Réorganisation du contrôle fiscal : une vision stratégique, vraiment ?
La Direction Générale a engagé une réflexion sur la réorganisation du contrôle fiscal, et plus particulièrement sur le rôle des Pôles de Contrôle et d’Expertise (PCE), qu'elle a présentée lors d'un groupe de travail le 12 novembre 2024. Les remontées des services en attestent, cette réflexion suscite de nombreuses interrogations légitimes, parmi les agents car ils sont laissés le plus souvent sans information de la part des équipes de direction. À travers cette réforme, la DG déclare vouloir moderniser l’organisation du contrôle fiscal tout en s’adaptant aux contraintes locales, que ce soit le tissu fiscal mais aussi, plus paradoxalement, aux effectifs alors qu'elle porte la responsabilité de leur baisse.

La méthode nous interroge et des préoccupations majeures demeurent, notamment sur la perte d’expertise, la centralisation des missions et l’impact sur les conditions de travail des agents avec les transferts d'effectifs mais aussi la dépossession de leur cœur de métier.
Les propositions de la DG pour réorganiser les missions des PCE
Le point de départ de la DG est pour le moins original : il consiste à proposer de réformer les PCE mais sans donner de directives précises ou d'attendus aux directeurs locaux. Il est simplement souhaité que les possibles réorganisations permettent de mieux répondre aux évolutions du contrôle fiscal.
Ainsi, la programmation des contrôles doit être professionnalisée grâce à des pôles départementaux dédiés, intégrant des agents spécialisés dans l’analyse des données issues du datamining et les informations locales. La mission de programmation événementielle reste essentielle et devrait s’appuyer sur des cellules départementales, des PUC (pôle unifié de contrôle) ou d’autres structures locales.
L’expertise fiscale sera renforcée au sein des SIE, avec le transfert des compétences sur les RCTVA et CIR, conformément aux orientations du COM 2023-2027. Il s'agit ici de gérer les impacts, sur les remboursements de crédits de TVA, de la facturation électronique dont le déploiement est désormais prévu au plus tôt pour le début 2026.
Le contrôle fiscal externe sera centralisé dans les brigades de vérification, tandis que le contrôle sur pièces des professionnels reposera sur les SIE, les PUC et les pôles nationaux de contrôle à distance (PNCD). La création d’un second PNCD PRO a d’ailleurs été annoncée.
L’acquisition d’informations fiscales externes via les BCR sera intensifiée via la « mobilisation du renseignement interne » déjà maintes fois mentionnée par le passé, pour améliorer les résultats du contrôle. Enfin, les schémas proposés laisseront une marge d’adaptation aux directions locales, afin de répondre aux enjeux fiscaux spécifiques tout en s’inscrivant dans une stratégie nationale cohérente.
Ce qui est en jeu
Une organisation “à la carte” : promesse ou risque ?
La DG assume de laisser aux directeurs locaux une large latitude pour organiser les missions de programmation et de contrôle, en fonction des effectifs et des besoins territoriaux. Si dans une version optimiste, cette flexibilité permet de pérenniser ce qui fonctionne bien, elle risque également de renforcer les disparités entre directions et d’accentuer la pression sur les agents dans des contextes de sous-effectifs chroniques.
La programmation menacée par la technicisation ?
Les agents craignent une réduction de leur métier à des tâches purement techniques (datamining, exploitation de listes...) et répétitives, au détriment d’une analyse globale et d’une approche locale des risques fiscaux. Or, la programmation repose sur une expertise humaine et une fine compréhension des comportements fiscaux.
Les missions de proximité en péril
La DG assure vouloir préserver le rôle clé des PCE, essentiels pour lutter contre la fraude locale et renforcer la cohésion sociale. Cependant, le transfert de certaines tâches vers d’autres structures (comme les SIE) soulève des doutes sur leur capacité à maintenir le niveau actuel de couverture et d’efficacité.
Des responsabilités diluées sur l’événementiel
La programmation issue de l'évènementiel, aujourd’hui assurée par les agents du PCE grâce à leur réseau, essentiellement interne mais aussi ponctuellement externe et leur expertise locale, pourrait perdre en réactivité et en qualité si elle est recentrée sur un nombre réduit d’agents.
Les engagements ne valent que pour ceux qui veulent y croire
Le chef de SJCF, M. IANNUCCI a tenu à rassurer :
Il n’y aura pas de réforme brutale : la réorganisation ne sera pas imposée « à marche forcée » et l'objectif reste que les missions fondamentales soient exercées. A charge pour chaque directeur de déterminer l'organisation idoine, mais ce, sans avoir à faire valider ses options par la DG. Pour notre alliance, ce qui est fondamental pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre…
Le dialogue social local et la concertation avec les agents seront encouragés, mais « bien sûr » sans aller jusqu’à la cogestion quand même.
La diversité des méthodes de programmation perdurera, le datamining étant un outil parmi d’autres et l’initiative locale continuera d’avoir sa place.
L’importance de la formation a été rappelée. La professionnalisation des agents est un sujet « prioritaire », le SJCF ayant très récemment initié une réflexion sur la formation professionnelle .
Un audit des actions menées sera réalisé pour ajuster la réforme si nécessaire.
Face à ces annonces, l’alliance CFDT-CFTC reste mobilisée pour défendre les intérêts des agents et la qualité des missions. Elle revendique notamment :
- la clarification des objectifs de la réorganisation et l’assurance que les moyens alloués soient suffisants
- la préservation des compétences humaines en valorisant l’expertise des agents dans une stratégie combinant technologie et analyse de terrain
- le maintien des missions de proximité comme le CFE, essentielles pour lutter contre la fraude et maintenir le lien avec les territoires
- la garantie de la sécurité et les conditions de travail des agents en répartissant équitablement les charges et en fixant des seuils de personnel adaptés
- la préservation de l’initiative locale en équilibrant centralisation et autonomie des agents
Une vigilance toujours plus nécessaire
L’alliance CFDT-CFTC continuera de suivre cette réorganisation de près, tout en portant les revendications des agents pour que la réforme soit au service de leur travail et non au détriment de leurs missions et de leurs conditions d’exercice.
N’hésitez pas à nous faire remonter les initiatives locales de vos directions afin que nous puissions vous accompagner mais aussi afin de participer vous-même à nos réflexions en les enrichissant.