Groupe de travail relatif à la sécurité des agents de la DGFiP – 3e réunion – Déclaration liminaire

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La 3e réunion du groupe de travail relatif à la sécurité des agents de la DGFiP s'est tenu le mardi 18 avril 2023. Les discussions avaient plus spécifiquement pour objet la situation des agents des services des impôts des particuliers (SIP) et des services « amendes », ainsi que celle des huissiers des Finances publiques (HFP) et des géomètres-cadastreurs (GC). Les échanges ont été nourris et la direction générale à l'écoute malgré quelques points de rigidité. Un nouveau rendez-vous est prévu début juillet pour préciser les mesures qui seront prises.

Le 18 avril 2023, à PARIS

 

Monsieur le président,

 

L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques tient tout d’abord à rappeler son opposition à la réforme des retraites promulguée dans la précipitation par le Président de la République. Après des mois de déni de toute forme de dialogue social ayant entraîné la plus grave crise sociale depuis 1995, l’obstination qui a conduit à passer outre les corps intermédiaires, représentants des salariés, et la volonté populaire largement majoritaire place notre pays devant une crise démocratique dont il convient de prendre la mesure. Le déni engendrerait très probablement plus de colère encore, et, à terme, ce sont les agents de l’État qui s’en trouveraient sans aucun doute encore plus contestés et mis en danger. Il convient d’en prendre la mesure avant de commencer ce groupe de travail relatif à la sécurité des agents des services des impôts des particuliers (SIP) et services « Amendes », des géomètres-cadastreurs (GC) et des huissiers des Finances publiques (HFP).

Ainsi, si le drame de Bullecourt a tragiquement mis en lumière les risques encourus par les agents assurant les missions de vérification, de contrôle et de recherche, il est plus que nécessaire de réfléchir globalement à la sécurité des agents de la DGFiP, et en particulier de ceux qui sont en contact direct avec le public. Jusqu’ici la violence dont ils sont les victimes a trop souvent été minorée ou relativisée, soit par une tolérance excessive à ce qu’on qualifie parfois un peu trop rapidement d’incivilité, soit par un souci très administratif de taire les difficultés rencontrées. Le « pas de vague » ne sévissait pas qu’à l’Éducation nationale.

L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques considère comme une évolution positive les mesures récemment décidées par le ministre délégué chargé des Comptes publics, et espère pouvoir prochainement constater la même évolution positive en ce qui concerne la sécurité des agents des SIP et services «Amendes », des géomètres-cadastreurs (GC) et des huissiers des Finances publiques (HFP). Ce groupe de travail et la documentation préparatoire qui nous a été transmise sont une première étape positive.

Avant d’aborder les aspects de prévention pratique du risque et l’aspect répressif, l’alliance CFDT-CFTC Finances publiques veut rappeler que si une grande part des tensions rencontrées sont dues au contexte politique et socio-économique, la dégradation du service public et des conditions d’exercice du service public ont également leur part. Face à des services dématérialisés dépersonnalisants, sous l’action systématique d’automates comme c’est bien souvent le cas en matière de recouvrement contentieux, devant l’absence de réponses personnalisées aux difficultés rencontrées par certains usagers, les tensions montent et l’agent des Finances publiques qui se trouvent en première ligne peut alors devenir le réceptacle du désarroi ou de la colère plus ou moins maîtrisée de l’usager. Si bien évidemment toutes les violences ne trouveront pas leur résolution dans une amélioration de la qualité et la proximité du service public, l’alliance CFDT-CFTC Finances publiques considère néanmoins qu’une grande partie des tensions peut être régulée grâce à une meilleure réponse aux problématiques rencontrées par les usagers. Cette réponse passe par un accueil expert nécessitant des moyens humains, une formation professionnelle renforcés et le maintien de service de proximité.

Du point de vue des mesures générales de prévention pratique, l’alliance CFDT-CFTC Finances publiques souhaite rappeler qu’il convient de mettre en place une politique de « Tolérance zéro » à l’égard des agressions dont sont victimes les agents des Finances publiques au cours de leurs missions, mais également du fait même de leur appartenance à la DGFiP.

