Intelligence artificielle à la DGFIP : la CFDT demande plus de dialogue

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L'intelligence artificielle (IA) intègre progressivement les métiers de la DGFIP, soulevant des questions sur ses impacts sur les emplois et les conditions de vie au travail des agents. La CFDT demande une régulation de l'IA et un dialogue social technologique pour garantir que l'IA améliore les conditions de travail sans remplacer l'intelligence humaine. La CFDT appelle également à un accord-cadre pour encadrer l'utilisation de l'IA et à la transparence sur son impact environnemental. 

Alors que l’intelligence artificielle a envahi nos vies privées et que nous sommes nombreux à l’utiliser dans notre quotidien, elle entre progressivement dans l’exercice des métiers et missions de la DGFIP. 

Engagés depuis 2015, souvent sous couvert d’expérimentations rarement concertées, ces processus technologiques ont, pour les agents de la DGFIP, des incidences qui ne sont pas toutes connues.  

L’IA est un sujet polarisant car elle amène trop vite à la question des suppressions d’emplois en occultant celle de leur transformation et de ses possibles opportunités.  

La CFDT constate que la DGFIP s’empare de ces nouvelles technologies sans en avoir discuté avec les organisations syndicales. Sans préjuger de la pertinence des futurs projets d’IA à la DGFiP, la CFDT Finances publiques demande leur régulation afin que soit laissée toute sa place à l’intelligence humaine. Pour ce faire, nous appelons à un dialogue social technologique. Le dialogue social technologique doit permettre d’anticiper les transformations dans les métiers et préparer les personnels en les formant à ces nouveaux métiers.

Annonce gouvernementale récente

L’ensemble des agents publics vont désormais bénéficier d’un logiciel conversationnel similaire à ChatGPT afin “d’accélérer” le développement de l’intelligence artificielle dans le secteur public.  

 

L’acculturation à l’IA 

L’IA au travail tout le monde en parle et a son point de vue sur le sujet mais sait-on vraiment ce que c’est ? Rien n’est moins sûr, à la DGFIP comme ailleurs. 

Pour comprendre l’IA, il est nécessaire que chaque agent se familiarise avec ses notions et concepts. 

Ainsi, là où le foncier innovant [méthode de recherche de biens non déclarés et échappant à l’impôt] est un exemple de développement de l’IA, le data-mining – en matière de contrôle fiscal - ne nous apparait que comme une simple aide à la décision, un outil de ciblage différent. A côté de cela, force est de constater que l’IA générative n’a pas encore été intégrée à nos missions. On le constate, l’IA à la DGFIP en est à différents stades.

L’IA : de quoi parle-t-on ?

Pour le Parlement européen, l'IA représente tout outil utilisé par une machine afin de « reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité. »

Pour mieux comprendre l’impact de l’IA sur les métiers de la DGFIP, la CFDT demande la mise au point de questionnaires enrichis pour tester les connaissances des agents sur l'IA et leur permette de découvrir les notions clés du champ de l'intelligence artificielle et ses aspects au travail. 

Questionner l’impact de l’IA sur les organisations 

La CFDT a une conviction : l’IA ne pourra pas être intégrée dans les process de travail avec succès sans le consentement des agents. Les agents doivent être acteurs de ces transformations. Là où les agents sont parfois submergés par les mails ou des tâches répétitives, l’IA peut être une réponse mais il faut l’utiliser avec tous les filets de sécurité.  

A la DGFIP, les expériences de mise en œuvre de l’IA, notamment le foncier innovant, se sont soldées par des surcharges de travail pour les agents alors que les effectifs étaient constamment rabotés. La perte du sens du travail face à ces déploiements ne doit pas être minimisée. Il est donc logique, qu’en l’absence de dialogue social et d’implication des agents, l’IA puisse être perçue avec méfiance. Pour la CFDT, il faut s’emparer de ce sujet pour éviter que l’IA ne soit utilisée professionnellement en dehors de tout contrôle de l’administration. 

Extrait du rapport de la Cour des Comptes du 18 juillet 2024 

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DANS LES POLITIQUES PUBLIQUES : L’EXEMPLE DU MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES

“Ces nouveaux outils peuvent ainsi augmenter la charge de travail des services du fait de leurs performances, en détectant par exemple d’avantage d’irrégularités à traiter, ou du fait de leurs limites, en générant par exemple des réponses erronées qu’il revient aux humains de corriger. De plus, leur mise en œuvre modifie la répartition des métiers et des compétences nécessaires à la conduite des politiques publiques du MEFSIN.” 

