Management à la DGFiP : la « cerclature » du cadre !

Pris en étau entre le nouveau modèle managérial (qui va irriguer l'ensemble de leur carrière) et la rénovation de l'entretien professionnel toiletté (qui s'imagine capable de mettre en valeur le "mérite individuel"), les cadres de la DGFiP n'ont plus le loisir d'être nostalgiques de leurs perspectives de carrière laminées par le nouveau réseau prétenduement de « proximité ». Ils sont sommés de faire de bons petits adjoints obéissants, le maître mot étant la conduite du changement.

 

Le bon manager doit convaincre ses collègues - pardon ses collaborateurs - de la pertinence des réformes incessantes ...quand bien même il les trouve absurdes et destructrices en son for intérieur. Ce qui pourrait donner ce dialogue improbable :

« Mais oui ! La fermeture de notre service est une excellente mesure, le doublement de votre temps de trajet pour vous rendre dans votre nouveau poste ne fera que renforcer votre sens du service public. En ce qui me concerne, ma nouvelle fonction de chargé de mission indéfinie auprès du directeur départemental me permettra d'affiner mon profil managérial. J'aimerais tant accéder au Graal de manager de managers » ...Hara-kiri avec un sourire bienveillant ? Les Japonais n'avaient pas osé.

 

La nouvelle campagne d'entretien professionnel sera houleuse

Des modifications ont été apportées pour la campagne d'évaluation 2023. Elles apparaissent bien floues pour la majorité des personnels, donc sujettes à craintes : le profil croix (tableau synoptique) disparaît pour certains (cat. A) et est transmuté en une grille massive d'évaluation des compétences managériales marginalisant 5 expressions littérales (la technique et l'expertise, visiblement n'ont guère d'importance) ; les modalités de mise en oeuvre de l'"excellent" changent dans les faits pour les agents B et C ; les Lignes Directrices de Gestion (LDG) renforcent la finalité du Compte Rendu d'Entretien Professionnel (CREP) vu comme un outil censé assurer la « transparence » qui a totalement disparue des processus de détermination des mobilités et des promotions, et prétend permettre l'« accompagnement des parcours professionnels (promotions, sélections, recrutement au choix) » dans une administration qui en réalité se préoccupe bien peu de ses agents.

 

Pour aller plus loin sur le sujet : Mais où sont passés les agents excellents de la DGFIP ?

 

Et comme il faut faire table rase du passé, les CREP des années précédentes ont été écrasés dans le nouvel outil Esteve. On doit juger l'année écoulée, rien d'autre ! Ce sera pratique pour régler les comptes. On pourra subitement devenir mauvais nonobstant une longue carrière de bons et loyaux services. Par manque d'enthousiasme face à la troisième restructuration du service en quatre ans par exemple ? Esteve ou la baguette magique à faire rentrer dans le rang...

Attention, dans les RH modernes, les anglicismes sont légions puisqu'il s'agit de faire moderne et de singer ce qui se fait ailleurs. Aussi, on va pouvoir faire du Benchmark managérial de proximité : celui qui saura rebattre les cartes dans son service pour plaire à la direction ...sans être criblé de recours en CAP décrochera le pompon. 

On passe sur le coaching de rédaction d'un CV et de présentation en entretien pour essayer de se vendre sur le marché de l'emploi interne et l'enfumage des réunions de services obligatoires pour promouvoir le COM (Contrat d'Objectifs et de Moyens), alors qu'à l'évidence les demandes principales des agents ne seront jamais satisfaites (pouvoir d'achat, carrières, etc.).

La vraie nouveauté se situe dans les directions locales où les supers managers de managers se sentent pousser des ailes depuis qu'on leur a rendu leurs pouvoirs féodaux. 

Après les stages de saut à l'élastique et les retraites de méditation transcendantale, voici venu le temps des forums de revisitation des postures managériales en open space technology !

Par exemple, les cadres d'une direction méridionale sont invités à s'enfermer deux jours dans un forum « ouvert » géré par une start-up dont la mission affichée sur son site internet serait de « permettre à chacun d’écrire et d’accomplir sa légende personnelle, son épopée au cœur du 1er tiers-lieu d’innovation éducative en France ».

Nous allons enfin « pouvoir réaliser nos rêves que nous voulons explorer pour favoriser un management confiant et engagé... » (en français dans le texte de l'invitation !!) 

Innovation éducative ? Les cadres de la DGFiP auraient donc besoin d'être (ré)éduqués ! 

Le masque est tombé

...Gardons cependant l'image exaltante de notre épopée collective : l'agent du fisc, pris d'un regain d'énergie et de créativité grâce aux vertus de ce forum, accomplissant sa légende personnelle en brandissant son petit Livre des Procédures Fiscales contre l'ignoble fraude qui gangrène notre société.

Reste, côté finances ...ça coûte une blinde ces séminaires ! Mais vu de Bercy, peu importe l'efficacité factice de ces outils ...c'est tellement moins cher que de remettre à niveau notre régime indemnitaire gelé depuis 2011. 

La réalite, c'est que beaucoup de cadres ont le blues. Il serait temps qu'au delà des effets d'annonces, des GRM ou de la com sur le COM, le Directeur général s'apperçoive que ce moral en berne est tout sauf bon pour notre Maison commune.