Dans cette optique, les fiches de signalement doivent devenir un véritable outil de lutte contre les violences subies par les agents de la DGFiP. Elles doivent être systématisées et facilitées. Aucune agression ne doit rester sans réponse. Il convient à ce titre que l’Administration prenne pleinement sa part dans la défense de ses agents mais aussi la sauvegarde de l’autorité de l’État. Lorsque la gravité des faits l’exige, une réponse pénale ne doit pas être éludée et l’Administration doit ester en justice chaque fois qu’il l’est possible. Il convient également d’obtenir des ministères de l’Intérieur et de la Justice qu’ils prennent mieux en compte l’importance d’apporter une réponse ferme aux violences commises à l’encontre de tous les agents de l’État. Dès à présent, il n’est pas acceptable d’entendre dire d’une directrice que la police ne pourrait pas apporter son soutien en cas de sollicitation. Les fiches de signalement doivent également être un outil de suivi et de prévention. À ce titre, il convient d’en effectuer un recensement analytique précis permettant de cartographier les risques, de définir les typologies et niveau d’agressions mais aussi d’identifier les procédures à mettre en œuvre. Les suites données doivent être précisément répertoriées afin de ne laisser aucun acte grave sans sanction.

Point commun aux services assurant l’accueil des usagers, la structure des espaces d’accueil doit systématiquement être envisagée pour assurer la sécurité des agents et des usagers. Le recours à des vigiles doit être systématisé, en particulier dans les Trésoreries amendes qui font face à un public spécifique parfois en rupture ou en grande difficulté, et les SIP les plus exposés. En outre, il convient de veiller à ce que les mesures de sécurité préconisées de longue date soient systématiquement mises en œuvre (gestionnaire de file d’attente, bouton d’alerte, chemin de fuite, réception des usagers agressifs dans des bureaux spécifiques, présence de plusieurs agents dans les halls, etc.). Par ailleurs, il est indispensable d’associer en amont les représentants des personnels à la préparation des travaux d’aménagement des locaux. En tant que représentants des personnels, ils sont les mieux à-même de corriger les erreurs des aménagements « sur plan » qui sont trop souvent la norme encore aujourd’hui. Nous attendons une réponse immédiate sur ce point tant il en va de renouveler le dialogue social. Un dialogue social sincère, utile et pertinent qui doit permettre de partager les expériences et les ressentis, d’accepter la confrontation des points de vue et de déboucher sur la prise en compte réelle de l’avis des agents, porté par leurs représentants.

Concernant plus spécifiquement les Trésoreries amendes, si l’accueil est souvent plus délicat que dans d’autres services, il est néanmoins essentiel de conserver la possibilité d’y recevoir les usagers, y compris physiquement. La fermeture au public des Trésoreries amendes ne serait pas une solution car les redevables se retourneraient vers les autres services encore ouverts comme les SIP dans lesquels ils n’auront pas de réponse adéquate. Pour la plupart des redevables, c’est en leur assurant une réponse adaptée qu’on peut apaiser les tensions. Il convient de renforcer les Trésoreries amendes et de définir une organisation de l’accueil téléphonique et physique qui permette d’apporter à chaque usager une solution conforme au droit et à sa situation spécifique. Le sous-effectif chronique des Trésoreries amendes conduit à un taux de non-réponse parfois très élevé qui ne fait qu’accroître les tensions. En outre, si l’accueil physique ne saurait être exclu, il faut probablement améliorer les possibilités de paiement des amendes en ligne même lorsque les poursuites sont engagées. Par ailleurs, pour faciliter la réponse à l’usager et lui apporter des solutions globales concernant ses dettes d’amendes, le remplacement d’AMD par ROC-SP est attendu.

Concernant les amendes forfaitaires et judiciaires, l’Alliance ne peut qu’à nouveau déplorer ce qu’elle a déjà dénoncé, à savoir l’absence d’interlocuteurs au niveau de l’OMP (officier du ministère public) mais également du Tribunal ce qui pose de grandes difficultés aux Trésoreries qui doivent faire face à des usagers dont les problématiques ne relèvent pas toujours du seul recouvrement mais bien souvent de l’amende elle-même. Dans le cadre du renforcement des ministères de l’Intérieur et de la Justice, il est indispensable que l’OMP et le Tribunal assurent un accueil et que des conventions soient généralisées afin d’organiser les relations entre les différents partenaires (DGFiP, OMP, Tribunaux) et de fluidifier le service aux usagers. L’articulation est d’une grande importance. Parmi les difficultés rencontrées et pouvant générer des tensions, on peut citer le paiement au BEX (bureau de l’exécution) et les difficultés subséquentes lorsque l’appariement entre le règlement maintenu en compte d’attente et l’amende enregistrée ultérieurement à la suite de la réception du RCP (relevé de condamnation pénale) rencontre des difficultés (cas en particulier avec les chèques). Autre difficulté inhérente au fonctionnement de la Justice, les délais observés en matière de recours sont générateurs de fortes tensions. Pour les amendes de stationnement, on peut citer le délai de 2 ans de réponse par le parquet de Limoges.

