
PLF 2025?: Bercy toujours aussi exemplaire pour les efforts mais pas pour la reconnaissance de ses agents
Le lendemain de la présentation du PLF 2025 par les ministres de l’Économie, des Finances et des Comptes publics, la secrétaire générale du ministère a détaillé aux fédérations les mesures prévues pour les ministères économiques et financiers.

Sur la gestion de l’exécution financière 2024, les cibles d’économie ne devraient pas occasionner de nouveau coup de rabot d’ici à la fin de l’année. De même, des efforts en matière d’investissements (notamment informatique) et de sécurité seront maintenus à la douane et à la DGFiP (respectivement + 24 millions d’euros et + 106 millions d’euros).
Mais après les annulations de crédits d'un montant de 10 milliards d'euros sur le budget de 2024 en début d'année, le projet de loi de finances pour 2025 marque «?un resserrement budgétaire significatif?». En effet, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport annuel, les choix successifs de réduction des prélèvements obligatoires ont contribué à cette situation. La dégradation du déficit structurel de 1,6 point de PIB s’explique en partie par une baisse de recettes fiscales cumulées de près 47 milliards d'euros depuis 2017.
Cette rencontre était donc très attendue pour comprendre les efforts et sacrifices demandés au ministère.
La valse des milliards
Le 6 mars 2024, le ministre des Comptes publics, M. Cazenave, a déclaré lors de son audition devant la commission des Finances que les réductions budgétaires passeraient de 12 à 20 milliards d’euros en 2025 pour respecter l’objectif de déficit de 3% en 2027.
Bien que l’inspection générale des finances (IGF) ait recommandé dans son rapport du 11 juillet 2024 relatif aux prévisions de recettes des prélèvements obligatoires de 2023, une amélioration des outils et modèles de prévision du ministère, il est clair que les modèles de prévision de la croissance française à court terme n’ont pas répondu aux attentes en 2024.
Le 10 octobre, le ministre des Comptes publics, M. Saint-Martin, a exigé un effort supplémentaire de 60 milliards d’euros pour atteindre un déficit de 3% d’ici 2029.
Les économies de 60 milliards d’euros nécessaires pour ramener le déficit à 5 % du PIB d’ici 2025 seraient réparties en 40 milliards d’économies sur les dépenses et 20 milliards sur les recettes, l'État prenant en charge la moitié de ces dépenses, soit 20 milliards d'euros (15 milliards d’euros par rapport au tendanciel). L’effort supplémentaire serait, au total, de 5 milliards après avoir annulé la réserve de précaution faite chaque année. Cela signifie que l’État ne disposerait plus de marge de manœuvre en cas de crise (financière, sanitaire, énergétique…).
Suppressions d’emplois?: la médaille d’argent pour Bercy
Le projet de loi de finances 2025 prévoit - 529 équivalents temps plein (ETP) pour les ministères économiques et financiers, représentant le deuxième contributeur le plus important après celui de l’Éducation nationale mais le premier rapporté au nombre d’effectif au niveau de l’État. Bien que ce nombre soit inférieur à ceux observés par le ministère par le passé, Bercy reste le principal contributeur en matière de réduction d’emplois.
La Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) sera la plus impactée avec une diminution de 550 ETP, contrastant avec les déclarations des ministres Attal et Cazenave qui avaient promis de stabiliser les emplois après les réformes structurelles. La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) perdrait 5 ETP et la Direction Générale des Entreprises (DGE), 10.
En revanche, la Douane verrait ses effectifs augmenter de 50 ETP, TRACFIN de 10 ETP et l'Agence pour l’informatique financière de l'État (AIFE) de 7 ETP. Les agences comme ATOUT France et BUSINESS France réduiraient respectivement leurs effectifs de 32 ETP et 10 ETP. Les crédits et postes de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) seraient préservés conformément au contrat pluriannuel.
Budget?: Bercy fera les frais de la «?consolidation budgétaire?»
À la différence du programme 156 sur la Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local, qui se concentre principalement sur les emplois, la mission « Économie », incluant le programme 218, devrait connaître une réduction significative des crédits d’intervention destinés aux entreprises. Certains de ces crédits seront supprimés suite aux sorties de crise, alors que d'autres seront maintenus pour préserver la compétitivité.
