GT contrôle fiscal (#1) - Pour la CFDT, la DGFiP doit retrouver une vraie culture du contrôle

Publié le 20/09/2020

Le contrôle fiscal (CF) est en proie au doute et s’interroge sur son avenir. Des inquiétudes relayées par l'alliance CFDT-CFTC Finances publiques qui a fait part du mécontentement grandissant des agents lors du dernier groupe de travail (GT) « Actualité du CF ».

Inquiétudes, doutes, incompréhensions… Le groupe de travail (GT) « Actualité du contrôle fiscal » a été l’occasion pour l'alliance CFDT-CFTC Finances publiques de se faire le porte-voix de cette situation. Et alors que la sphère du CF s’était massivement mobilisée pendant la crise, la « prime de discorde » – comme pour tous les agents des Finances publiques – ou le détournement de jours de congés cristallisent ce mécontentement. Le traitement RH post-confinement en a désabusé plus d’un.

Nous avons en outre dénoncé la « vision » du DG Jérôme Fournel et ses propos tenus dans Le Figaro du 6 juillet qui interroge le devenir de la culture du contrôle à la DGFiP quand on décline à l’envi ce mantra en parallèle de la loi ESSOC : passer d’une culture du contrôle fiscal à une culture du dialogue en amont (sic). S’il a beaucoup de mots à l’endroit des entreprises, ce sont plutôt des maux qu’éprouvent « ses » agents avec le passage de cap en deçà des 100 000 agents qui ne devrait réjouir personne (NDLR : 95 805 agents ETP fin 2022) Consternant !

En réponse aux liminaires de l’alliance CFDT-CFTC et des autres OS, le chef du contrôle fiscal Frédéric Iannucci* a affirmé être prêt à défendre « pied à pied » la communauté du contrôle fiscal (* :  il dirigeait là son premier GT et nous relevons sa qualité d’écoute ; nous remercions par ailleurs les équipes du CF pour leur travail). Il a salué la mobilisation exemplaire du CF pendant la phase COVID, et a été frappé par le nombre de volontaires pour venir en appui des autres missions sans qu’il ait été nécessaire de les y enjoindre [nous le relevions dès avril : lien vers l'article]. Cette réalité a-t-elle toutefois échappée au DG ainsi qu’à certaines directions ? Entre l’octroi erratique de la prime exceptionnelle et une gestion obscure des jours de congés conduisant à des situations de prélèvements litigieux, l’engagement a parfois un goût d'amertume.

Ensuite, Frédéric Iannucci a tenu à apporter les précisions suivantes.

« Télétravail » et prime exceptionnelle : le bureau CF s’est battu pour que les vérificateurs soient placés en « TT ». Bien que la mission CF ne fut pas prioritaire dans le PCA, le bureau a demandé l’octroi de la « prime exceptionnelle ». > CFDT : il y aurait eu un hiatus à exclure des agents qui, de fait, ont participé à des missions prioritaires. Sur la prime elle-même, elle est surtout exceptionnelle par sa mise en œuvre imbécile et les tensions qu’elle génère depuis …sans surprise.

Résultats du contrôle fiscal : M. Iannucci a logiquement tenu à défendre ces résultats. Il ne partage pas l’idée qu’ils sont en baisse, ni le constat que fait la cour des Comptes. > CFDT :  à force de modifier la prise de température, les chiffres avancés ont perdu de la crédibilité. En réalité, les résultats baissent mais, en même temps, le recouvrement est en amélioration sur un an par un changement de paradigme. C’est ce chiffre que Gérald Darmanin et le DG ont mis en lumière.

Loi ESSOC : sans surprise, M. Iannucci a indiqué que le CF marchait sur deux jambes et a rappelé que la loi fraude était le pendant de la loi ESSOC. En écho à nos propos (cf. liminaire), il a réaffirmé la confiance que le CF accorde aux agents.

Suivi de compétence : cette expérience semble mise entre parenthèse. Pour rappel, il s’agit d’un ersatz de « bilan de compétences » qui était expérimenté dans des services du CF de sept DDFiP et d’une DirCoFi. > CFDT : on ne peut qu'apprécier que ce « machin » ait du plomb dans l’aile. Probablement échafaudé par des hiérarques suspicieux, sa mise en œuvre promettait d’être kafkaïenne. Visant une fois encore les personnels du contrôle fiscal – sous couvert bien entendu de les accompagner dans leur formation, leur carrière, et cetera –, il permettait surtout à la DGFiP de ne pas offrir aux agents des Finances publiques le dispositif légal du « bilan de compétences ». C’est que ça coûte, ça, mon bon monsieur ! Nous avons dénoncé la logique, probablement pétrie de préjugés, qui prévalait à ce projet …et qui exonérait, surtout, la DGFiP de s’interroger sur : les conditions d’accès réelles aux formations en local ; les conséquences concrètes de la contraction des cours de CF en formation initiale ; l’absence de carrière « contrôle fiscal » ; etc.

