Contrôle fiscal & sécurité juridique - Liminaire du GT du 5 février

Publié le 08/02/2021

Recruter 250 contractuels ! L'alliance CFDT-CFTC a dénoncé le cynisme de cette solution, rustine choquante pour un contrôle fiscal et des services de gestion fiscale désorganisés par la situation sanitaire ...et par un affaiblissement des moyens de longue date. Dans notre déclaration liminaire du groupe de travail SSJCF* réuni ce 5 février, nous avons exigé des solutions pérennes.

Ce GT répondait à la demande de la CFDT de réunions de travail plus régulières. Le nouveau * Service de Sécurité Juridique et du Contrôle Fiscal (SSJCF) avait prévu 6 points à l'ordre du jour. Un peu trop pour la demi-journée prévue ...ce qui nécessitera un prochaine réunion bienvenue d'ici peu.

Depuis des années, les décideurs politiques et ceux qui mènent les destinées de la DGFiP ont permis la suppression d’emplois au-delà du raisonnable. Il a été fait fi des événements qui pouvaient survenir et nous voilà face à des réalités comme la Cigale dépourvue face à l’hiver !

Cette semaine (le 1er février, NDLR), comme le Messie apporte la Lumière, le « Nouveau monde » a professé sa solution pour contenir la vague des demandes du Fonds de solidarité (FDS) : recruter 250 contractuels (ou 300 selon d’autres sources) …et en même temps ne pas revenir sur les suppressions de 1 800 emplois cette année alors que le nombre d’entreprises n’a cessé de croître encore en 2020 comme en 2019, de même le nombre de contribuables et de foyers fiscaux ! En ratio, c’est donc un écroulement plus massif encore auquel on assiste avec une présence sur le terrain encore plus en retrait (NDLR : après plus de 42 000 emplois supprimés depuis 2002 et pas moins de 25 000 depuis 2010).

Dans le Figaro, cet été, le DGFiP se satisfaisait de poursuivre l’œuvre méthodique de ces prédécesseurs de déstructuration du réseau et de réductions d’emplois. Une déclaration que nous avions dénoncé ici lors du GT Contrôle fiscal du 9 septembre dernier comme à tout le moins inappropriée et fort peu opportune en la situation.

L’actualité ne cessant de nous donner raison depuis un an, nos alertes n’en prennent que plus de relief aujourd’hui quand on voit à quoi en est réduit l’Administration : désorganiser partiellement, et ce depuis des mois, le contrôle fiscal pour soutenir en mode rustines les équipes consacrées au FDS.

Et ceci, bien au-delà des PCE et des bureaux de Centrale qui sont cités dans la fiche. La situation du CF n’est pas à la normale et cette omission ou ce manquement ne traduit pas la réalité du contrôle fiscal ! Au côté des services de gestion et de direction, il ne faut pas oublier la contribution des agents des BVG locales, des BCR, des brigades de Dircofi, des DNS, eux aussi mis peu ou prou à contribution.

De la même façon, on est surpris par les chiffres de dossiers litigieux, plutôt modestes, qui sont relevés dans la fiche de travail. Pourtant, l’ampleur de la fraude que Bercy sembla progressivement découvrir – aussi mineure en montant individuel soit-elle –, ne se portait déjà pas trop mal depuis le printemps. Nous avions collectivement alerté sur les profiteurs de crise. Mais les masques devaient se porter au niveau des yeux et des oreilles chez certains décideurs.

Et, dans le même temps, on ne se lassera pas de remarquer les paradoxes et les incohérences du pilotage du Contrôle fiscal : s’agissant de la programmation qui est mise en exergue, la chute du nombre de 3909 émanant des PCE pour les brigades dans certains départements et Dircofi apparaît – sans surprise au regard des contraintes des temps et en particulier du FDS – très au-delà des 30 % annoncés. Pour autant, et contre toute évidence, les sacro-saints objectifs de « stat » n’ont pas changé dans beaucoup de directions, bien au contraire. D’ailleurs, même en consacrant 20 % de leur temps à du FDS, des vérificateurs ont toujours le même nombre d’affaires à rendre. De qui se moque-t-on ? Et à ce titre, quels sont donc officiellement les objectifs du contrôle fiscal en 2021 ?

Pour un fonctionnaire soumis à des obligations de probité, de loyauté et qui doit exercer sa fonction avec des codes parfaitement intégrés, il y a des conflits internes pas toujours simples à résoudre quand on sait devoir libérer des fonds à des entités litigieuses, ou étant subitement revenues à la vie, ou ayant retrouvé une part de chiffre d’affaires malencontreusement oublié en 2019.

