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Contestation des avis du médecin du travail : un décret qui ne satisfait pas !

Publié le 17/05/2017

Un décret relatif aux juridictions du travail a été pris le 10 mai dernier, il traite notamment de la nouvelle voie de recours pour contester les avis du médecin du travail aux prud'hommes. Attendu et censé apporter des réponses aux nombreuses questions soulevées, le décret est loin d’atteindre cet objectif. Bien au contraire, il est à craindre qu’il ne sème encore plus la confusion. Face à cela, la Confédération se mobilise pour mettre en place une stratégie juridique en lien avec les organisations CFDT. Décret n°2017-1008 du 10.05.17

  • Rappel du contexte

Pour mémoire, la loi Travail a introduit dans le code du travail une nouvelle procédure de contestation des décisions du médecin du travail devant le conseil de prud’hommes, supprimant, par là même, celle existant jusqu’alors devant l’inspecteur du travail. Cette nouvelle procédure, décrite à l’article L.4624-7 du code du travail, consiste, pour le salarié ou l’employeur qui conteste des éléments de nature médicale, en la possibilité de saisir le conseil de prud’hommes d’une demande de désignation d’un médecin expert. Un décret du 27 décembre 2016 était quant à lui venu préciser que la formation de référé devait être saisie dans un délai de 15 jours à compter de la notification des avis, propositions écrites ou indications émis par le médecin du travail (1).

  • La remontée de difficultés par notre réseau et l’alerte auprès des autorités compétentes

Cette nouvelle voie de recours est entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Assez rapidement, nous avons été alertés par notre réseau juridique (conseillers prud’hommes et défenseurs syndicaux) des nombreuses difficultés entraînées par cette nouvelle voie de recours :

   - le conseil de prud’hommes est-il compétent pour un contentieux qui n’oppose pas directement un employeur et un salarié ?

   - la décision du médecin expert s’impose-t-elle aux conseillers prud’hommes ?

   - si c’est le salarié qui saisit, doit-il saisir à l’encontre du médecin du travail qui a pris la décision, ou bien à l’encontre de l’employeur, qui pourtant n’est pas à l’origine de la décision du médecin du travail? (2).

En outre, aucune règle en la matière n’étant prévue, il est apparu d’importantes variations sur le coût de l’expertise en fonction des conseils de prud’hommes.

Autant de questions et d’inquiétude que nous n’avons pas manqué de faire connaître à la Direction générale du travail (DGT) qui a alors décidé d’organiser une rencontre avec l’ensemble des organisations syndicales et patronales. Rencontre plutôt décevante, puisqu’à la sortie, ce fut le sentiment d’avoir pu exprimer nos inquiétudes sans pour autant avoir été entendu. La décision fut malgré tout prise au sein du ministère du travail de prendre un décret pour venir éclairer et préciser le cadre de cette nouvelle procédure. Finalement, le projet de décret soumis au Conseil supérieur de la prud'homie, puis le texte définitif pris, furent à l’image de notre rencontre à la DGT : décevant, n’apportant pas de réponses aux nombreuses questions posées.

  • Le contenu du décret : décevant

Le décret est identique au projet pour lequel le CSP avait été consulté. Voici les ajustements qu’il contient :

     - les décisions rendues le seront dans le cadre du « référé en la forme »(3),

   - les décisions rendues se substitueront «aux éléments de nature médicale qui ont justifié les avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestées»,

   - le médecin du travail ne sera pas partie à l’instance mais sera simplement «informé de la contestation». Il pourra, par ailleurs, être entendu par le médecin-expert,- 

   - le médecin inspecteur du travail ne pourra être chargé d’une consultation par la formation de référé ou par le bureau de jugement qu’après avoir effectivement désigné le médecin-expert.

  • La stratégie CFDT : faire remonter le bon dossier juridique, pour faire émerger  la meilleure solution politique

A défaut d’une intervention législative qui viendrait remédier aux différents problèmes identifiés, laquelle n’est pas d’actualité,  la CFDT doit réfléchir à la mise en place d’une stratégie pour faire bouger le cadre juridique, au besoin en usant des outils contentieux à notre disposition.

L’objectif serait d’obtenir des réponses claires et rapides quant aux questions que soulève cette nouvelle procédure : demande d’avis à la Cour de cassation, question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, plusieurs voies sont actuellement à l’étude.

Pour ce faire, nous avons besoin des remontées de terrain! Notamment lorsque, en tant que défenseur syndical, de conseiller du salarié ou encore de permanencier, les militants CFDT auraient connaissance d’un cas d'adhérent envisageant de déposer devant le conseil de prud’hommes un recours en contestation d’une décision d’un médecin du travail.

Pris en amont, le "bon dossier" pourrait être mené en coordination avec la Confédération et permettre de faire émerger une réponse juridique, qui conviendrait politiquement.  

Par ailleurs, nous sommes aussi en demande des remontées de nos conseillers prud’hommes, plus particulièrement en cas de difficulté de mise en œuvre de la nouvelle procédure. Cela nous permettra d’étoffer les échanges que nous pourrions avoir avec le ministère concerné.

N'hésitez pas à faire remonter les éléments et vos réflexions au service juridique confédéral, à l'adresse prudhommes@cfdt.fr.


(1) Pour plus de précisions quant à cette nouvelle procédure, cf Action juridique, n°229, p.152 et suivantes.
(2) En document joint, vous trouverez la liste des questions transmises à la DGT.
(3) Cf Action juridique n°226, p.86, pour plus de détail sur le référé en la forme.