- Evaluation de la fraude : un travail est toujours en cours. La cour des Comptes a demandé à la DGFiP d’organiser des contrôles aléatoires afin d'évaluer la fraude pour se conformer aux modèles d’évaluation de l’INSEE. Les premières évaluations ne porteraient que sur la TVA. > La CFDT préconisait une part d’aléatoire. Cela devrait permettre de réinvestir des secteurs d'activités ou des niveaux de chiffre d’affaires qui désintéressaient la Centrale pour des raisons statistiques.

- Fin du « verrou de Bercy » : l’administration le déplore mais rappelle la volonté politique. La transmission obligatoire des dossiers a amené à un doublement de pénalisation par rapport au verrou de Bercy (conforme aux prévisions, NDLR). Cela a pour conséquence de mal connaître le devenir de ces dossiers, car les parquets ont une marge de manœuvre importante. > CFDT : nous craignons - et l’avions dénoncé sous l’empire de Maïté Gabet – que trop de dossiers finissent avec un classement sans suite et/ou ne mobilisent trop les collègues du réseau. Il faut que tout le monde agisse de concert : justice, police judiciaire et DGFiP pour la réussite de ces dossiers.

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Sur les fiches de travail examinées :

BCR : conclusions du GT national recherche

Les éléments présentés sont issus du travail d’un GT interne au réseau qui associait des collègues de différentes structures et de différents grades aux compétences variées de la sphère du CF. Les participants ont pu échanger sur les constats (disparité d’organisation des services des recherche avec des PUC [Pôle unique de contrôle], de petites BCR à 2 ou 3 agents ; problématique des réquisitions judiciaires ; etc.), réfléchir à des pistes d’évolution, de modalités d’organisation et de structures, aux procédures, etc. Les sujets débattus ont fait l’objet d’un rapport remis fin 2019 …dont les conclusions étaient enfin dévoilées aux organisations syndicales.

En préalable, la Centrale a affirmé que rien n’était tranché et que les propositions du GT n’avaient pas encore fait l'objet d'arbitrage ...enfin presque (cf. infra). Les conclusions du GT ne seront d'ailleurs pas nécessairement les positions de CF.

Taille critique et pilotage

L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques s’interroge sur la « jauge » choisie pour définir la taille critique d’une BCR, laquelle serait …de 10 à 20 agents !

Partir de ce seuil relativement élevé n’est-il pas de nature à orienter la structuration future des BCR ? Il nous semble ainsi que sur le sujet – sensible – du pilotage et de l’organisation des BCR, les deux propositions présentées* doivent être mûrement réfléchies et amandées. L’alliance sera force de propositions (* : prolonger le pilotage fonctionnel déjà existant des DirCoFi avec des antennes départementales ou regroupement de BCR dans le chef-lieu de région et rattachement d’antennes). La nécessité d’un maillage territorial fin doit être rappelée au préalable. De fait, cela écarte pour nous des structures trop polarisées et trop peu nombreuses ne permettant pas d’avoir une couverture territoriale efficiente. Il faut tenir compte des réalités géographiques, des distances et des bassins de vie. CF admet d’ailleurs le besoin d’un ancrage territorial fort, mais veut éviter « un isolement des plus petites BCR ».

Pour l’alliance, avant d’envisager des regroupements, il faut faire un état des lieux critique du passé qui a conduit, une fois de plus, inexorablement à diminuer la taille des services, dont certaines BCR …rendant critique leur taille. Ni Bruno Parent, ni Jérôme Fournel ne nous semblent avoir beaucoup souffert devant les parlementaires à défendre annuellement les emplois de la DGFiP. Pour défendre les emplois du contrôle fiscal, « désacralisé » officiellement depuis 2016, ne fallait-il pas présenter des ratios qui justifiaient de préserver des postes pour assurer la capacité d’un taux de contrôle satisfaisant (ex. : ratio d’agents du CF / nombre d’habitants ; / nombre d’agents économiques ; / nombre de transactions commerciales ou d’échanges internationaux, etc.) et maintenir une couverture territoriale acceptable.

Ce raisonnement vaut d’autant plus pour sanctuariser les effectifs des « fiscaux » (GIR, BNEE et BNRDF) mis à disposition (MAD) du ministère de l’Intérieur (NB : lequel, redisons-le sans naïveté, n’est que trop demandeur de contributions extérieures en s’exonérant d’avoir une politique interne de recrutement et de sélection ad hoc). Cela aurait été – et serait – beaucoup plus positif et efficace dans le temps que de se plaindre du trop grand nombre de MAD, et plus grave, d’en dénigrer injustement l’efficacité comme cela l’a parfois été sans grande délicatesse.

Délai de séjour maxima appliqué aux enquêteurs : c’est non !

Pour tenter de justifier ce projet de délai de séjour, les exemples fournis laissent pantois : préfets, juges d’instruction, chefs de bureau. Mais depuis quand un contrôleur ou un inspecteur a-t-il la grille de salaires ou les perspectives de carrières de hauts fonctionnaires ? Cette mobilité est-elle au demeurant toujours un bienfait pour l’Etat ? Ce serait la première question à poser plutôt que d’établir des comparaisons sans raison !

