Le nouveau DGFiP à l'épreuve de son premier CTR

Publié le 10/07/2019 (mis à jour le 12/07/2019)

Remplaçant de Bruno Parent à tête de la DGFiP, Jérôme Fournel présidait le 9 juillet son premier comité technique de réseau (CTR) des Finances publiques. Un CTR qui n'a pas tenu ses promesses alors que le projet de réforme de la "Géographie revisitée" agite depuis des mois notre direction. A telle enseigne, que la délégation CFDT-CFTC a fini par quitter le CTR.

Présidé par le nouveau directeur général Jérôme Fournel, ce comité technique de réseau (CTR) était très attendu par les représentants du personnel de la DGFIP dans le contexte actuel de tensions au sein du réseau et de mobilisation croissante des agents … D’autant plus attendu qu’il fait suite à des mois de dialogue social bloqué, et qu’avant de prendre le poste de DGFiP, Jérôme Fournel occupait celui de directeur de cabinet du ministre Gérald Darmanin. Un acteur aux premières loges du projet de réforme en cours à la DGFiP !

Placé le 9 juillet, ce CTR n’a malheureusement pas tenu ses promesses… Bien que le directeur général (DG) affirmât d’entrée son attachement au dialogue social et ait demandé à être jugé sur ses actes, la délégation CFDT-CFTC reste finalement circonspecte sur sa volonté d’engager un dialogue social digne de ce nom. Pour preuves, les éléments les plus fondamentaux et les plus structurants du projet de réforme de la « Géographie revisitée » n’ont pu servir de point d’échanges à une discussion équilibrée.

Car, au-delà de mots d’introduction, d’une aisance verbale et d’une parole volubile, le raisonnement peine à convaincre tant il est marqué par des slogans, certitudes du temps et des formes d’autosuggestions sur « les besoins des gens » et les désirs des agents. Interrogé par la délégation CFDT-CFTC sur les études sur lesquelles l’administration a bâti son projet, le DG n'apporte pas de réponses convaincantes. En réalité, comme pour le projet d’Agences comptables – lancé sans réelles études préalables et dont la DG a dû reconnaître le flop caractérisé –, les réformes engagées (et les calibrages qui s’ensuivent) sont le fruit d’échanges et de décisions dans un cercle extrêmement restreint. A ce jour, nous faisons le constat qu’il ne ressort pas une réelle volonté de partager ou de discuter ces réflexions avec ceux (élus, citoyens, agents et leurs représentants) qui devront supporter les décisions de cet entre-soi.

Blablaland ?

Certes, le DG ne s’oppose pas à ouvrir une concertation sur une partie des modalités de la réforme en cours, mais les échanges en séance ont démontré l’étroitesse de la marge de manœuvre laissée par sa feuille de route, contrainte dans un calendrier plus que serré. En outre, le DG a écarté d’emblée tout moratoire sur ce projet de réforme en préalable à une réelle négociation… Il objecte que la mise en œuvre de la réforme en serait retardée. Assurément, prendre le temps de discuter peut parfois présenter cet inconvénient, mais c’est l’assurance de projet plus facilement accepté et plus pérenne. Les très mauvais résultats pour la DGFiP de l’observatoire interne 2018 (baromètre social), dont le DG dit ne pas se satisfaire, sont à garder à l’esprit de ceux qui entendent engager à marche forcée la réforme de la DGFiP.

De l’enjeu de la proximité…

Après de longs échanges, nous n’avons pu qu’acter un profond décalage entre notre approche d’un réseau de proximité et celle portée par le DG. Ce dernier considère en effet que l’objectif de proximité ne peut être atteint, au regard de l’« attrition (sic) des moyens » (NDLR : la diminution), qu’au travers des maisons de services au public et des maisons France service ou points de contact. Les prémisses budgétaires conditionnent donc bien ce projet de réforme ! Cette approche est fondamentalement éloignée de celle défendue par la délégation CFDT-CFTC pour répondre aux besoins et intérêts des élus et du citoyen. Des moyens (humains, budgétaires, matériels, formation, etc.) sont nécessaires à tout système pour en assurer la pérennité et la qualité.

Partant de là, la délégation CFDT-CFTC se refuse à jouer à « Puissance 4 » en discutant du seul déplacement de quelques points sur les cartes diffusées.

