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Rencontre avec O. Dussopt : la DGFiP cuisinée façon émiettage et saupoudrage

Publié le 22/03/2019

Quel avenir pour la DGFiP et son réseau dans les 3 ans qui viennent ? Pour lever une partie du voile sur la « géographie revisitée », le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt recevait mercredi 20 mars les représentants du personnel CFDT, Solidaires, CGT, FO, CFTC des Finances publiques.

Au sortir de cet entretien, la CFDT s’oppose au démantèlement de la DGFiP et à un service public au rabais. La CFDT défend une plus grande ambition pour cette institution régalienne et des moyens adaptés à ses missions (assiette, recouvrement, contrôle fiscal, tenue de comptabilité budgétaire de l’Etat et des organismes publics, missions foncière et cadastrale) et à celle d’accompagnement des usagers et des partenaires.

Naturellement, toutes les évolutions à venir sont à mettre en parallèle avec le « cap » du gouvernement et l’objectif confirmé par le Premier ministre de suppression de 50 000 emplois dans la Fonction publique d’Etat. Le gouvernement entend aller vite …et sans attendre le dépouillement des contributions du Grand Débat qu’il a pourtant initié.

La CFDT Finances publiques refuse cette logique de passage en force !

Sur la forme, l’entrevue permettait in extremis de cocher la case “vu les syndicats“ en donnant des informations (plus ou moins) équivalentes à celles délivrées dans le même temps par le ministre Gérald Darmanin aux élus locaux et représentants de l’Etat de la Haute-Vienne, Creuse et Corrèze où les DDFiP cogitent depuis plusieurs mois sur une nouvelle organisation du réseau départemental des finances publiques. 3 jours de visite ministérielle pour vendre une redéfinition de la présence de l’Etat dans les territoires.

Pour les organisations syndicales (OS), Olivier Dussopt n’a concrètement rien dévoilé de nouveau par rapport aux annonces de Gérald Darmanin le 11 juillet 2018 devant les directeurs et sur Facebook, ou dans une lettre de décembre du directeur général (DG) aux numéros un. En service commandé, Olivier Dussopt a refusé de donner aux OS l’information capitale qui sous-tend tout le reste : combien d’emplois la DGFiP va perdre d’ici 2022, terme du contrat pluriannuel que le DG négocie avec la direction du Budget.

Car vouloir faire croire aux élus locaux et aux citoyens des territoires ruraux et périurbains qu’on s’intéresse dorénavant plus à eux en redonnant de l’accès aux services publics est en l’état fallacieux. Pour mystifier le public visé, deux cartes de la Haute-Vienne ont été établies. L’une présentant peu ou prou la DDFiP actuelle, l’autre, une hypothèse de travail qui fait ressortir 6 points de contact en plus (soit 21 communes concernés contre 15). Sauf qu’en réalité, c’est une palanquée de Trésoreries qui est vouée à fermer alors que plusieurs centres des Finances publiques – qui rendaient jusqu’à présent tous les services aux particuliers et entreprises dans leur zone d’implantation – verraient le nombre de services rendus se restreindre. Il y aura donc moins d’accès aux services publics dans ces villes …pourtant la jolie carte fait apparaître un plus grand nombre de petits logos (points, maisons ou triangles) donnant ainsi l’impression d’une plus grande profusion de « points de contact ». Bel exercice de com et enfumage certain.

Que deviennent les services existants ?

> Service public local (SPL) : logique « back office » / « front office », avec un certain nombre de tâches qui seraient regroupées dans des services ne recevant ni public, ni élus locaux, et dont la taille n’excèderait pas la cinquantaine d’agents ; fermeture des petites trésoreries (celles de < 5 agents environ) ;

> Service des impôts des particuliers (SIP) : même logique de regroupement avec moins de sites ; utilisation du réseau des MSAP (maisons de services au public) pour « augmenter les points de contacts » avec déploiement d’agents des Finances publiques (NB : si le secrétaire d’Etat assure qu’il n’y aura pas de mobilité forcée, on peut relever que les agents devront de facto être mobiles pour rejoindre leur MSAP, voire plusieurs, mais aussi des points de contact …mobiles [type fiscobus]) ; en parallèle, incitation à l’accueil sur rendez-vous des usagers ;

> Service de publicité foncière (SPF) : poursuite de la logique de regroupement avec un SPF par département. Toutefois, selon les situations géographiques, existeraient des antennes ;

