Coronavirus – La solidarité des agents de la DGFiP …et la potion amère du Secrétaire d’État Olivier Dussopt

Publié le 22/04/2020 (mis à jour le 28/04/2020)

Jamais il ne sera assez rendu hommage au personnel de santé, à leur engagement et à leur abnégation sur le front sanitaire. En deuxième ligne, beaucoup de travailleurs dont les salaires ne traduisent souvent pas l’impérieuse nécessité : agriculteurs, manutentionnaires, employés de la distribution alimentaire, chauffeurs-livreurs, agents funéraires, etc.

Ce front est composé de nombreux fonctionnaires des trois versants : hospitaliers, bien sûr, territoriaux, agents de l’Etat et assimilés, qu’ils soient enseignants, militaires, cantoniers, policiers, personnels pénitentiaires, employés de mairie, douaniers ou agents des Finances publiques affectés à des missions prioritaires. Par ces quelques lignes, nous vous rendons hommage et vous remercions chaleureusement.

Les lignes qui suivent veulent, elles, modestement témoigner de la solidarité et du volontarisme de nombre de collègues qui donnent de leur temps ou apportent leur aide aux usagers, confinés ou non.

Depuis la mi-mars, des milliers d'agents des Finances publiques assurent des missions prioritaires qu’un « plan de continuité d’activité » est venu présenter : dans les trésoreries hospitalières en soutien au secteur hospitalier ; soutien aux entreprises par les services des impôts des entreprises (SIE) ; trésoreries du secteur public local pour le réglement des dépenses des collectivités, dont le traitement des agents communaux, ou le versement de « bons de secours » ; paye des agents de l’Etat et des pensions ; missions successorales et d’enregistrement ; campagne d’impôt sur le revenu par les services des impôts des particuliers (SIP) et centres d'appel.

A leur côté, bien que ne participant pas aux missions prioritaires de la DGFiP, il importait pour beaucoup de collègues de répondre présents aux besoins et exigences du pays. Par solidarité et parce que « comme fonctionnaire, c’était une évidence ! ». 

Bénévoles dans la vie ordinaire auprès de la Croix rouge, certains agents apportent leur concours à l’organisation internationale sollicitée à l’occasion de cette crise sanitaire. D’autres se mettent à disposition d’associations et répondent à la nécessité de lien social que le confinement fragilise chez certains de nos compatriotes. D’autres enfin, équipés de machines à coudre, sont venus rejoindre la cohorte d'anonymes confectionnant des masques en tissus …quand bien même nos hiérarques se convainquaient initialement de leur inutilité. Plus modestement, certains s’assurent que leurs voisins ne manquent de rien, s’occupent de parents âgés ou de personnes fragiles, font les courses pour l’immeuble, etc. Enfin, en télétravail ou en ASA (autorisation spéciale d’absence), il faut pour beaucoup s’improviser en même temps enseignant …en repensant à ses anciens instit.

Des volontaires pour renforcer les collègues

Sur le plan professionnel, de nombreux agents itinérants équipés d’ordinateurs portables, des personnels des différents pôles (PCE, PCRP) ou d’autres services, n’ont pas attendu pour se proposer en renfort des collègues des SIE. Très sollicités par le dispositif d’aide aux entreprises et notamment par les versements du Fonds de solidarité, les SIE doivent également faire face aux demandes de remboursements d’acomptes d’IS ou de crédit de TVA, de suspensions de CFE/CVAE, etc.

Pour décharger les SIE, des vérificateurs et des chefs de brigades de DIRCOFI ou de brigades départementales participent également aux relances en matière d’impôts indirects ou de prélèvements à la source (PAS), non sans succès. Par ailleurs, à la DNVI, pas moins d’une centaine d’agents et de cadres s’était manifestée auprès de leur direction courant mars et début avril. Grâce à leurs connaissances en matière de dépenses, quelques-uns ont rapidement pu renforcer des trésoreries municipales. D’autres viennent ou doivent venir en renfort des SIE. Enfin, le lancement de la campagne d’impôt sur le revenu (IR) devrait être l’occasion pour des volontaires comme Manuel*, contrôleur dans un pôle, d’appuyer les SIP via e-contacts.