La DG pense qu'il n'est « pas sain de rester un temps indéfini sur certain poste ». Les raisons invoquées de risques déontologiques doivent être clairement objectivées avec les organisations syndicales, et non partir de postulats ou de préjugés. Coupe-t-on le verger parce qu’une pomme est abimée ? De plus, la DGFiP qui met des moyens en termes de maîtrise des risques, d’audits et de contrôles internes n’a-t-elle pas un dispositif de surveillance très élaboré ? Le bureau CF souligne qu’un agent pourra toujours rester dans la sphère du CF, ou changer de BCR. C’est cependant oublier certaines réalités locales qui rendront cette possibilité compliquée. Le chef du CF reconnaît d’ailleurs qu'il sera difficile de rester dans le même métier dans une zone géographique définie.

Face à l’opposition ferme et unanime des OS, il nous a été précisé qu’à ce stade, la DG n'avait pas défini de durée maximale pour les BCR. Ne doutons pas que les prochains mois seront l’occasion d’avoir des échanges sur ce sujet.

NB : nous avons renouvelé notre souhait de voir s’élargir le nombre de procédures entrantes pour les enquêteurs. S’agissant du SIV (système des immatriculations des véhicules), CF discute pour un accès plus large. Nous sommes montés au créneau sur la question des cartes grises « anonymes » …et nous reviendrons sur ce sujet.

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L'examen de conformité fiscale (ECF)

Ce projet s’inscrit dans une logique d'accompagnement et de civisme fiscal et il ne s'agit pas de remplacer le travail du CF précise l’administration. Elle assure qu’il ne s’agit pas d’une externalisation du CF.

  • De quoi s’agit-il ?

Après discussions avec les experts comptables et les OGA, 10 points d'audit basiques ont été définis. Ces points sont qualifiés de « chemin d'audit ». Sa mise en œuvre entraînerait de facto une présomption de civisme fiscal sur lesdits points. L'existence de la prestation serait déclarée lors du dépôt de la déclaration fiscale.

  • La cible potentielle ?

Les petites sociétés – population est assez peu contrôlée en général – pour leur fournir une aide afin de remplir leurs formalités fiscales.

  • Les sociétés et leurs « tiers de confiance » sont-ils demandeurs ?

Né d’une volonté politique, ce projet ne semble pas recueillir l’enthousiasme. Ni les OGA, ni les commissaires aux comptes n’apparaissent très motivés par cet ECF. Seuls les experts comptables le seraient un peu plus. L’alliance s’est donc demandé ce que la DGFiP s’ingéniait à venir faire dans cette affaire ? D’autant plus que, bien sûr, les entreprises pointent le coût …et cela ne leur garantira pas une immunité de contrôle fiscal. On nous a assuré qu’il n'était en tout cas pas prévu que les points déclarés conformes ne puissent pas être de nouveau contrôlés. Une 3909 sur une société ayant eu un « ECF » devrait aussi, par exemple, pouvoir passer.

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La sortie de la crise sanitaire

Dans le laps de temps trop limité du GT, quelques échanges ont pu avoir lieu sur ce point. L’alliance CFDT-CFTC a dénoncé en liminaire certaines situations post-confinement et au cours du confinement. Nous ne sommes pas revenus sur la gestion de cette crise, qui reste parfois toujours insatisfaisante au sein de la « Maison » (décalage entre les annonces gouvernementales et la mise en œuvre des protocoles ; où était et qui étaient ceux qui avaient l’obligation d’élaborer le PCA …absent au début de la crise ? ; etc.).

S’agissant de la sortie de crise elle-même, il est clair que la sphère du CF dans son ensemble est inquiète.

L’administration estime qu’il est nécessaire d'agir en bonne intelligence avec le contribuable, dont le degré d’exigence peut être variable. CF admet qu'il sera difficile de donner une réponse globale. En local, les différences relevées d’une région à l’autre sont parfois perçues avec défiance par les agents.

On peut cependant comprendre des différences et il est impossible de lister tous les cas de figure qui se présenteront aux vérificateurs ou enquêteurs.

Naturellement, CF encourage au maximum les échanges dématérialisés de sorte à limiter les contacts. La direction admet que les instructions du 31 août ne permettent pas de régler les demandes parfois exigeantes des entreprises.

Ayant eu des remontées, CF admet, par exemple, que la soumission à une prise de température – qui n'est pas obligatoire en France – ne peut être exigé par une entreprise. CF admet qu’il faut « définir ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas ».

L’alliance demande que le message de l’administration soit celui d’une plus grande fermeté. Plus largement, cela nous amène à redire que ce n’est pas aux entreprises de fixer les conditions d’exercice des contrôles. Des représentants de l’Etat, depuis plusieurs années, ont eu tendance à accepter certains arrangements. Ainsi, en est-il quand il est accepté que des informations soient communiquées en anglais alors que la langue de la France, sauf effacement constitutionnel, est le français. Les fonctionnaires n’ont pas à être soumis à des règles ou diktats exogènes et la DG doit en être le garant.

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