> Service des impôts des entreprises (SIE) : des regroupements seraient envisagés mais la cible n’est pas un SIE par département puisqu’il serait tenu compte des « bassins de vie » et de l’activité économique ;

> Recouvrement forcé : unification du « process » de recouvrement des différentes créances ;

> Contrôle fiscal : aux dires du secrétaire d’Etat, le réseau des brigades (BVG, BCR), PCE et PCRP déjà fortement impacté ces dernières années ne semblerait pas en l’état concerné par ces évolutions. La CFDT juge ces propos peu crédibles tant que le ministre Darmanin ne dévoilera pas le nombre de suppressions d’emplois sur la période !

S’agissant des agents.

Les annonces étaient connues : accompagnement des personnels concernés par les restructurations (doublement de la prime [PRS] ; complément indemnitaire d’accompagnement en matière de rémunération à l’échelle de 6 ans en cas de suppression d’emploi) ; possibilité de nouvelles formes de travail (télétravail, travail déporté, cotravail…) ; prise en compte par l’administration du souhait d’un certain nombre d’agents nouvellement recrutés de ne pas forcement travailler en région parisienne (NB : sur ce point, la CFDT s’oppose à ce que cette démarche bienveillante puisse nuire aux agents plus anciens qui souhaitent eux aussi rejoindre des directions de province).

La mise en œuvre progressive du projet, lancé par le ministre Darmanin dans le Limousin, prévoit une étape dès l’automne 2019 (après de réelles phases de concertations et de dialogue social ?)..

Pour la CFDT Finances publiques, il convient de mettre en garde les élus locaux et le public qui ont besoin des services des finances publiques :

- Quid de la possibilité de disposer dans les « points de contact » de personnels de la DGFiP techniquement compétents – qui assurent aujourd’hui un service gratuit pour tous – si les suppressions d’emploi aux Finances publiques sont multipliées par 4 ? La pérennité des « points de contact » sera alors en jeu.

- Avec quels moyens techniques nos collègues pourront répondre aux demandes du public et des élus dans les zones rurales où aujourd’hui et – quoi qu’en dise le ministre – sans doute pour quelques années encore, les connexions internet sont difficiles ?

- Quid de l’applicatif de prise de rendez-vous, encore imparfait, qui aujourd’hui décourage les contribuables ?

- Pour les agents, qui devront être plus mobiles, quid des budgets de frais de déplacement ?

Rappelons enfin qu’issue de la fusion du Trésor (DGCP) et du fisc (DGI), la DGFiP a perdu chaque année, depuis 10 ans, 2 à 3 000 emplois. Une fusion qui est le grand mensonge de l’Etat vis-à-vis des territoires, des usagers, des élus et de ses agents. Son maillage territorial étendu devait soi-disant amoindrir la fracture sociale et développer l’accessibilité aux usagers et aux élus, permettre des gains de productivité, et améliorer la situation des agents. En réalité, le réseau des services des finances publiques s’est continuellement rétracté, les plages horaires d’accueil ont diminué notamment en SIP, les accueils en Mairie ou dans les centres commerciaux lors des campagnes d’impôts ont disparu. Certaines missions en ont pâti …malgré le dévouement des agents et un fort attachement à la notion de service public.

 

La CFDT Finances publiques exige : le bilan de la fusion jamais produit à ce jour, un moratoire sur les réorganisations en cours (Cela démontrerait une réelle volonté de concertation et de négociation) et, en toute transparence, tous les éléments qui ont permis aux directions préfiguratrices de concevoir leurs projets.

La CFDT Finances publiques appelle : les agents à poursuivre le mouvement de mobilisation entamé depuis plusieurs semaines et à se mettre en grève le 28 mars (manifestation nationale à Paris), à discuter en Intersyndicale, et avec toutes les catégories de personnel, de tous les moyens à mettre en œuvre pour défendre le service public comptable et fiscal.

 

Glossaire de novlangue pour accompagner le changement : « géographie revisitée » ou « déconcentration de proximité » = diminution du réseau et des sites d’accueil ; « points de contact » = vrais centres (moins nombreux) et succédanée (sites d’accueil ou point mobile) …et pour faire moderne ou singer le monde des affaires, son flot d’anglicismes : « tax truck » (fiscobus), la paire inséparable « back office » et « front office », sans oublier l’inutile coworking (cotravail), etc.