À l’(H)Eure de la RGP, gardons notre sang froid malgré la douche froide.

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Récemment, une décision a marqué la DGFiP : un inspecteur de la DDFiP de l’Eure a été condamné par la Cour des Comptes dans le cadre du nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics (RGP).

Bien que ce collègue ait été fondé de pouvoir et adjoint du payeur départemental, il n’avait pas pour autant la qualité de comptable ni de responsable de service. Cette situation ne peut qu’interpeller la CFDT sur les conséquences de la RGP au sein de la DGFIP. Est-ce bien ce qui nous avait été promis ?

Sans protection fonctionnelle et sans possibilité de s’assurer contre les amendes infligées par le juge, faut-il s’inquiéter pour l’exercice de nos missions ?

Un régime de responsabilité en construction, à la discrétion du juge

Le précédent système de responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) qui s’est éteint le 31 décembre 2022 n’avait pas que des inconvénients pour notre administration. La RPP, en les considérant comme responsables en dernier ressort, donnait aux comptables un poids certain dans les rapports de force avec nos partenaires. De même, elle faisait paratonnerre pour l’ensemble de leurs collaborateurs.

Mais cette dernière qualité était aussi son défaut. La RPP apparaissait désuète face aux exigences de redevabilité de tout responsable public, d’où l’extension et la transformation de la RGP. Ainsi, toute personne ayant à gérer des fonds publics est soumise à la RGP.

Le juge des comptes rend depuis 21 mois ses premières décisions et elles ne sont pas de nature à rassurer. Ce dernier ne s’est pas contenté d’élargir le champ des managers tenus pour responsables. Sa jurisprudence a également incriminé de simples exécutants, dont des cadres A, inspecteur des finances publiques et attaché d’administration notamment.

Mais concrètement, qu’en est-il pour la DGFiP ?

Il est essentiel de garder à l'esprit que seules 13 décisions ont été rendues depuis le 1er janvier 2023 sous le régime renouvelé de la RGP, dont deux relaxes. La DGFiP n’est quant à elle concernée que par une seule de ces décisions.

Cela montre que, même si la responsabilité managériale est plus visible, les mises en cause sont relativement rares et c’est encore plus vrai pour la DGFiP. Dans cette perspective, pour la CFDT, il apparaît nécessaire de garder son sang-froid. Certes une jurisprudence en construction est source d’incertitudes, mais c’est aussi ce qui fait la vigueur de notre état de droit. A ce titre, la CFDT préfère le juge des comptes au juge administratif !

Ne nous y trompons pas, l’objectif du juge des comptes est de faire vivre le nouveau régime et d’investir tout le spectre des infractions. Ni plus, ni moins.

Mais alors, qui peut être inquiété et pour quels motifs ?

Les arrêts rendus dans ce nouveau contexte pointent avant tout vers une condamnation des cadres de directions ou responsables politiques tels que les directeurs généraux (délégués ou « de fait »), les directeurs financiers ou des ressources humaines, les présidents (de département, de société) et les maires.

Mais il est vrai que la RGP, responsabilité individuelle tout autant que managériale, peut aussi concerner les exécutants (secrétaire de mairie, responsable du contentieux ou fondé de pouvoir) bien que cela soit marginal.

En revanche, les actes sanctionnés doivent nous interpeller car beaucoup apparaissent susceptibles de s’inscrire dans nos missions :

  • Engagement de dépense sans en avoir le pouvoir (ex : non-respect des seuils des marchés publics)
  • Défaillance dans le suivi des créances (ex : non transmission d’arrêt maladie à une complémentaire)
  • Défaut de production de compte
  • Inexécution d’une décision de justice
  • Infraction relative aux règles d’exécution des dépenses et de la gestion des biens
  • Octroi d’avantage injustifié (ex : prime de licenciement non due)

Ces cas de figure excèdent la seule sphère comptable et recouvrent la totalité de nos métiers.

Dans les faits, les manquements sanctionnés se sont traduits par des amendes allant de 1 000 à 20 000 euros. Amendes pour lesquelles, contrairement à ce qui était possible sous le régime de la RPP, on ne peut ni s’assurer ni demander de remise gracieuse, quand bien même ces infractions s’inscriraient dans les orientations politiques demandées aux fonctionnaires, en matière de prise de risque notamment.

Informer et protéger les agents, la double exigence de la CFDT

Informer pour se prémunir contre la mise en cause pour « négligence »

Dans ce contexte, il est primordial d’informer les agents sur leurs droits et sur les procédures qui les protègent. La CFDT revendique des points réguliers dans les services pour discuter des enjeux de responsabilité, des procédures de maîtrise des risques susceptibles d’être mises en œuvre et du rôle des responsables en matière de contrôle interne.

Protection fonctionnelle : un droit à défendre et à étendre

Injustement, le secrétariat général au gouvernement a décidé de ne pas accorder la protection fonctionnelle aux agents mis en cause dans le cadre de la RGP. La CFDT se battra donc pour que ce droit soit étendu à ce nouveau régime de responsabilité.

En parallèle, la CFDT s'assurera que les agents mis en cause se voient mettre à disposition par l’administration les ressources nécessaires pour faire face à ces situations et se défendre : accès aux informations, conseils juridiques, préparation aux auditions.

Dans cette perspective, les agents ne devraient pas avoir à s'assurer personnellement aux fins de bénéficier d’un conseil juridique. Cette responsabilité est autant la leur que celle de l’administration. En effet, pour la CFDT, les fautes commises le sont dans un contexte d’insuffisance d’effectifs, de pressions constantes sur les indicateurs et surtout dans le cadre de l’exercice de leurs missions. L’administration se doit de protéger ses agents. En refusant la protection fonctionnelle, elle manque à ses devoirs !

A responsabilité partagée, indemnités partagées !

Enfin, avec la bascule imminente des régimes indemnitaires des chefs de services comptable et administratifs (CSC et CSA) au RIFSEEP, il est primordial de reconnaître que la responsabilité ne se limite pas uniquement à la personne titulaire d’un poste, ce que fait déjà la RGP. Lorsqu’un adjoint assure l’intérim d’un chef de service, il se trouve également chargé d’une responsabilité équivalente.

Il est donc juste que le régime indemnitaire associé à ce poste soit attribué à l’adjoint en exercice pendant cet intérim. Les autres administrations le font, la DGFiP doit s’y atteler !

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