
Agence comptable à la sauce RAVIGNON ? La DGFiP fait déjà mieux et pour moins cher
En mai 2024, le rapport RAVIGNON sur le coût du « millefeuille administratif » recommandait l’air de rien de s’attaquer à la séparation ordonnateur comptable. Enthousiasmés par cette chasse aux coûts, les ministres VAUTRIN et SAINT MARTIN ont confié à l'auteur du rapport la mission de faire des propositions pour le concrétiser.
Pour la CFDT, la préconisation de réduction des « coûts » de la gestion financière des collectivités locales fait fausse route. Elle ne peut qu’aboutir à une augmentation de la dépense publique, à une dégradation de la gestion comptable du secteur public local et à une fragilisation de la DGFiP.
Aussi la CFDT sera-t-elle vigilante à ce que la séparation ordonnateur comptable soit sanctuarisée lors de la mise en œuvre de ce rapport.

Rappelons d’abord une évidence, gérer les finances des collectivités locales a un coût !
Comme toute mission de service public, la gestion financière des collectivités locales opérée par la DGFiP se paye. L’année prochaine, ce coût s’élèvera à 1,34 milliards d’euros.
Cela correspond avant tout aux rémunérations des 17 802 ETPT que la DGFiP dédie à cette mission. Ce coût est par ailleurs maitrisé car entre 2023 et 2025, sa progression devrait être inférieure à celle de l’inflation (+4,7% vs + 6,3%).
Aussi le rapport RAVIGNON s’égare-t-il quand il évoque le « coût de l’enchevêtrement des compétences entre l’État et les collectivités locales ». Les 1,28 milliards d’euros chiffrés en 2023 concernent, avant toute chose, des actions concrètes de l’administration des finances publiques réalisées au profit des collectivités locales, dont notamment :
- La tenue et fiabilisation de leurs comptes
- Le paiement de leurs dépenses
- Le recouvrement de leurs recettes
- La modernisation des moyens de paiement de leurs usagers
- L’affranchissement des plis postaux et le déploiement de solutions de dématérialisation
- Le conseil budgétaire, fiscal et financier
Le rapport pointe notamment le temps passé par les communes à interagir avec la DGFiP (entre 150 et 700 heures par an et par commune) et le chiffre à 350 M€. Pour la CFDT, il s’agit avant tout d’un temps de conseil, souhaité et demandé par les communes comme le rappelait l’association des maires de France en octobre 2024.
Y-a-t-il pour autant « enchevêtrement » des compétences, même partiel ?
Pour notre spécialiste RAVIGNON, la part de “millefeuille” revenant à la DGFiP proviendrait, en matière de recettes, du délai de recouvrement des impayés et du volume des admissions en non-valeurs.
L’argumentation est faible, pour ne pas dire de mauvaise foi, le taux de recouvrement global des produits locaux atteint 98 % des montants et pour les 2 % restants, le bilan coût-avantage à poursuivre certaines créances est clairement en défaveur des caisses de l’Etat.
En matière de dépense, la vieille lune du « double contrôle » nous est une fois de plus resservie. Rappelons à ce titre que la DGFiP n’a pas attendu le rapport RAVIGNON pour hiérarchiser ses contrôles sur les dépenses du secteur public local.
De même, la perte de temps liée aux rejets des trésoreries et SGC est certes regrettable mais elle est le corollaire d’une bonne tenue des comptes locaux. Nos collègues ne rejettent pas les mandats par gaîté de cœur !
Enfin, la CFDT ne peut laisser dire que le contrôle du comptable public déresponsabiliserait l’ordonnateur. Les agents de la fonction publique territoriale ne sont pas des irresponsables et en tout état de cause, depuis le 1er janvier 2023, comptables et ordonnateurs partagent une commune responsabilité en tant que gestionnaires publics (voir notre article sur la RGP d’octobre 2024)
Les gains illusoires de l’autonomie financière et comptable des collectivités
Aussi le rapport RAVIGNON propose-t-il de repousser les contrôles du comptable à l’après paiement. La mise en paiement serait alors réalisée par la collectivité. Pour les recettes, l’action de la DGFiP serait cantonnée au recouvrement forcé.
La forme finale d’une telle réforme est l’agence comptable, ce dont le rapport ne se cache pas. Or souvenons-nous qu’une expérimentation de telles agences avait tourné court en 2019 sur le constat des coûts élevés que cela représentait :
- Renchérissement du recrutement dû à la difficulté à trouver du personnel qualifié
- Concurrence sur les salaires entre agences comptables au détriment des collectivités les moins riches
- Développement long et couteux de logiciels comptables à l’état de l’art
- Honoraires liés à la certification des comptes par un tiers
Dans ce contexte, la CFDT estime que le ministre SAINT MARTIN aurait dû fermer la porte à un affaiblissement de la séparation ordonnateur comptable dans sa lettre de mission à Boris RAVIGNON. Sa demande à rendre opérationnel ce rapport « sans remettre en cause le partenariat ordonnateur-comptable » nous apparaît encore trop floue. Et quand c’est flou, il y a un loup !