GT DROITS SYNDICAUX - Déclaration liminaire

Publié le 05/04/2022

Exposant les principaux points du GT relatif aux Droits syndicaux (du 30/03/2022), la liminaire de l'alliance CFDT-CFTC Finances publiques fait une nouvelle fois le constat sans concession des reculs que porte la loi Transformation fonction publique de 2019 en matière de droits et de défense des agents. Et là où il est possible de faire mieux, la DGFiP -1re direction du ministère- et son directeur Jérôme Fournel ferment jusqu'à présent les portes à toute amélioration.

« A quoi ça sert ? ». Il ne s’agit pas ici de faire référence au titre d’Axelle Red, mais de s’interroger sur l’objectif de ce nouveau Groupe de Travail sur les Droits syndicaux. L’utilité de cette nouvelle réunion ne risque-t-elle pas de se poser à l’issue de ce GT si l’on s’en tient au contenu des trois fiches qui nous servent de documents d’appui, et alors que bien des tenants et des aboutissants ont déjà été débattus lors des précédents GT ?

Pour situer les choses, rappelons qu’en matière de CAP, le champ territorial est déserté et que l’étendu des prérogatives des de celles-ci est drastiquement réduite …ce qui conduit à la suppression de 391 CAP locales et 5 CAP nationales. De fait, la DGFiP génère une très conséquente économie budgétaire et récupère des milliers d’heures. Et d’autant plus avec le regroupement des CT et CHSCT. Les agents n’auront plus que 48 élus en CAP (titulaires et suppléants) au lieu des 122 sièges en CAPN et 2 642 sièges de titulaires et suppléants en CAPL ! C'est autant de défenseurs des agents qui disparaissent.

L’alliance CFDT-CFTC ne peut donc accepter de statu quo et attend des avancées substantielles pour ne pas à avoir à se demander : « à quoi ça sert ? ». Car non content de réduire la voilure, et malgré les économies réalisées, vous limitez les possibilités de prises en charge des élus.

La DG s’arcboute sur le cadre formel de 2019 et sur des postures qui vont largement entamer le travail des instances paritaires et mettre un peu plus à mal le dialogue social. Quand les deux premières fiches sur les CAP et les CSA (qui remplacent les CT et CHSCT au niveau local et national, NDLR) restent dans le factuel et dans la « com » - pour ne pas dire la propagande -, la fiche intitulée « Facilités syndicales et droits des élus » n’apporte pas de réelles avancées. Surtout, elle ne précise pas les intentions de l’administration par rapport aux discussions antérieures.

Cependant, dans la mesure où certaines dispositions envisagées apparaissent pouvoir contrevenir à des normes supérieures, nous demanderons qu’elles soient réputées nulles et non avenues. Nous y reviendrons en séance. A ce titre, notre analyse sera moins couteuse que celles de cabinets d’expertise externes comme McKinsey ou Ernst & Young, ou de groupuscules de pression comme l’IFRAP, qui ont beaucoup trop table ouverte à Bercy et dans les couloirs des ministères.

Une situation qui révèle bien la situation dans lequel se met le gouvernement. En se passant volontiers des corps intermédiaires et en « cornérisant » ses propres fonctionnaires, le gouvernement témoigne d’un manque de confiance dans nos institutions et dans ceux qui les servent. On est très loin de la communication et de la logorrhée officielles qui usent du mot #confiance, notamment dans les lois relatives aux usagers : dans le judiciaire, l’Ecole, les administrations avec la loi ESSOC…

Imaginons donc que, lucide sur la baisse du niveau scolaire, sur des séparatismes protéiformes en cours, sur la faiblesse de la transmission des valeurs communes qui forgent une nation et un Etat, on redonne de la vitalité à ce qui fait notre socle. Imaginons ainsi que plutôt que de changer le nom de grandes écoles et de regrouper tout dans un plus grand tout, plutôt que d’alléger depuis des années les programmes et la durée des formations des écoles de la République, la DGFiP réinvestisse – pour ce qui la concerne – ces champs et ceux de la formation initiale. On pourrait ainsi redonner le sens de l’Etat et pallier aux éventuelles lacunes d’un recrutement au vivier trop étriqué.

Imaginons que, plutôt qu’à faire appel de plus en plus massivement et sans discernement à des contractuels (par facilité et faute d’une connaissance fine des compétences et des acquis de ses propres agents), la DGFiP investisse dans le ressourcement interne, l’élaboration de plans de qualification ambitieux et d’une GEPEC autrement gouvernée que budgétairement.

Imaginons enfin plutôt que de continuer à déstructurer les administrations, à effacer l’esprit collectif, notamment en désolidarisant le haut commandement de la masse des agents (poursuivant ainsi une situation qui avait commencé dans les mots avec les vocables d’administrateur et de collaborateur) et en vantant le papillonage professionnel des hauts-fonctionnaires et assimilés, on recherche plus de cohésion et d’investissement dans la durée.

Dans ce cas, oui, on recréerait une dynamique de long terme d’un Etat au service des citoyens, des collectivités et des entreprises, suffisamment fort pour être utile aux faibles, agile face aux circonstances et efficace dans ses fonctions régaliennes, loin des caricatures imbéciles d’omnipotence dressées à l’envi par ceux qui veulent chaque jour l’affaiblir un peu plus mais qui lui demandent tout face à l’adversité.