Tout comme la DGFIP a su déployer un DUERP qui rend les agents acteurs de la prévention des risques au travail, elle doit développer un outil qui permet aux agents de s’approprier l’IA au risque que certains ratent le train de l’IA.  

Si les risques pour la santé et la sécurité au travail, tant physiques que mentaux, ne sont pas encore bien identifiés, pour la CFDT, l’un des objectifs de l’IA doit être d’améliorer les conditions de vie au travail. Ce but doit être affiché et intégré au cahier des charges de chaque nouveau projet. 

Dépasser l’illusion du solutionnisme numérique 

Le solutionnisme numérique consiste à penser que la technologie est capable de résoudre toutes les difficultés en nous facilitant la tâche. Ce faisant, il néglige la place de l’humain dans l’organisation du travail en effaçant notre capacité à réfléchir et en niant notre libre-arbitre. Il laisse penser que les pratiques antérieures développées par les agents sont, au mieux obsolètes, au pire contre-productives.  

Pour la CFDT, les systèmes d’IA ne doivent pas être une fin en soi. Ils ne doivent rester que des outils parmi d’autres. Si les algorithmes peuvent être une aide à la prise de décision, l’humain doit in fine être le décisionnaire.  

Il est primordial que l’exercice de chacune de nos missions continue de placer le travailleur en son centre. Qu’il y reste un acteur non seulement décisionnaire mais dont le regard critique est nécessaire. La CFDT est convaincue que la valeur ajoutée du travail des agents de la DGFiP ne peut émaner que d’eux mêmes et non d’une solution technologique. 

Plus largement, il nous apparait que seuls les travailleurs émancipés garderont un sens au travail une fois l’IA déployée sur nos métiers. 

Le dialogue social technologique pour accompagner l’intégration de l’IA dans les process de travail 

La CFDT a conscience que l’IA a et aura un impact sur les emplois, les métiers, les compétences et les conditions de vie au travail.

Or le “temps social” consacré à l’IA est réduit à sa portion congrue. Avec l’arrivée de l’IA, le dialogue social doit évoluer avec une approche itérative et anticipatrice là où aujourd’hui le dialogue social s’apparente plutôt à une redescente d’informations et un bilan des actions déjà menées et pour lesquelles il est difficile d’agir. 

Le dialogue social technologique doit aussi s’assurer que le déploiement de l’IA n’est pas en décalage avec les situations de travail. Si les agents ne sont pas impliqués dans le déploiement de ces nouveaux systèmes, il y a un réel risque de rejet du nouvel outil et de développement d’un climat social suspicieux.  

Pour pallier cette difficulté, les systèmes d’IA doivent être explicables et expliqués pour qu’on puisse leur faire confiance. Tous les agents doivent en comprendre le fonctionnement et la finalité.  

Seul le dialogue social technologique permettra de réduire les peurs de certains liées à l’IA et notamment celle de la suppression d'emplois. Seul ce dialogue améliorera la compréhension des avantages et des risques de ces nouvelles solutions technologiques

La CFDT Finances publiques appelle donc à un dialogue social technologique protégeant les intérêts des agents et garantissant que les systèmes d'IA améliorent et ne dégradent pas les conditions de travail.  

La CFDT Finances publiques appelle à la conclusion d'un accord-cadre pour définir les lignes directrices de l’IA, englobant la stratégie, la doctrine d'emploi et les méthodes de conception, de déploiement et d'utilisation de l’IA ainsi qu’une évaluation régulière de ses effets. 

L’IA inclusive 

Le dialogue social technologique doit permettre de mener une réflexion sur l’inclusivité de l’IA. Les personnels en situation de handicap doivent aussi s’approprier cet outil. Pour la CFDT, tous les SIA que pourra développer la DGFIP devront intégrer cette dimension. 

L'IA et le principe de neutralité écologique 

Extrait du rapport de la Cour des Comptes du 18 juillet 2024 

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DANS LES POLITIQUES PUBLIQUES : L’EXEMPLE DU MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES

“Il n’y a ni calcul systématique d’impact, ni harmonisation de la méthode calcul au sein du MEFSIN.” 

La CFDT Finances publiques demande enfin la création d’un outil pour mesurer l'impact environnemental du développement de l’IA à la DGFiP à l’occasion de ses futurs projets. A terme, la DGFiP ne pourra pas faire l’impasse sur le principe de neutralité écologique.  

Dans l’intervalle, nous revendiquons la transparence sur le cout supplémentaire, en kilowatt, d’une solution logicielle à base d’IA versus la solution informatique antérieure. 

Ce faisant, la DGFIP s’obligerait, en responsabilité, à œuvrer à l’amélioration de son impact environnemental, au bénéficie des générations futures.

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