Concernant les HFP, leur cadre d’intervention est particulièrement délicat et peut-être parfois critique. Ils sont exposés à tous les risques (circulation, animaux et en particulier chiens, agressions verbales et physiques). Leur assurer des conditions optimales d’exercice de leurs missions est une priorité.

Il faut tout d’abord assurer leur formation au métier, théorique et pratique, et à ses risques. Cette formation doit être conçue au travers d’une solide formation initiale mais aussi d’une formation continue tout au long de la carrière. Les formations à la gestion des risques doivent en outre faire l’objet d’un recyclage périodique permettant aussi le retour d’expérience (formation à la gestion des situations difficiles, à la maîtrise des risques routiers, à la gestion des risques canins, à l’auto-défense et à la psychologie comportementale). Ces formations doivent être conçues et mises en œuvre par de véritables spécialistes. La DGDDI dispose de ces spécialistes pour certaines de ces missions et des formations pourraient être mutualisées.

Il convient également de leur assurer un accès le plus large possible aux informations disponibles concernant les redevables poursuivis. Il est fondamental que les services de recouvrement délivrent aux HFP l’ensemble des informations disponibles. On a pu constater l’existence de menaces visant expressément l’envoi potentiel d’un HFP, proférées par un redevable auprès du service de recouvrement sans que ce dernier n’en informe l’HFP mandaté ultérieurement pour assurer des poursuites auprès dudit redevable.

En outre, Thémis doit être améliorée pour permettre une identification plus détaillée des créances à recouvrer et en particulier préciser les types d’amendes à recouvrer. Le recours au TAJ (fichier de traitement d’antécédents judiciaires) et au fichier des mains courantes peut assurément être nécessaire pour sécuriser une intervention.

Concernant la nouvelle responsabilité des gestionnaires publiques et ses conséquences sur l’activité des HFP, si elles sont bien réelles, il ne faut cependant pas en attendre de bénéfices particuliers en matière de sécurité des agents. La signification des actes demeurera nécessaire et les saisies également. Le recours à des seuils de poursuite, contestable par ailleurs, n’assure pas de sécurité spécifique.

Concernant la protection des agents au travers d’une meilleure coordination des HFP et de la possibilité d’opérations menées en binôme, un problème d’effectifs va se poser dans certaines directions dotées de 2 HFP ou moins. Parmi les solutions simples de sécurisation, outre le recours à un ordiphone permettant le cas échéant la géolocalisation si elle est souhaitée, l’utilisation de Tchap peut permettre aussi une communication en temps réel visant à informer du bon déroulement d’une opération donnée, d’un besoin d’informations supplémentaires voire d’un besoin d’aide.

Concernant le renforcement des relations avec les autorités préfectorales, policières et judiciaires, l’alliance CFDT-CFTC Finances publiques considère que c’est essentiel. Si les HFP peuvent requérir la force publique, c’est en pratique complexe à mettre en œuvre. Une meilleure articulation est essentielle, d’abord au niveau des autorités départementales, mais également au niveau opérationnel entre les différents acteurs de terrain. A ce titre la saisie de numéraire sur les gardés à vue (GAV) a pu permettre aux forces de l’ordre de mieux appréhender la mission de l’HFP. La pratique conjointe permettrait à terme de simplifier les modalités de recours et d’appui, et de les rendre plus naturelles.

