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CAP 22 : un rapport dangereux

Publié le 18/07/2018

Le Figaro du 17 juillet 2018 a publié un extrait du rapport du Comité Action publique 2022 (CAP 22) non publié par le gouvernement. 

Les 22 propositions de CAP 22 identifient « les principaux verrous qui freinent la transformation publique » afin de réaliser 30 milliards d’économies à moyen terme.CAP 22 remet en cause notre modèle social, sans débat aucun. La présence de l’Etat, le sens des missions de services public ne sont pas discutées mais simplement évaluées. La question des moyens est uniquement vue sous l’angle des coûts.  

Moins d’Etat et plus d’agences

CAP 22 avance qu’un Etat moderne doit se recentrer sur son cœur de missions et confier « le recouvrement de l’impôt et le contrôle, le conseil aux entreprises, les statistiques ou les études économiques, les missions de la direction des douanes » à des agences !

Pour la CFDT Finances, cette proposition d’abandon des missions essentielles de l’Etat est dangereuse et inacceptable ! L’Etat n’est pas une start-up et le service public est le bien de ceux qui n’en ont pas ! CAP 22 a notamment oublié l’indépendance de l’INSEE vis-à-vis de Bercy et le rôle de la Douane, et ses missions de surveillance des marchandises, de protection des citoyens et de participation à la lutte anti-terroriste ! Le ministre Darmanin n’a pas jusqu’à présent donné suite à cette proposition sauf pour le recouvrement de l’impôt.

Un recouvrement unique et moins de taxes 

(économie évaluée: 1 milliard d’euros) : Le ministre Darmanin reprend la proposition de CAP 22 d'une agence de recouvrement unique pour recouvrir l’ensemble des taxes fiscales (DGFiP et Douane) et les cotisations sociales actuellement gérées par les URSSAF Il ne précise pas le statut de cette « agence », le calendrier et la profonde modification du rôle de l’Etat et de la gouvernance des organismes paritaires. Pour la CFDT Finances, les cotisations sociales ne sont pas des impôts et des taxes mais appartiennent aux salariés !

Moins de garanties

CAP 22 plaide pour « un nouveau contrat social entre l’Etat et ses collaborateurs…pour offrir la possibilité d’évolutions différenciées entre les trois Fonctions publiques ».

Les réunions sont toujours en cours au niveau de la Fonction publique. Mais la volonté du secrétaire d’Etat Dussopt de voir réduire le rôle des Commissions administratives paritaires ou de fusionner les instances CT et CHSCT va dans le sens des préconisations de CAP 22. La CFDT Finances y est opposée.

Cette proposition de CAP 22 peut signifier des avancements différenciés, des grilles différentes, une valeur du point d’indice inégale. Bref, la fin du principe d’unicité de la Fonction publique et un frein à la mobilité. La CFDT Finances y est opposée.

Quant à la mobilité des fonctionnaires, elle est déjà réelle sur la base de la loi du 3 août 2009. La dernière étude de la DGAFP en la matière prouve que les fonctionnaires d'Etat (hors enseignement) sont autant mobiles que les salariés du privé ! Quel est donc le véritable objectif de CAP 22 ? La volonté manifeste du gouvernement est-elle de mettre à mal les garanties offertes aux fonctionnaires qui ne sont que la contrepartie des obligations auxquelles ils sont soumis ?

Moins de missions

Pour CAP 22, « l’Etat doit renoncer complètement aux compétences qu’il a décentralisées ». Le ministre Bruno Le Maire a récemment déclaré aux Chambres de commerce et d’industrie que « la compétence économique régionale, c'est les régions », et donc … pas l’Etat. Aucune information sur les missions, l’organisation territoriale des services et les agents. La CFDT Finances va interpeller le ministre Bruno Le Maire sur l’avenir pour les pôles 3 E des DIRECCTE et des agents de la Direction générale des enteprises (DGE).

Moins d’impôts

CAP 22 préconise de diminuer les niches fiscales et sociales peu efficaces (exonérations, taux réduits de TVA, aides à l’innovation…) ainsi que les petites taxes « qui créent des distorsions entre secteurs ». Le ministre Darmanin a confirmé le 11 juillet la suppression de 25 petites taxes d’un montant de 400 millions d’euros. S'agissant des suppressions de petites taxes, celles-ci risquent d'avoir un impact sur nombre de services douaniers, la plupart ayant déjà été réorganisés lors des réformes précédentes... C'est le cas notamment de l'ex service de l'écotaxe à Metz.