Florence*, William* ou Nadia* à l’instar de nombreux enseignants de l’ENFiP, de dizaines d’agents de la DNVSF équipés d’ordinateurs portables DGFiP et de VPN ou d’autres directions se sont également portés volontaires voici quelques semaines pour la campagne IR. Le SRP (service relation public) semble avoir identifié un moindre besoin en réponses aux e-contacts et une partie des volontaires pourrait devoir prendre en charge des contribuables des centres d’appel… via les téléphones portables personnels des agents. Une situation peu appréciée de certains volontaires alors que l’administration n’a toujours pas jugé bon de doter ces fonctionnaires – fussent-ils en relation régulière avec des tiers – en téléphone mobile.

Les bonnes volontés refroidies par l’ordonnance Dussopt

Surtout, cette situation se conjugue aux annonces douces-amères du secrétaire d'Etat Olivier Dussopt (prime de 1000 € et ordonnance n°2020-430 du 15 avril 2020 relative aux jours de congés & d’ARTT, NDLR), lesquelles ont plus que refroidi les troupes et dérouté les bonnes volontés. Et on le comprend aisément.

A l’absence de reconnaissance des compétences et des investissements consentis depuis des années, à la baisse du pouvoir d’achat et au manque d’opportunités de carrière, Olivier Dussopt a ajouté le mépris de décisions RH que beaucoup jugent peu compatibles avec le sens de l’Etat. Alors que chacun avait à l’esprit les efforts à consentir pour les mois à venir pour rattraper ce qui n’avait pu être traité, l’ordonnance sur le traitement des congés et jours d’ARTT a été perçue comme un management à la schlague. Voici pour le côté pile. Côté face, la gratification par une prime de 1000 € a pris la forme d’un mauvais scénario. La déflation s’est vite abattue sur cette prime finalement évoquée comme allant « jusqu’à 1000 € ». Edulcorée, la prime est dorénavant proposée à quelques-uns au bon vouloir de quelques autres ! Dussopt et consorts ont décidé de remettre le couvert de la prime PAS. Chapeau bas aux artistes du management privé.

Des moyens pour les volontaires…

Pour faire face à la pénurie de moyens mobiles, certaines directions ont repris les ordinateurs portables d’agents nomades au profit d’agents en PCA. Volontaires pour renforcer en télétravail certaines missions, ces personnels se sont retrouvés placés en ASA. Pour autant, certains vérificateurs ont été sollicités par leurs directions pour aider aux relances sur le PAS. La loyauté des agents est sans faille, mais l’amertume est grande face au choix erratique de certaines directions, obligées, elles, de se débrouiller avec des moyens limités. A tous les niveaux, on paye cher les choix budgétaires inconséquents - ou idéologiques ? - des gouvernants successifs.

La CFDT Finances publiques estimait que l’ordonnance sur les congés et jours ARTT pouvait être attaquée. Bien que les décisions du conseil d’Etat soient très favorables à l’administration en la période, sa fédération des Finances a saisi la juridiction https://finances.cfdt.fr/portail/finance/la-cfdt-finances-saisit-le-conseil-d-etat-contre-l-ordonnance-conges/rtt-srv2_1114295. Pour la CFDT Finances publiques, les actions juridictionnelles ne doivent pas être écartées. La voie judiciaire est toujours le constat d’un échec à des actions préalables. Si un gouvernement ou une administration peut les juger inopportunes, il serait inacceptable que des mesures de rétorsion tentent de contrecarrer des actions juridiques. Dans une démocratie, cette voie reste une modalité d’action qu’un syndicat peut mener à différents niveaux. Sous couvert d’unité nationale, le « silence dans les rangs » et certaines décisions doivent être combattues.

 * : les prénoms ont été modifiés