
Insee Grand Est : sortir des tension interpersonnelles
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Depuis mars 2024, les conditions de travail au Service Études et Diffusion de l’Insee Grand Est se sont fortement dégradées. La mauvaise ambiance de travail qui y règne a progressivement fragilisé des agents et élus d’autres services, faute d’une prise en charge individuelle et collective des conflits interpersonnels. D’autres unités du Grand Est sont également concernées par une augmentation des risques psycho-sociaux. Ces tensions particulièrement fortes ont conduit à ce que le sujet soit abordé dans le cadre du dialogue social national, lors du GT du 28 avril 2025.
Pour la CFDT, il est plus que temps de se mettre autour d’une table et d’échanger pour trouver une sortie à ces conflits. Il faut aujourd’hui communiquer sur les nouvelles organisations avec les agents concernés et accompagner les équipes en tension.
Depuis mars 2024, des agents du Service Études et Diffusion (SED) Grand Est ont transmis 14 fiches de signalement faisant état de leur souffrance psychologique, liée aux tensions interpersonnelles, et aux effets sur leur santé.
Jusqu’à quatre encadrants du SED ont été simultanément en arrêt de travail, nécessitant un renfort du SAR pour assurer le management. Certains agents sont en arrêt maladie depuis plusieurs mois. Le nombre d’arrêts maladie du service a atteint un pic en février 2025.
Les élus alertent dès mars 2024 sur les tensions. Mais en dehors de deux enquêtes, aucune action concrète n’est mise en œuvre par la direction avant 2025.
Face à l’aggravation de la situation, les élus déclenchent une alerte pour danger grave et imminent en janvier 2025.
En parallèle, les élus signalent également l’apparition de tensions au Service de l’Action Régionale (SAR) et à la Division des Enquêtes Ménage (DEM) de Nancy en début d’année 2025, sans avoir le sentiment d’être entendus ni pris au sérieux.
Lors de la préparation d’une réunion de dialogue social, les élus assistent en direct à la suspension d’un collègue élu, agent du SED, sans explication. Ce geste suscite une forte angoisse parmi les représentants du personnel, portant leur mal-être à son paroxysme.
Suite à cette succession d’évènements, beaucoup signalent leur propre souffrance. Quatre fiches de signalement sont transmises à la Direction, mentionnant l’impact important de cette situation sur leur propre santé.
Faute d’entrevoir la moindre issue à ces tensions perçues comme un manque de conscience de la gravité des risques psycho-sociaux dans le Grand Est, les élus du personnel choisissent en février 2025 de se retirer du dialogue social local pour porter leurs alertes au niveau national.
En avril 2024, la Direction régionale mandate deux encadrants SAR (Metz et Strasbourg) pour mener une enquête administrative interne sur la situation inquiétante du SED.
L’indisponibilité d’un des rapporteurs entraîne la remise tardive de conclusions (fin août 2024 au lieu de juin-juillet). Le rapport n’a jamais été finalisé, selon la Direction.
Les rapporteurs préconisent tout de même un traitement plus rapide de ce type de situation.
Ce rapport n’a pas été remis aux élus locaux et nationaux pour des raisons de confidentialité.
Faute de retour rapide des rapporteurs internes, l’Inspecteur Santé Sécurité au Travail (ISST) régional est sollicité en juin 2024 par le Directeur Régional pour mener un audit sur la situation au SED.
Un questionnaire anonymisé permettant d’évaluer les risques psychosociaux en milieu de travail selon les critères de Gollac a été complété par l’ensemble des agents volontaires.
Tous les agents volontaires ont également eu un entretien semi-directif avec l’ISST, le médecin du travail ou l’Assistant des Services Sociaux. En raison d’un accident de l’ISST, les derniers entretiens n’ont pu avoir lieu que fin 2024.
Le rapport de l’ISST, rendu seulement en décembre, identifie malgré tout clairement une situation alarmante au SED en termes de risques psycho-sociaux.
Les préconisations des services de santé au travail portent sur :
Ce rapport est présenté aux élus locaux le 16 janvier 2025, avec un projet de plan d’actions très léger.
Les élus du personnel apportent alors plusieurs propositions concrètes : changements de bureau, communication renforcée pour faire savoir aux agents que la direction a pris la mesure de l’urgence de la situation, accompagnement de l’intérim de la direction par une réorganisation temporaire des équipes pour que chaque agent puisse avoir un référent, appui du psychologue du travail, facilitation des mobilités...
Suite à l’audit de l’ISST, l’inspection générale de l’Insee est mandatée le 13 février 2025 pour répondre rapidement et plus spécifiquement aux préconisations métiers de l’ISST : « Effectuer un diagnostic sur le fonctionnement actuel des équipes d’action régionale du SED et étudier les modalités permettant au service d’assurer les activités attendues dans un environnement de travail serein. »
Les deux inspecteurs généraux mandatés n’ont pas recherché de responsabilités, mais ont identifié avec les agents des solutions au constat partagé d’une situation alarmante au SED.
