessive communication dudit Darmanin. Outre la liste principale des 50 villes établie à l’issue d’un processus de sélection, restait un vivier complémentaire de 40 communes. Une quinzaine d’entre-elles seulement bénéficieront de transferts d’emplois de la DGFiP (ou d’emplois sauvegardés). Bruno Le Maire en avait déjà fait l’annonce en septembre dernier.

La réunion du 30 novembre a donc surtout porté sur quelques précisions. La « liste des 40 » qui a connu quelques désistements suite aux dernières élections municipales (10 %), a aussi été retravaillée en adaptant les critères de sélection initiaux aux circonstances. (NDLR : les critères se seraient-ils adaptés en fonction de la quinzaine de villes plus ou moins déjà envisagée ? Les communes disposant d’un centre des Finances publiques vidé par la politique du NRP du même Jérôme Fournel seront-elles privilégiées ?) Politiquement, il a aussi été tenu compte de la situation socio-économique d’une ville comme Lannion (cf. infra) qui a ainsi été ajoutée au gruppetto. Les Côtes d’Armor bénéficieront donc probablement de deux services dit « relocalisés » après celui de Guingamp (service d'appui publicité foncière).

Naturellement, s’agissant d’un choix politique, celui-ci sera effectué par le gouvernement en tenant compte de la sélection « opérée » par le comité de sélection ou plus exactement par le DG. Il transmettra aux OS d’ici peu les noms de la quinzaine de villes ayant sauvé leur fief des Finances publiques ou en accueillant un nouveau. Des villes comme Fougères (35), Vendôme (41), Loches en Touraine (37), Bourges (18), Dreux (28), Amiens (80), Clermont (60), Montbard (21), Autun (71), Aurillac (15), Avignon (84) ou Nîmes (30) pourraient en être. De quoi de beaucoup mieux répartir les sites sur la carte de France, ce dont s’est félicité le DG. Il faut cependant savoir que « pour affiner l’analyse des candidatures » a été introduit un subtil critère de « couverture équilibrée du territoire au regard des 50 premières candidatures retenues » (sic). Evidemment, ça aide pour recouvrir l’hexagone en rustines DGFiP colorées.

Aux interlocuteurs externes, le DG a vanté les mérites de notre administration : la « relocalisation » des services pourra ainsi s’appuyer sur un savoir-faire « en matière d’implantation de services à compétence supra-départementale ou nationale ».

Toute ressemblance avec des personnages existants...

Le  DG semble reproduire les mêmes recettes de restructuration que celles imposées à l'époque à nos collègues douaniers : concentration des missions dans des structures à compétences nationales, création de pôles régionaux voire interrégionaux (pour le contrôle, l'accompagnement des entreprises), maintien de pseudo-bureaux fourre-tout sans effectifs ...avec le résultat qu'on connaît aujourd'hui. Soit le transfert d'une grosse partie des missions ...quand elles ne sont pas supprimées.
Les méthodes similaires ayant prévalu aux Douanes que Fournel Jérôme a dirigé conduiront-elle au même sort funeste à la DGFiP.  Qui croire : Jérôme Fournel qui assure sa volonté de rendre les nouveaux services DGFiP pérennes ou Fournel Jérôme ? Bien sûr, celui-ci met en avant le progrès qui simplifie tout et rend la vie plus simple : « le développement des outils numériques, le travail à distance, la dématérialisation, permet de penser autrement les métiers pour en favoriser l’organisation et la rendre plus simple ». C’est beau comme l’Antique.
 

On se pince parfois d’entendre Jérôme Fournel …quand on voit l’infrastructure du réseau qui ne supporte plus tant de sollicitations (NDLR : l’indisponibilité du e-contact sur lequel ce DG a misé une part prépondérante des relations avec l’usager fait réfléchir), que les applications répondent moins bien qu’il y a dix ans, que les appels sonnent dans le vide faute de personnels, qu’il a fallu des mois pour que la DG arrive à organiser de simples visioconférences avec les OS, que le télétravail est à des niveaux ridiculement bas parce qu’en juin il avait été considéré que la vie d’avant devait reprendre (NDLR : pour flatter les chiffres, on la DG y ajoute les agents « nomades » qui n’ont rien y faire), etc.

Alors oui, on peut parler du numérique et de la digitalisation, on peut parler de travail à distance, mais sans l’hubris pour une fois ! S’assurer que les moyens humains et la technique le permettent ab initio devraient être un préalable à l’agenda de la « démétropo ». Il conviendrait surtout ne de pas oublier que les appels inaboutis ou les e-contacts « en rade » drainent des usagers dans les centres et que les mécontentements se payent de plus en plus, au mieux, en insultes.

Quelles annonces RH ?

S’agissant d’agenda, rappelons que 18 services seront positionnés dès 2021 – pour l’essentiel en septembre (on devrait donc en trouver trace dans la campagne de mutations qui arrive). L'implantation des nouveaux services s'effectuera sur 3 ans environ, lesquels travailleront à distance pour « d’autres services des métropoles », dixit le DG. Voilà comment habiller l’artifice de la démétropolisation. On peut craindre que ces services polarisés ou de soutien ne viennent vider ceux qu’ils sont censés soutenir dès lors que la DGFiP aura l’ambition minimale d’une grande professionnalisation, voire, dans un second temps, servir de prétexte à de nouvelles concentrations et fermetures de services locaux en prise direct avec les usagers. Il ne serait guère plus acceptable d’ailleurs d’envoyer « au casse-pipe » des sorties d’école dans certains nouveaux services, d’autant plus au regard du format des formations initiales raccourcies.

Mais que se passera-t-il pour les sites non attractifs ? Ca reste un poil mystérieux ! Comment seront valorisées les compétences ? Quels accompagnements concrets vont suivre ? Quand va-t-on en discuter avec les OS ?

Au lancement du projet de « démétropolisation », les conditions d’accompagnement des fonctionnaires « délocalisés » ont été mis en avant à travers les critères de départage des villes. L’appel à candidature pointait en effet des éléments à émouvoir tous les fonctionnaires : « des conditions de travail qui (…) soient les meilleures possibles », « de la couverture numérique », « des facilités d’accès au lieu de travail », « des possibilités de stationnements », « facilités pour faire garder et scolariser les enfants », etc. Cette bienveillance s’est muée en mutisme total jusqu’à présent lorsqu’il s’est agi de la mettre pratique. Comment la DGFiP entend s’assurer du respect de ces critères ? Les groupes de travail internes à la DGFiP concernés par la « démétropo » n’abordent jamais le sujet. Notre demande de prise en compte de la situation d’emploi du conjoint attend toujours compte tenu de la situation de certains bassins d’emploi (⇒ lisez la dépêche sur les villes candidates). Interrogé sur ce point concernant Lannion (22), le DG a été beaucoup moins disert se contentant de quelques phrases de bonnes intentions. La prochaine réunion donnera l’occasion à Jérôme Fournel de se montrer concret.

Lannion : c'est une histoire économique et sociale devenue un classique de la France des 30 dernières années. L'héritage d’Alcatel qui se transforme en catastrophe politico-industrielle avec l’abandon de Nokia et la destruction de 400 emplois …sans parler des emplois indirects et des conséquences sociales et micro-économiques. Le fruit d'un abandon des stratégies et des politiques nationales industrielles depuis les années 80 qui ont laissé disparaître ou échapper à la France tant de fleurons : Usinor, Péchiney, Matra, Thomson, Alsthom démantelé, les industries fragilisées de l'imprimerie, du textile et tant d’autres).