Derrière la baisse des dépenses de soutien à l’économie, l’alliance CFDT-CFTC s’inquiète surtout des conséquences de la baisse des crédits immobiliers pour nos directions?: -70 millions d’euros pour le budget du SG et - 60 millions d’euros pour l’immobilier à la DGFiP. Cette réalité a été résumé en deux phrases : «?Pas de crédit d’intervention en 2025. Pas de grands travaux?». Pourtant, à en croire le dossier de presse du PLF 2025, « en matière d’immobilier,?les actions en faveur de la rationalisation des emprises, de leur adaptation aux défis écologiques et de l’amélioration des conditions de travail sont amplifiées?». Comment??
Concernant les budgets des ministères économiques et financiers, le financement de l’action sociale est stabilisé sans tenir compte de l'inflation, et tous les engagements pris avec les syndicats seront respectés?: accord indemnitaire à la DGFiP, primes Jeux Olympiques et Paralympiques, contrat passé avec l’INSEE.
Le courage de dire ce qu’on fait …et ce qu’on ne fait pas
La Secrétaire générale des ministères économiques et financiers a reconnu qu’il ne s’agissait pas d’une baisse des effectifs indolore. Elle a précisé que cet effort n’obèrerait pas la capacité de la DGFiP à gérer les priorités qui lui ont été données bien qu’on ne fasse «?pas la même chose avec 550 ETP de moins?». La CFDT et la CFTC Finances reconnaissent là un discours de vérité qui tranche avec celui du ministre Saint-Martin.
En effet, ce dernier a insisté la veille devant les parlementaires sur la nécessité de « faire plus avec moins » et cela ne peut pas passer auprès des agents. Cette ancienne antienne de la « performance » et de « l’efficience » n’est ni crédible ni acceptable depuis bien longtemps, car elle se traduit par une intensification du travail et une perte de sens pour les agents.
Le vrai courage est de dire ce qu’on ne fait pas ou autrement. Et de dessiner un horizon pour nos missions et des perspectives pour les agents qui vont au-delà des sacrifices demandés pour 2025.
Climat social?: des nuages à l’horizon
Alors que les agents voient leur pouvoir d’achat diminuer chaque année (-1,2% pour les agents de l’État en 2022 selon l’INSEE), l’emploi public reste la variable d’ajustement. Et comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement supprime pour 2025 la garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA), créée en 2008?! Les agents dont le traitement indiciaire brut aura augmenté moins rapidement que l'inflation, ne bénéficieront plus de cette indemnité de perte de pouvoir d'achat.
Et pendant ce temps, le ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique Kasbarian déclare vouloir réformer «?à côté des agents?» et non «?aux côtés » … Il oppose les agents entre eux (les « utiles » à l’accueil et les autres…). Les grilles indiciaires ne sont toujours pas négociées et révisées alors qu’elles sont tassées par les augmentations du SMIC. Mais le ministre Kasbarian a trouvé la solution à tous les problèmes?: supprimer les catégories.
Au final, moins d’emplois, moins de budgets, moins de pouvoir d’achat ça ne fait pas plus de services publics. Et ce sont les agents et les plus vulnérables qui en feront les frais.
La CFDT s’est toujours positionnée en responsabilité en matière budgétaire. La CFDT a des propositions pour investir dans l’avenir, financer les solidarités, pour la justice fiscale et la cohérence sociale et environnementale avec ses partenaires du Pacte du Pouvoir de Vivre qui réunit plus de 60 organisations parmi les plus importantes de la société civile (Réduire le déficit tout en préparant l’avenir).
«?Quand c’est flou…»
Pour autant, le contexte de «?flou?» n’est pas rassurant puisque le pouvoir exécutif, faute de majorité, n’est pas dans la meilleure position, pour imposer sa politique. Rien n’est sûr ni acquis. À l’issue de la discussion du texte au parlement, il pourrait y avoir des «?plus?» comme il pourrait y avoir des «?moins?» …
La CFDT et la CFTC Finances s'opposent à ces suppresssions d'emplois arbitraires sous couverts de simplification et de débureaucratisation. Au final, ce sont les conditions de travail des agents et la qualité du service public aux usagers qui en supporteront les conséquences.