POUVOIR D’ACHAT : Le grand déclassement

Publié le 15/03/2022 (mis à jour le 17/03/2022)

A quelques semaines de la Présidentielle, le gouvernement envisage une valorisation du point d'indice ...pour après la Présidentielle. Après 12 ans, il y a tant à rattraper sur le plan salarial ...et en matière de considération des fonctionnaires.

Etonnamment, alors que depuis 12 ans le gel du point d'indice était justifié par la nécessité de maîtriser les finances publiques, c'est au moment où la dette atteint des niveaux historiques que le gouvernement annonce une revalorisation du point d'indice pour l'été. Les fonctionnaires, oubliés des chèques-cadeaux gouvernementaux et tenus en mésestime depuis 5 ans, retrouvent une visibilité à l'approche de la Présidentielle. Le dégel devra être conséquent et bien au-delà des anecdotiques 0,6 % de 2016-2017 (déjà une présidentielle !). Par ailleurs, profitant proportionnellement aux indices les plus élevés, cette revalorisation ne devra-t-elle pas être associée à un mécanisme progressif pour redonner un réel gain en matière de pouvoir de vivre aux indices les plus bas ?

Comment ont été déclassés les agents…

Car entre le gel du point d’indice depuis 2010, l’absence de revalorisation indemnitaire et des carrières bouchées, les gouvernements successifs ont largement aggravé la situation des fonctionnaires. Dans le même temps, rien n'a été fait pour lutter contre les discours éculés anti Fonction publique, notamment ceux sur de prétendus avantages dont bénéficieraient les fonctionnaires (exemples de contrevérité qui ont la vie dure : les agents de la DGFiP ne paieraient pas la taxe d’habitation, voire seraient exonérés d’impôt sur le revenu). En outre, les diatribes récurrentes de certains politiques de droite comme de gauche, de groupuscules de pression comme l’IFRAP ou d’extrême-libéraux, ne sont jamais démenties.

Pourtant, selon une étude de 194 pages menée par le « Groupe d’experts » sur le SMIC (parue le 28 novembre 2019), la réalité est bien différente. Entre 1970 et 2018, les traitements des fonctionnaires n’ont eu de cesse de se rapprocher du SMIC en début de carrière …et la même pente a de facto été prise par les rémunérations tout au long de la carrière des agents.

Ainsi, le traitement indiciaire brute des agents C en début de carrière qui était 40 % au-dessus du SMIC en 1970 …était descendu au niveau du SMIC en 2018. Le relèvement opéré le 1er avril 2021 pour la seule catégorie C n’est en réalité qu’une très, très mineure compensation.

S’agissant de la catégorie B, c’est pire : de 1,5 fois le SMIC en début de carrière en 1970, on est passé à environ 1 SMIC en 2018. Et comme Mme de MONTCHALIN n’a pas souhaité reprendre pour les B ce qui a été fait pour les C, le traitement accordé à cette catégorie est proprement scandaleux.

Pour la catégorie A, ce n’est pas plus satisfaisant puisque de 2 SMIC en début de carrière en 1970, on est passé à un écart de seulement 1,2 SMIC. La chute est même proportionnellement plus importante. En lisant les rapports de Bercy, Mme de MONTCHALIN trouverait peut-être une des clefs de la baisse de l’attractivité de la Fonction publique.

En outre, sur la fin de carrière, entre 2009 et 2019, des agents cantonnés au dernier échelon ont vu leurs salaires …diminuer ! Conséquence de la combinaison du gel du point d’indice et de l’augmentation d’un certain nombre de prélèvements. Sur cette même période, quand les salaires du privé augmentaient de 4,8 %, ils diminuaient de 0,7 % dans le public (INSEE).

Entre l’inflation et le gel du point d’indice, les agents ont perdu entre 2010 et 2020 plus de 10 % de pouvoir d’achat ! Depuis lors, entre le confinement et 2022, la symbolique baguette Tradition a pris 20 % dans de nombreuses boulangeries. L’inflation en cours depuis plusieurs mois sur l’énergie, les matières premières, les carburants, les matériaux de construction, etc. tend la situation de nombre de fonctionnaires. Avec la guerre en Ukraine, le carburant représente déjà 10 % des dépenses de certains agents.

…et, en même temps, l’Etat démembré !

C’est plus globalement le sens de l’Etat qui est à retrouver, loin des dernières décisions de l’exécutif qui entend probablement jouer sur l’introduction de plus en plus massive de contractuels pour modérer la politique salariale.

Depuis 30 ans, les politiques publiques menées ont aggravé la situation des fonctionnaires tout en détruisant beaucoup d’emplois dans la Fonction publique d’Etat et en particulier à la DGFiP, aux Douanes et à la CCRF.

Conséquence :  la présence de l’Etat dans beaucoup de territoires n’est plus que saupoudrage …ou n’est plus du tout. Des missions pourtant essentielles ne sont plus exercées que superficiellement. Ce qui n’empêche pas, « en même temps », la suradministration avec la multiplication des tâches indues de suivi.

Enfin, les concepts d’unités spécialisées, d’agences et de « task-force » (sic) se sont multipliés ces dernières années pour pallier l’affaiblissement des capacités de couverture du territoire et de réalisation des missions. Il a assurément permis d’offrir de confortables débouchés à des hauts-fonctionnaires, mais ces unités restent parfois sous-dimensionnées, ce qui nuit à leur efficacité, en réduit considérablement les capacités d’intervention, en particulier leur taux de couverture du champ qu’elles sont censées investiguer, et limite les opportunités de carrières sur des missions pourtant attractives (NDLR : tout en impactant les administrations régaliennes).

A ce sujet, le projet d’un nouveau service de renseignement aux Finances n’en serait qu’un nouvel avatar s’il n’est pas étudié d’abord l’intérêt de renforcer la DNRED (douane), TRACFIN ou une cellule ad hoc de la DNEF.

TÉLÉCHARGEMENT DE FICHIERS