Chacun admet qu’on facilite l’accès aux aides face à la situation dramatique que rencontrent certains de nos concitoyens et toutes les entreprises contraintes de fermer. Les agents en sont bien conscients, car ils peuvent le vivre dans leur foyer. Ils sont également fiers de participer à cette mission impérative. Fiers, mais lucides de l’ampleur des dérives et interrogatifs sur certains mécanismes de décisions ou manques de réactivité. Cependant, nous ne mésestimons pas le travail des différentes équipes pour apporter des correctifs au gré de l’amplification quelque peu erratique de la politique de soutien. A nouveau, il convient de rendre hommage au sens aigu du service public des personnels dont il faut saluer la capacité d’adaptation et souligner la plasticité à se réorganiser. Nous sommes ici loin des clichés des pourfendeurs de l’Etat et de ses fonctionnaires.

Toutefois, la présentation qu’on veut nous faire ici du FDS n’est-elle pas par trop idyllique ? Pour l’alliance CFDT-CFTC Finances publiques, il y a manifestement un décalage avec le terrain. Cela va mériter des explications poussées car nous distribuons de l’argent, beaucoup.

Et nul ne peut croire que la facture restera impayée :

  • du côté des fonctionnaires, on risque de le payer à nouveau par un régime sec en matière d’emplois et de promotions internes avec, en prime, blocage des salaires pourtant en déclin s’agissant des catégories C, B et A (NDLR : avec un recul de nos salaires plus de 11 % par rapport au SMIC ou l’inflation en dix ans).
  • du côté des Français solvables, cela risque de se traduire par des augmentations d’impôts …lesquels ne sont jamais sans effet sur des ressentiments à notre endroit.

Donc, il ne va pas s’agir de mettre la poussière sous le tapis. D’autant plus que la fraude aux subventions semble prospérer depuis le rehaussement des seuils.

Nous reviendrons sur la question de la confiance et de la loi ESSOC. La réalité oblige à constater que nous sommes loin de la société de confiance vantée par des politiques et des hiérarques qui semblent toujours plus fascinés par les déclamations forcément vertueuses de groupes de pression et de syndicats professionnels, que par nos préventions et nos réalités nuancées de spécialistes de la fraude. Ce n’est ni noir, ni blanc, c’est souvent gris et c’est pour cela qu’on ne peut concevoir le contrôle comme quelque chose se départageant habilement entre les méchants fraudeurs d’un côté, et le malhabile connaisseur du droit de l’autre. C’est trop simpliste, comme il est peu opérant d’asseoir la politique du contrôle fiscal sur deux lois (ESSOC et la loi fraude) comme autant de jambes présumées bien équilibrées mais qui font des canards boiteux.

S’offre donc à nos yeux l’échec de cette vision un peu courte … dont nous connaissions pourtant tous la réalité. Maintenant, que vont proposer Bercy et nos ministres pour endiguer la vague et tenter de récupérer des sommes injustement versées ? Des procédures allégées de contrôles, à l’instar de celles mises en place au sortir de la guerre ? Puisque nous sommes dans une forme de guerre, et pour longtemps, il va falloir s’atteler à prendre des mesures efficaces et réfléchir à l’extra-territorialité, car certains fonds ont déjà pris le large.

Relevons par ailleurs que les fraudes au chômage partiel explosent là-aussi …nécessitant le recours à des centaines de contractuels. Pour les tenants du moins d’Etat, pas plus qu’il ne conviendrait de rouvrir des lits dans les hôpitaux malgré une population vieillissante, il ne semble pas encore à l’ordre du jour de changer de cap en recrutant des fonctionnaires utiles pour l’avenir du pays. Le « quoi qu’il en coûte » ne devrait-il pas permettre à ceux qui nous gouvernent de changer d’orientations budgétaires tant on constate les méfaits de leurs mesquineries. Vont-ils revoir leur dogme à l’aune des prédations actuelles ?

S’agissant de la DGFiP, il faut un sursaut de réalisme pour défendre nos emplois et nos missions régaliennes, fussent-elles jugées non prioritaires sur de discutables considérants ultra-libéraux. A l’instar d’autres directions ou ministères qui défendent ardemment leurs métiers, leurs savoir-faire et leurs agents, nous réclamons que devant la représentation nationale, le DG ou ses successeurs en fasse dorénavant de même plutôt que d’offrir les ciseaux qui taillent dans l’humain et le réseau. La rédemption s’obtient …même sur le tard.