55 entretiens ont été menés, faisant ressortir une volonté forte d’améliorer la situation par le dialogue (Direction régionale dont SED, organisations syndicales du Grand Est, Direction générale, médecine du travail, ISST, Secrétariat général des ministères financiers).
Le sens du travail et la qualité du travail ne sont pas remis en cause : Le niveau du SED Grand Est est bon.
Le rapport a été remis mi-mars au Directeur général. Il n’a pas été communiqué aux élus mais ses grandes lignes et un plan d’actions ont été présentés le 28 avril 2025.
Pour sortir de la situation complexe et multifactorielle du SED faisant intervenir plusieurs personnes, les missionnaires préconisent d’engager un plan à plusieurs axes :
Ces axes sont principalement centrés autour de la communication, de l’échange et de l’accompagnement. Le planning est en cours de construction.
Les élus locaux du Grand Est interpellent le Directeur général de l’Insee lors de son passage à Strasbourg le 5 février pour obtenir une réponse plus adaptée à l’ampleur de la situation.
À la demande des élus nationaux et locaux, une nouvelle rencontre informelle avec le Directeur général et la Secrétaire générale a lieu le 20 mars 2025.
Lors de cette rencontre, tous les sujets à l’origine de la rupture du dialogue social ont été abordés : tensions interpersonnelles et ambiance dégradée, suspension d’un élu, manque de communication, épuisement des élus
Le Directeur Général a évoqué les premières mesures issues des préconisations du rapport de l’inspection générale, dont l’accompagnement des agents du SED en cours par Qualisocial.
Concernant les élus en souffrance, la Direction botte en touche.
À la demande de la CFDT et avec l’accord explicite de tous les présents, la Direction accepte d’étudier la mise en place d’un accompagnement par Qualisocial.
La proposition des élus de remonter les sujets lourds au niveau national en GT du CSA de réseau est acceptée.
Il est convenu qu’un bilan des fiches de signalement sera examiné lors d’un prochain groupe de travail, ainsi que le plan d’actions de sortie de crise.
La question de suspendre tout dialogue social même informel local est posée, mais elle n’obtient pas l’accord de l’ensemble des présents.
Satisfait de ces échanges, les élus locaux renvoient au Directeur régional le 21 mars une proposition de rencontre informelle le 28 mars pour échanger sur la reprise du dialogue social local (date déjà bloquée).
Le 26 mars, le Directeur régional refuse pourtant cette rencontre.
Le Directeur du DCVCT ne prend contact avec les élus locaux que le 4 avril pour proposer un schéma d’accompagnement des élus, avec une mise au vote lors du groupe de travail national du 28 avril.
Pour la CFDT, le DCVCT aurait pu lancer un diagnostic avec Qualisocial dès le 21 mars, comme il l’a fait pour le SED, montrant ainsi une véritable prise de conscience de la gravité de la situation.
Le 28 avril, le Groupe de travail national est entièrement dédié à la situation du Grand Est.
Le bilan des fiches de signalement, le rapport de l’ISST et le plan d’action des missionnaires de l’Inspection générale sur le SED sont abordés, ainsi que le plan d’action pour la DEM de Nancy et la nouvelle organisation du SAR Grand Est.
La réunion aura permis de mettre à plat la situation du SED, sans pour autant aborder les situations individuelles.
Un encadrant a été recruté en renfort (en poste depuis mai). Des accompagnements collectifs et individuels ont été mis en œuvre par Qualisocial dans le cadre de la convention ministérielle, pour un montant de 9 200 €, pris en charge sur le budget de l’Insee (DR ou SG).
La Direction indique que la situation n’est pas revenue à la normale, mais qu’elle s’est apaisée.
Les agents souhaitant une mobilité pourront l’obtenir.
Faute de temps, les échanges n’ont cependant pas permis d’aborder la situation du SAR. Celle-ci devrait être abordée dans un prochain échange au niveau national.
Pour la CFDT, il est urgent de renouer le dialoque afin de sortir de cette situation enkystée au SED.
Du temps sera nécessaire pour rétablir la confiance et le collectif au sein du SED, mais également avec les élus locaux.
La Direction locale a sa part de responsabilité dans la dégradation exceptionnelle constatée dans le Grand Est. Les premières alertes émises en mars auraient dû recevoir des réponses plus rapides et concrètes, malgré les absences des mandats pour enquêter.
La communication envers les agents, les échanges sur le travail et l’ambiance de travail sont essentiels.
Les assistants de services sociaux et la Division Accompagnement et Coaching (DAC) doivent jouer pleinement leur rôle dans le processus de reconstruction.
La Direction doit s’engager et échanger réellement en dialogue social sur les difficultés de ses agents et de ses divisions. Elle doit pouvoir mesurer la réalité du terrain.
Une situation signalée risque toujours de dégénérer si elle n’est pas prise en compte à temps par la Direction.
Cela pourrait être le cas pour le DEM de Nancy ou le SAR Grand Est… (Voir : Une nouvelle organisation du SAR Grand Est angoissante)
Si les agents déposent une alerte dans le registre santé et sécurité au travail (RSST) au lieu de faire un signalement, il faudra les accompagner pour les aider à sortir de la situation par le haut comme le prévoit la procédure.
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