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Successions vacantes : le choix du prestataire extérieur plutôt que le renfort des effectifs

Publié le 12/03/2024

La DGFIP a présenté, pour information, lors du Comité social administratif (CSAR) de réseau du 5 mars la généralisation de l'expérimentation de partenariats avec des prestataires spécialisés dans la commercialisation des biens immobiliers.

Nous avons regretté le recours - même optionnel - à des prestataires privés pour les cessions des biens immobiliers des successions vacantes. Si la DGFIP a été contrainte de revoir ses processus de commercialisation des biens immobiliers des successions vacantes, c’est avant tout parce qu’elle n’a pas donné les moyens humains nécessaires aux pôles de gestion des patrimoines privés (GPP) pour qu'ils puissent assumer pleinement cette mission.

La solution pérenne et efficace à la charge croissante de travail des pôles GPP ne se trouve pas dans le recours à des prestataires privés mais dans l’étoffement de leurs équipes qui apporterait un véritable renfort dans l’exercice de leurs mission.

Des questions sur la méthodologie 

A la première lecture des documents du CSAR, le taux de vente de 31 % (au 26/01/2023, après 18 mois d’expérimentation : 301 bien vendus sur 960 biens confiés) contre 6 % au niveau national en 2021 peut paraître satisfaisant mais des questions demeurent pour donner du sens à cette comparaison :

1 – Peut-on tirer des conclusions fiables de la comparaison du processus de commercialisation d'une sélection de biens confiés à des partenaires privés dans une sélections de direction sans que la méthodologie ait été présentées et certifiées. Le panel de biens et directions peut en effet entraîner un certain nombre de biais, en particulier en fonction de la typologie des biens, de leur localisation, de leur état et de leur potentiel ?

2 – En outre, peut-on se contenter d’une étude interne aux pôles expérimentateurs alors qu’une comparaison avec les pôles qui ne le sont pas aurait pu également apporter un éclairage significatif à condition d’identifier des panels de biens comparables ?

Un recours aux opérateurs privés qui doit rester facultatif et d'opportunité laissée aux pôles GPP

Concernant le taux de biens vendus qui oscille entre 19 % en Île de France et 63 % au niveau du pôle GPP (gestion des patrimoines privés) de Lille avec une moyenne à 31 %, s’il est effectivement meilleur que la moyenne nationale 2021, d’autres pôles, hors expérimentation, ayant recours à des partenaires extérieurs qu’il choisissent, obtiennent de meilleurs résultats. Cela peut ressortir de biais tant au niveau des successions pour lesquelles la nomination est prononcée qu’au niveau des biens confiés aux partenaires privés mais cela pose néanmoins question et devrait encourager à laisser à chaque pôle la liberté de choisir les modalités de commercialisation qui lui apparaissent les plus efficaces.

Autre point qui tend à militer en faveur d’une gestion facultative et locale du recours à prestataire privé, les tarifs de pré-commercialisation enregistrés ne font ressortir qu’un gain limité de moins de 8 % par rapport à une gestion internalisée. La comparaison fait en outre apparaître un intérêt financier reposant essentiellement sur les opérations de débarras. Or, ce seul point étant défavorable, il est possible en gestion internalisée d’améliorer ce coût sans recours à pré-commercialisation externalisée. Ce ne serait alors pas en termes de coût que devrait s’arbitrer le recours à l’externalisation. Néanmoins, d’autres pôles obtiendraient une performance supérieure en la matière. Ainsi, une gestion locale du recours à prestataire externe peut éventuellement donner sens à cet aspect de l'analyse comparative.

En tout état de cause, l’alliance CFDT-CFTC insiste sur la caractère optionnel du recours à prestataires et sur la possibilité pour chaque pôle GPP d’apprécier les besoins qui sont les siens, les prestations nécessaires et les prestataires adéquats. Toute logique contraignante de recours obligatoire à un bouquet de services et des partenaires privés sélectionnés nationalement pourrait en effet conduire à de nouvelles lourdeurs et inefficiences. En particulier, cela conduirait à passer par des procédures de marché au plan national dont on regrette bien souvent l’inadaptation et les surcoûts.

 

Un recours aux prestateires privés comme palliatif au manque d'effectifs

En outre, le véritable problème des pôles de GPP est à rechercher ailleurs. Malgré une position interne à la DGFiP conservatrice entraînant un faible taux de nomination des pôles GPP par les services de gestion et de recouvrement, les pôles GPP voient leur charge de travail augmenter en permanence depuis 10 ans (+48%) avec une croissance prévisionnelle de la charge de +30 % dans les années à venir selon l'évaluation prospective fournie par la direction générale sans pour autant que des effectifs supplémentaires aient été affectés en proportion.

Si une réelle modernisation est en cours, les gains de productivité afférents sont encore très limités et ne peuvent pas compenser la hausse de la charge de travail à moyens humains constants. L'assistant digital (AD) pour automatiser les travaux de recensement du patrimoine d’un défunt apportent un gain appréciable mais marginal en réalité. Le portail des successions vacantes dans sa version PSV1 (Un portail accessible pour les usagers authentifiés pour effectuer des démarches en ligne et pouvoir suivre l’évolution de leur traitement) n’apporte pas à ce stade de gains de temps car il conduit à mieux faire connaître l’existence et la mission des pôles GPP avec le surcroît de contacts, de questions et de nominations que cela implique. La version PSV2 est néanmoins attendue par les pôles avec des fonctionnalités qui devraient néanmoins apporter des améliorations significatives.

En réalité, ce sont de renforts dont les 220 agents en charge de la gestion des patrimoines privés confiés à l’État ont besoin avant tout et c’est sur ce terrain aussi et peut-être surtout, que la DGFIP devra répondre aux besoins de ces services.