Revenons-en aux décideurs. L’adage « gouverner c’est prévoir » n’a jamais été aussi pertinent. Prévoir c’est notamment considérer que l’événement imprévu est – par essence – une chose prévisible et devrait donc être anticipé. A défaut, l’automobile en serait sans doute encore au fardier de Cugnot s’il n’avait été envisagé quelques évolutions, voire révolutions technologiques.

Les alertes n’auront pas manqué pour permettre à nos décideurs d’affiner leur politique du risque et les stratégies à adopter : crises H1N1, attentats, mais plus encore crises financières et économiques de 2008 et 2011 où nous avions déjà ouvert les vannes. Comme d’autres administrations, la DGFiP n’avait de PCA (plans de continuation d’activité, NDLR). Pour mettre en œuvre le fonds de solidarité, un PCA aurait permis, partiellement du moins, d’élaborer une organisation de la gestion, ainsi qu’une stratégie de contrôles a priori et a posteriori, en fléchant les ressources humaines.

Ne sommes-nous pas trop, de fait, dans l’adaptation contrainte et dans l’après-coup, en devant faire face à un nombre d’agents devenus insuffisants à tous les niveaux ? Une situation que démontre magistralement ces recrutements de dernières minutes.

S’agissant du PCA, nous le redemandons : où étaient les hauts-fonctionnaires chargés de l’élaborer et de le mettre à jour ? Qu’en sera-t-il de leur responsabilité ? Car, il est indiscutable que l’actuelle désorganisation du contrôle fiscal n’est pas étrangère à cette faute originelle.

L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques n’est pas coutumière des alertes un peu systématiques, des cris d’orfraie ou du loup dans la bergerie. Nous nous efforçons toujours d’avoir des propos qui reflètent la réalité du terrain, qui relatent les inquiétudes et les satisfactions, qui dévoilent les doutes et les incompréhensions, qui remontent les demandes des agents, qui dénoncent des comportements, l’inefficience de certaines pratiques managériales, de pilotages abscons, et le cas échéant Ubu roi.

Mais nous ne resterons pas sans réagir face à certaines situations car cela conduirait à ne pas traduire la réalité du contrôle fiscal. Défendre nos emplois, défendre nos missions, c’est dire la vérité. Pas flatter des « stat. » ou s’arranger des événements.

Nous continuerons à accorder une valeur centrale à un dialogue social constructif et continuerons à faire des propositions. Nous souhaitons avoir les interlocuteurs pour le faire, respectueux des corps intermédiaires et des représentants du personnel.

Sur ce groupe de travail d’actualité du contrôle fiscal et de la sécurité juridique, l’Administration répond à notre demande de plus réguliers échanges et nous vous remercions que ce GT arrive en début d’année. Si dans l’analyse des fiches, vous l’avez perçu, nous avons des points de divergences ou d’interrogations marquées, les documents remis apportent aussi des éléments de satisfecit. L’aspect très – trop – factuel des fiches est en adéquation avec l’intitulé de ces GT qui sont d’actualité. Aussi, nous demandons à ce que les GT puissent permettre de discuter plus sur le fond et donc de se consacrer à des thématiques plus ciblées. Par ailleurs, il est indispensable d’y consacrer la journée si l’on veut des échanges utiles et constructifs.

A cet égard, il nous semblerait utile d’envisager des GT spécifiques, notamment un GT recherche, un GT « nouvelles » programmations (méthodes, travaux, productions et résultats de l’ex-MRV [SJCF-1D]), un GT coopération internationale (AAI, EAI, etc.) et de consacrer un GT aux agents mis à la disposition de Tracfin, de l’AFA et d’autres ministères et plus particulièrement du ministère de l’Intérieur. Ces personnels pour lesquels nous avons demandé à de multiples reprises qu’un vivier soit mis en place pour valoriser leurs savoirs. Nous ne pouvons admettre qu’on les laisse dans l’expectative quant à leur devenir et qu’on leur applique idiotement cette nouvelle règle des 6 ans dont nul n’a démontré à ce jour la pertinence, et encore moins s’agissant de l’immense majorité de ces fonctionnaires. Nous demandons à tout le moins que leur parcours, leurs expériences et leurs compétences soient prises en compte. La lutte contre la fraude ne se satisfera pas de querelle de chapelles – d’où qu’elles viennent –, et nous les dénoncerons.

GT : groupe de travail ; SSJCF : service sécurité juridique & contrôle fiscal ; FDS : Fonds de solidarité ; PCA : plan de continuation d’activité ; DNS : directions nationales spécialisées ; BCR : brigade de contrôles et de recherche ; BVG : brigade de vérification générale ; MRV : mission requêtes et valorisation ; AFA : agence française anticoruption ; AAI : assistance administrative internationale

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