Concernant la saisie auprès de GAV, le recours à des commissaires de Justice n’est pas un problème en soi, néanmoins cela ne doit pas constituer une forme d’éviction du risque. En tout état de cause, si des commissaires de Justice doivent être amenés à assurer ce type de mission, il convient de leur assurer la même protection qu’aux HFP. Cependant, alors qu’il faut relever qu’ils ne remettent plus guère de sommation aux citoyens en se contentant de faire déposer par un coursier un avis de passage contraignant les usagers à se déplacer en mairie, on peut douter de leur appétence pour cette nouvelle sollicitation.

Par ailleurs, l’application stricte de la procédure de saisie ne permet pas d’envisager le dégagement des fonds auprès de la régie du commissariat en raison du délai de recours de 2 mois durant lequel l’HFP est désigné gardien des biens.

Concernant la conservation de fonds et le paiement en numéraire, il convient de rappeler l’importance de la possibilité d’encaisser les fonds dans un contexte où on menace par ailleurs d’une éventuelle procédure de saisie. Si le recours à des TPE est une bonne chose, l’HFP doit pouvoir recevoir des versements en numéraire. La conservation des fonds en est une conséquence quand le dépôt immédiat est rendu impossible (Banque postale fermée ou rencontrant des problèmes, caisses résiduelles indisponibles ou inexistantes, etc.) .

Concernant les véhicules de service – que nous revendiquons depuis des années pour les agents du contrôle fiscal, revendication que le ministre a enfin pris en compte – s’ils peuvent être une solution ponctuelle, ils ne sont pas adaptés aux HFP. En l’absence de véritables véhicules de fonction, beaucoup plus adaptés à leurs missions, le recours à des plaques administratives assurant l’anonymisation des véhicules serait mieux adapté, comme nous le revendiquons toujours pour les enquêteurs. C’est un point essentiel car le SIV (Système d'immatriculation des véhicules) apparaît assez largement accessible. Un cas particulièrement grave a pu ainsi être relevé dans les Pyrénées Orientales avec un agent menacé par un agresseur ayant utilisé des données récupérées via le SIV.

En matière de saisie avec ouverture de porte, le recours à des témoins ayant une expertise spécifique peut être une piste intéressante à condition qu’ils soient par ailleurs formés à ce type d’intervention et ne fasse pas de confusion avec d’autres types d’intervention (perquisition pour d’anciens policiers par exemple). On peut envisager par exemple de disposer d’une liste de maîtres-chiens compétents.

Le recours à des armes même sous forme d’aérosols ne fait pas l’unanimité. Si cette piste devait prospérer il conviendrait d’assurer une solide formation, sur la base de celle prodiguée au SEJF, au maniement de ces armes, lesquelles, mal maîtrisées, peuvent s’avérer dangereuses, y compris pour l’agent.

Concernant les GC, si à ce stade leur situation apparaît moins critique vis à vis des agressions par des usagers, il convient néanmoins de prévenir toute évolution négative en leur permettant d’assurer leurs missions dans les meilleures conditions.

Leurs missions topographiques apparaissent moins conflictuelles néanmoins elles nécessitent une meilleure définition du cadre d’intervention et la mise à disposition d’équipements de protection individuelle (EPI) adaptés.

Plus problématiques sont leurs missions fiscales foncières en matière de contentieux ou d’évaluation d’office. Or ces missions tendent à prendre plus de place dans leur activité quotidienne et les risques afférents vont donc probablement augmenter. Le cadre d’intervention doit ici être précisément défini, en particulier en ce qui concerne l’information ou non du contribuable lorsqu’une intervention est programmée.

Les GC doivent être systématiquement dotés d’ordiphone permettant à ceux qui le souhaitent de se géolocaliser et en tout état de cause d’informer leurs collègues du bon déroulé des opérations réalisées sur le terrain. Ils doivent en outre bénéficier des formations nécessaires pour sécuriser au mieux leurs interventions (conduite automobile, gestion des conflits et de l’agressivité, gestion du risque canin, auto-défense, etc.).

Concernant le parc automobile, en l’absence de véhicules de fonction, le recours à des véhicules de service peut être envisagé lorsque la situation du GC le permet mais il convient d’indiquer que, comme pour les HFP, les conditions actuelles d’utilisation des véhicules de service ne rendent pas cette solution opérationnelle. Il faut envisager de disposer d’un parc suffisant, en complément de celui dorénavant dévolu aux agents du CF, et permettre évidemment à l’agent de ne pas ramener systématiquement le véhicule à l’issue de sa tournée.

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