La proposition de réduire le nombre de niches fiscales est un vieux serpent de mer : l’IGF a réalisé un rapport sur ce sujet il y a quelques années. Les niches fiscales minent l’impôt sur le revenu et sa progressivité. Mais l’enjeu économique et politique pour les différents gouvernements est de choisir les bonnes niches à supprimer au lieu de toujours en ajouter ou de commander des rapports…

Moins de contrôles

Le contrôle doit être réalisé par des fonctionnaires compétents et formés et non pas par les sociétés elles-mêmes.

La douane en est la parfaite illustration. La centralisation du dédouanement et les agréments délivrés aux opérateurs ne constituent pas un rempart à la fraude, notamment du fait des enjeux commerciaux et du contexte de concurrence mondiale. L'Union européenne qui parlait même de liquidation des droits de douane par les opérateurs (l'autoliquidation) ne souhaite visiblement plus favoriser le système, sans avoir les garanties nécessaires... 

S'agissant de la CCRF, la CFDT s’interroge sur les conditions de délégation des contrôles sanitaires à la distribution, quels contrôles sont concernés ? Qui fera ces contrôles ? Les agents de la DGCCRF toujours moins nombreux verront-ils leurs missions vendues par lot ? A ce contexte s’ajoute la baisse des subventions allouées aux associations de consommateurs votée en 2017, la CFDT constate donc que la protection économique du consommateur n’est pas la priorité du gouvernement, alors même que les citoyens sont de plus en plus soucieux sur le sujet.

Mais quelqu’un va payer...

CAP 22 veut remplacer l’usager par l’utilisateur payeur, habile métaphore pour ne pas écrire « client ». D’ailleurs cela a déjà commencé à la DGFiP avec le numéro surtaxé de renseignement fiscal. La CFDT Finances ne veut pas d’un abaissement de la qualité et du sens du service public.

 

Toutes les propositions de CAP 22 ne seront pas retenues par le gouvernement, mais le Comité a pointé les sujets et l’angle d’intervention du gouvernement.

Pour la CFDT Finances, il faut renforcer le service public !

La CFDT Finances veut que le rôle de l’Etat soit réaffirmé et ses moyens garantis. A ce titre, la CFDT Finances condamne fermement les suppressions d’emplois déjà arrêtées avant toute discussion sur les missions et dont les conséquences pour les agents en termes de conditions de travail vont être importantes. Le nombre de 4000 suppressions d’emplois (deux foix plus que la moyenne de ces quinze dernières années) est la cible du ministre Darmanin pendant le reste du quinquennat.

Les actions des services publics doivent être exercées dans un cadre d’égalité et d’impartialité tant vis-à-vis des intérêts économiques privés que des intérêts locaux. Seul l’État peut l'assurer. Ainsi, à côté notamment des missions régaliennes, les missions de contrôle et de gestion exercées par les ministères financiers n’ont pas vocation à être décentralisées ni externalisées.

Pour la CFDT Finances, il faut répondre à la demande de services publics de qualité qu’expriment les citoyens. Des réformes sont nécessaires et la question des coûts est légitime. Il convient d’assurer les meilleurs services en affectant les moyens selon les besoins de la collectivité. Mais le coût budgétaire ne peut être justement évalué que si le service attendu est véritablement rendu et si les agents disposent de moyens suffisants pour accomplir leurs missions dans de bonnes conditions de travail.

Des changements majeurs d'organisation du travail sans négociation, ni même une concertation !

Les annonces faites par le ministre de l'Action et des comptes publics le 11 juillet l'ont été sans en avoir préalablement discuté avec les organisations syndicales. Il s'est totalement affranchi de la loi du 5 juillet 2010 et a ainsi affiché son profond mépris pour les représentants du personnel.

Pour la CFDT Finances, cet état de fait est intolérable. Les représentants du personnel ont été élus par les agents pour assurer la défense de leurs intérêts.