… au slogan de la démétropolisation

Sur l’annonce dans les médias en mai par Gérald Darmanin de la démétropolisation de 3 000 à 4 000 agents de la DGFiP, l’alliance CFDT-CFTC a demandé au DG les bases – dont on peut imaginer qu’elles ont été élaborées par la DGFiP – ayant permis au ministre pour faire cette déclaration …aux effets anxiogènes.

Le DG aurait pu apporter des éléments d’information sur ce sujet puisqu’il s’était engagé en début de CTR à être jugé sur ses actes. Il n’en a rien été. On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens

D’une séparation à l’autre

Jérôme Fournel a par ailleurs insisté sur l’intérêt qu’il perçoit dans une nouvelle séparation, à savoir celle entre le métier de gestion comptable et celui de conseil aux ordonnateurs. Ce faisant, il confirme son attachement à la concentration des fonctions comptables dans les services de gestion comptable (SGC), futures « trésoreries-usines » », et propose de mettre en place des conseillers aux ordonnateurs dont la doctrine d’emploi demeure floue. En tout état de cause, ils ne répondent pas au vide d’accompagnement des dirigeants locaux que laisserait la disparation de plus de 1 000 trésoreries.

Conditionnement budgétaire et opacité

Ayant éludé la problématique budgétaire une grande partie du CTR, Jérôme Fournel a reconnu, en fin de séance, que les orientations stratégiques et le volet budgétaire seraient des éléments essentiels de la mise en œuvre de cette réforme. Il s’est malgré tout obstiné à ne nous communiquer aucune information sur les bases du contrat pluriannuel en cours de négociation, lequel devait être initialement signé au premier semestre 2019, ni aucune visibilité sur le volume d’emplois découlant des objectifs qui seront fixés à la DGFiP.

Mobilité forcée : réalité ou fantasmes syndicaux ?

Contre toute évidence, et à tout le moins sans apporter les preuves techniques de ses propos, il a affirmé qu’aucune mobilité ne serait forcée. Pourtant ni les règles actuelles fondées sur des priorités pour accéder à des postes vacants, ni encore moins les règles prévues à l’article 27 du projet de loi de transformation de la Fonction publique ne permettent de l’affirmer. Là encore, communiquer n’est pas convaincre, affirmer n’est pas démontrer.

Un projet de réforme du réseau …sans Démarche stratégique préalable

La délégation CFDT-CFTC a en outre indiqué, qu'en toute cohérence, le projet de Démarche stratégique aurait dû être construit et présenté avant d’engager toute réforme du réseau (un point sur la Démarche stratégique avait été rajouté au menu du CTR… mais n’était accompagné d’aucun document de travail !). Devant l’absence de toute base de discussion, nous avons demandé au DG à ce qu’il nous transmette les grandes lignes de son projet de Démarche stratégique, une démarche qui est intimement liée avec les principes qui figureront dans le contrat pluriannuel. Aussi, s’est-il engagé à présenter aux organisations syndicales « les briques » de sa Démarche stratégique… que nous attendons avec impatience. Espérons que cela ne nous mène pas droit dans le mur !

La délégation CFDT-CFTC ne pouvant obtenir de réponses à nombre de ses questions, ni d’informations sur les comptes-rendus intermédiaires des concertations effectuées au niveau local (et dont la DG attend les remontées pour le 15 juillet), a considéré que les bases d’un dialogue ouvert et transparent n’étaient pas réunies pour poursuivre les travaux. Après une suspension de séance, la délégation CFDT-CFTC a donc décidé de quitter cette instance, comme les autres délégations syndicales présentes (Solidaires et FO DGFiP).

La délégation regardera avec la plus grande attention les messages, et surtout les actes concrets, du directeur général. A lui de nous démontrer sa réelle volonté à mettre en œuvre une véritable concertation.

 

Délégation CFDT-CFTC : Pierre Bourgoin, titulaire, Christophe Bonhomme Lhéritier, suppléant ; expertise : Dominique Féral, Karine Rousseau, Luc Velter, Jean-Marc Gaucher, Christian Le Tallec, Michaël Saint-André

En PJ, la déclaration liminaire de l'alliance CFDT-CFTC

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