Mais revenons-en aux documents de travail et d’abord aux deux premières fiches. Plutôt didactiques, elles établissent un comparatif « avant - après » des instances paritaires transformées par la loi de transformation de la Fonction publique et le décret relatif aux lignes directrices de gestion (LDG) de 2019 auxquels nous sommes opposés. En cela, ces fiches seront d’utiles outils de compréhension. 

Mais elles sont aussi un « outil de com » qui use d’une présentation naturellement avantageuse et relaie un discours bien évidemment favorable avec des mots choisis qui opposent, caricaturalement, un monde d’avant fait de complexité supposée et d’obscurs méandres, à la modernité enjouée de, je cite, de « simplification des instances », de « meilleure lisibilité » (sic), de « meilleure appréhension de l’ensemble des problématiques » (re-sic) et d’efficacité.

« Outil de com » disions-nous ? S’agissant de la volumétrie des dossiers examinés en CAP, vous nous donnez un tableau avec 3 années de références : 2019, 2020, 2021. Déjà, par construction, la validité de l’analyse est sujette à caution du fait de la crise sanitaire qui a largement impacté l’exercice ces années-là, mais aussi parce que les données de 2021 sont amputées de 9 directions sur 133, ce qui peut n’être pas anecdotique selon la taille des directions manquantes.

Surtout, sous l’apparente transparence de ce comparatif sur 3 années, il est passé sous silence un fait particulièrement notable et très marquant qui n’a pu échapper à la sagacité des services RH. Ou si tel était le cas, il faudrait malheureusement convenir de peut-être faire appel à qui vous savez…

En effet, en 2016 et 2017, alors qu’on était encore dans un système de recours à triple étages bien identifié par les agents (avec une indiscutable plus-value en matière de recours) pas moins de 461 recours et 497 recours en CAPL ont alors eu lieu. Par la suite, il a été mis fin à la possibilité de recours en CAPN. Les agents considérant, non sans raison, que le recours limité à la CAP locale était plus souvent voué à l’échec – les directions locales se déjugeant peu – une très forte baisse des recours en CAPL va être constatée …ce qu’on retrouve dans les chiffres de 2019 à 2021 qui vous servent d’analyse.

Or, il existe objectivement une possibilité de recours plus forte dans les années à venir et notre analyse est renforcée par d’autres éléments externes. Il nous faut nous projeter et réfléchir, collectivement, à un avenir serein et pérenne des instances paritaires. On ne va certainement pas se contenter de communications postulant que l’administration « attache beaucoup d’importance aux instances paritaires » …alors que la DG et le ministère traduisent l’inverse dans les faits !

En effet, les changements de règles de mutation et de promotion, le recrutement au choix, les situations de télétravail vont avoir un impact. Après un temps traditionnel de latence, les évolutions opérées en matière RH, l’incidence sur la carrière des agents et l’incidence du CREP vont être beaucoup pris en compte par les agents.

On le constate déjà cette année s’agissant du CREP. De même, ces dernières années,une évolution est notable s’agissant des situations liées aux titularisations et aux sanctions disciplinaires.

Outre la nécessité de se baser sur une volumétrie sincère, nous tenons aussi à mettre en garde contre une éventuelle volonté de parier sur la docilité des agents du fait des changements de règles. Certes, il y aura certainement un impact sur les recours, à l’instar de la situation relevée pour les cadres supérieurs, mais pas au point de les annihiler. De la même façon, l’agent peut avoir l’impression d’une dépersonnalisation de son dossier et d’un lien humain distendu et donc rejeter l’articulation choisie par l'administration. « L'unicité et l'uniformisation » vendues par la DG restent pour le moment un slogan qui ne fera pas le poids si l’on décourage ab initio les recours du fait de l'éloignement présumé de la CAPN.

L’alliance CFDT-CFTC propose donc de nettes améliorations développées en séance pour endiguer ces craintes.

L’alliance CFDT-CFTC tient en outre à faire une mise en garde solennelle : collectivement, nous devons prendre garde à ce que les mécontentements – tant individuels que collectifs – que l’on ressent aujourd’hui dans les services et qui ne se traduisent plus toujours par des mouvements sociaux traditionnels ne conduisent pas à plus de conflits violents. La dégradation du dialogue social et l’espoir déçu de réussites dans les combats collectifs depuis des années n’ont fait que renforcer les frustrations et l’individualisme. Attention aux situations ressenties comme inacceptables et restées trop longtemps sourdes qui peuvent être le ferment de redoutables colères …auxquels auront manqué des niveaux préalables de discussion paritaires.

 Enfin, puisque les fiches ne reprennent pas une proposition de bon sens déjà formulée par l’alliance CFDT-CFTC, nous rappelons la nécessité d’avoir une compensation intégrale des absences syndicales : c’est le seul moyen pour la DG de ne pas mettre en difficulté les collègues et les services dont seront issus les élus. Par ailleurs, au-delà de la question des droits syndicaux, il est nécessaire de discuter des moyens des représentants du personnel qui ne sont clairement pas au niveau de l’époque. Au matériel hors d’âge et téléphone filaire, il est nécessaire d’obtenir une ouverture de l’intranet aux applicatifs permettant les visios et d’avoir des équipements en mobilité tel que le requiert l’exercice actuel de représentant du personnel.