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Les malheurs de l'informatique à la DGFiP

Publié le 24/08/2023

Il ne se passe pas une semaine sans que les médias régionaux ou nationaux ne parlent des défaillances de l'informatique de notre administration. Il aura fallu le fiasco de GMBI pour mettre en lumière ce que les agents de la DGFIP vivent régulièrement et que subissent souvent les usagers. 

La crainte du lundi matin ou quand les applications décident de prolonger le repos dominical

Plus prosaïquement, cette indisponibilité est majoritairement la conséquence des chargements et traitements du week-end. Quand la DGFIP accepte d’intégrer les données erronées envoyées par des tiers qu’il s’agisse de particuliers, de professionnels voire d’autres administrations, les dysfonctionnements se multiplient. La création du site de Montbard pour améliorer la qualité des données, n’en est que la résultante. Combien d’identifiants incorrects, de montant  saisis avec des centimes, de noms incomplets ont provoqué des plantages de baths (traitement des données) contenant des millions d’articles (ligne de données) ?  La correction doit donc être faite en urgence le lundi matin aux aurores, ce qui implique une longue indisponibilité des applicatifs. 

Une maintenance pro active déficiente

La dématérialisation de la quasi-totalité de ces procédures et process oblige la DGFIP à moderniser continuellement ses applications. Ce travail pluri-annuel est fastidieux et peu visible. Aussi les agents portant ces sujets sont facilement oubliés. Il est plus aisé de reporter à l’année suivante les travaux de mise à niveau ou de réécriture. Ainsi insidieusement la dette technologique s’accroit jusqu’à un point de non-retour. Des solutions propriétaires, certainement justifiées au moment de leur conception, font que des applications se retrouvent sans solutions alors que les entreprises n’assurent plus la maintenance de leur produit (AGL, base de données, …). Or une application  n’a d’autre choix que d’évoluer constamment pour continuer à simplement exister ( intégration au portail,  correction des failles de sécurité, …) Ainsi des applications conservent une vision locale limitée parfois à la Direction ce qui n’est plus acceptable et s’avère totalement incompréhensible pour les contribuables en 2023. 

Une informatique victime d’un manque d’investissement au long court

L’effet yoyo sur les budgets informatiques couplé à une politique de recrutement erratique d’informaticiens n’ont pas permis d’avoir une vision à long terme des projets. Or les connaissances informatiques sont longues à acquérir et les projets nécessitent un investissement constant pour pouvoir être à niveau et ne pas rapidement devenir obsolètes. 

Des applications LibreOffice

La création d’une nouvelle application ou d’une nouvelle fonctionnalité importante, nécessite une littérature abondante afin de passer devant de nombreux comités. Cette littérature aurait un sens si l’énergie déployée par les IP, IDIV, chefs de projets, analystes, … pour satisfaire aux exigences de ces comités n’était pas que des mots. Combien de PRA (plan de reprise d’activité) ont été testés réellement plutôt que virtuellement ? C’est ainsi que des incidents mineurs deviennent des crises. Le réseau informatique de la DGFIP n’est pas à l’abri d’incidents techniques indépendants de sa volonté : une pelleteuse coupe une alimentation d’un centre informatique le weekend, le filtre à gasoil des groupes électrogènes est encrassé.... Or sans électricité, les serveurs s’arrêtent brutalement, ce qui bloque la très grande majorité des applications informatiques le lundi matin voire pour certaines pendant presque une semaine car des adhérences insoupçonnées apparaissent entre des réseaux ou applications a priori étanches. Certes, valider le PRA en situation réelle (et non pas virtuelle) provoquera nécessairement des indisponibilités mais c’est à ce prix que le DGFIP garantit sa sécurité informatique.

Des utilisateurs à bout

Si  les forums servent aussi d’exutoire à l’exaspération des collègues du réseau, les informaticiens en contact direct avec les utilisateurs sont aussi en première ligne. Surchargés, pris en étaux, ils doivent appliquer des notes parfois très éloignées de la réalité du terrain.  La livraison de nouvelles applications engendre souvent un a priori négatif au sein des services: des nouvelles applications qui après de nombreuses péripéties, sortent à force d’obstinations sont victimes du ressentiment général sur l’informatique. Leur expérimentation est souvent désastreuse et sont rejetées par les utilisateurs. Pourtant elles ne sont pas imparfaites et apportent des solutions aux utilisateurs. C’est ainsi que le découragement gagne les meilleures volontés. 

Des applications structurantes PowerPoint

L’évocation d’applications en développement au cœur du métier de la DGFiP provoque l’hilarité même dans la partie administrative. Cette vision nous a, lecteur, attristé. Leurs ambitions démesurées font qu’elles restent à l’état de PowerPoint. Le travail fastidieux d’interviewer les sachants parfois informaticiens n’est pas fait. L’affectation sur ces projets est vécue pour certains comme une punition.  Le turn-over des agents n’en est que le symptôme et l’inquiétude gagne l’ensemble des équipes des autres applications car le développement ou la réécriture de l’existent n’est pas fait. On en revient à l’accroissement de la dette technologique. Comment alors sortir ces applications de l’ornière ? 

Des talents difficiles à attirer

Une rémunération peu attractive, une hiérarchie pesante, des affectations dans des sites loin de chez soi, une carrière limitée à la seule  sphère informatique difficile … font que les volontaires pour passer le concours de la DFGiP ou pour un détachement se font rares. La situation est telle qu’aujourd’hui les sachants “métiers” sont parfois les seuls informaticiens qui deviennent les derniers et rares détenteurs de l’historique des règles de gestion. La précédente réorganisation du Si en intégrant une partie des bureaux métiers n’en est que l’acceptation de cet état de fait. 

Une reconnaissance quasi inexistante

Les informaticiens ont développé dans un temps record en plein COVID une application pour soutenir notre économie. Cette réactivité et grande efficacité montrent bien que la DGFIP a des talents qui ne sont pas utilisés  et restent cloisonnés dans un domaine. La DGFIP s’est-elle un jour donné les moyens de reconnaître les compétences acquises par ses informaticiens ? La Gestion Prévisionnelle des Emplois et des compétences a aussi vocation à s’appliquer dans ce domaine. 

Bien d’autres problèmes affectent l’informatique de la DGFiP (tests de charges, cloisonnement, …). Il suffit de questionner les collègues. 

Le bout du tunnel ?

La CFDT revendique un budget en croissance pour le Si avec  

  • des recrutements à la hauteur des besoins  
  • une revalorisation salariale  
  • des perspectives de carrière dans le domaine informatique.   
  • une organisation qui donne plus de place à l’humain et aux besoins des agents du réseau et surtout qui soit à l’écoute des sachants qui connaissent les outils.