Gestion de crise et orientations futures : la DGFiP doit tirer les bons enseignements !

Publié le 08/07/2021

Si une situation de crise permet d’identifier certains processus incontournables et les faiblesses d’une organisation, elle ne doit pas être la référence pour définir l’activité en temps ordinaire. Aussi, avant d’engager des évolutions structurelles irréversibles, l’alliance CFDT-CFTC Finances publiques a demandé lors du comité technique de réseau du 6 juillet 2021 un peu de mesure quant aux conclusions à tirer de cette période de crise.

Monsieur le Président,

Il y a un peu plus d’un an, le 18 juin 2020, se tenait un CTR qui traitait pour la première fois d’un bilan retour d’expérience sur la crise sanitaire. Beaucoup s’imaginaient alors être sortis d’affaire. L’automne qui a suivi nous a rappelé que le virus Covid 19 avait la peau dure, et qu’il fallait savoir faire preuve de réalisme et d’anticipation, tant que la population ne serait pas vaccinée à un niveau élevé. Notre déclaration liminaire du CTR du 18 juin n’a pas eu besoin d’un grand toilettage tant ce que nous avions dit garde toute sa pertinence.

Nous sommes toujours dans ce monde incertain, avec un Président qui voudrait bien avoir gagné la guerre qu’il avait déclarée en mars 2020 à cet ennemi invisible. Si ce n’est que maintenant, la présence d’un nouveau variant dénommé Delta rebat les cartes. Tout comme l’an dernier, nous assistons à un nouveau pari du Président qui préfère ouvrir les vannes sans attendre, au risque de voir poindre plus tôt que prévu une quatrième vague aux conséquences incertaines. Un rapport récent laisserait penser que les effets pourraient être similaires à ceux de l’automne dernier si la population n’atteint pas le niveau suffisant de vaccination d’ici là.

L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques ne peut donc qu’appeler à la plus grande prudence et la plus grande humilité quant aux évolutions à venir concernant la pandémie.

L’année dernière, nous voulions que soient tirées toutes les leçons de ce que nous avions vécu à la DGFiP durant le 1er confinement. Les deuxième et troisième périodes de confinement sont arrivées sans que vous n’ayez pu ou voulu tirer les enseignements de la première phase de la crise sanitaire. Désormais, il est urgent de faire un bilan exhaustif de la gestion de la crise notamment durant les périodes de confinement et dans l’hypothèse d’un nouveau rebond à l’automne.

Le bilan présenté aujourd’hui, tant sur la forme que sur le fond, nous conforte dans nos craintes car sa lecture nous fait davantage penser à un outil de communication, faisant l’impasse sur les difficultés rencontrées dans la gestion de crise durant cette période. En effet, l’intérêt de faire un bilan est aussi d’analyser toutes les difficultés rencontrées afin d’éviter qu’elles se renouvellent. Or, aucun retour d’expérience n’est fourni quant à l’impact de la crise sur l’exercice des missions et le fonctionnement de chaque type de service. C’était pourtant une de nos principales attentes dès juin 2020.

Rien de tout cela ne semble avoir été pris en compte dans votre bilan qui ne fait pas apparaître une once de début d’autocritique. L’exemple le plus parlant est le PCA de la DGFiP oublié dans les archives et redécouvert tardivement par votre intermédiaire dans sa version millésimée 2009. Cette situation nous a beaucoup choqué car un PCA à jour identifie les missions prioritaires. Il permet également aux agents, qui en ont la charge, de les exercer en période de crise, avec toutes les mesures de protection qui leur sont dues relevant de votre responsabilité d’employeur. C’est pourquoi nous ne comprenons pas pourquoi vous n’avez pas diligenté un audit interne, dès la constatation de l’absence d’un PCA actualisé au plus tard au 31 décembre 2019. Dès lors, nous exigeons l’actualisation annuelle du PCA et sa présentation en CTR. L’administration a l’obligation de s’assurer que tous les risques actuellement identifiés, comme ceux à venir, soient pris en compte.

Sur la gestion de crise en elle-même, nous n’avons toujours pas compris, depuis le printemps 2020, la stratégie de la direction générale qui, au lieu de piloter les opérations au niveau national, s’est retranchée trop souvent, au mépris de la réactivité nécessaire, sur le principe d’en déléguer la mise en œuvre au niveau des directions locales, sans imposer une pratique unifiée sur l’ensemble du territoire. Cette méthode de gestion a été source non seulement d’incompréhension et de sentiment d’injustice pour nos collègues mais aussi d’inefficacités. Les exemples ne manquent pas. Récemment encore certaines directions n’ont pas hésité à refuser de reconduire les contrats de vigiles considérant un peu vite que la crise était terminée. Or, le port du masque reste obligatoire dans les locaux de la DGFiP et il est devenu plus difficile de faire appliquer les consignes en la matière. Cette mission n’étant pas dévolue aux agents d’accueil, la DG doit rappeler aux directions locales leurs obligations en matière de respect des gestes barrières et de sécurité des agents.

Concernant plus précisément la gestion des cas Covid, votre bilan passe sous silence une gestion locale des cas contacts et des fermetures de sites, a minima peu réactive et qui a même pu déboucher sur des dépôts de plainte. A ce titre, la DG aurait dû indiquer dans son bilan le nombre de plaintes déposé dans la période. S’agissant de la situation sanitaire, le bilan aurait dû recenser le nombre cumulé d’agents touchés par le virus ainsi que le nombre de postes ou services impactés avec le nombre de jours de fermeture.

Nous avions pointé à plusieurs reprises l’absence d’anticipation de la direction générale, et de ses directions locales, en matière de développement du télétravail et des procédures de communication à distance, tant en interne qu’avec les organisations syndicales au plan local. Il reste que nos critiques d’alors sont longtemps restées d’actualité, même si nous avons pu constater une inflexion notable en matière d’équipement des personnels en ordinateur portable, avec un objectif que vous avez revu par deux fois à la hausse. Cependant, l’absence d’un pilotage national suffisamment ferme a pu conduire des directeurs locaux à s’affranchir de certaines règles. Par ailleurs, vous vous êtes refusé à généraliser les bonnes pratiques. Ainsi, par exemple, aucune politique systématique n’a été mise en place pour améliorer le quotidien des télétravailleurs - prêt de chaises ergonomiques ou d’écrans supplémentaires – matériel pourtant disponible dans les bureaux soumis à des règles d’occupation limitée durant la période écoulée depuis l’été dernier.

De plus, cette période a également mis en exergue les problématiques de réseaux de communication. Cela a pu entraîner des indisponibilités applicatives ainsi que des ralentissements fort dommageables pour les agents et les usagers. Le bilan met un voile pudique sur ce point. Or, la stratégie de la DGFiP de devenir une grande administration numérique, vantée à grands renforts de communication, devait s’accompagner d’une gestion prévisionnelle en termes de dimensionnement informatique. La crise sanitaire a pointé l’écart entre les intentions affichées de la DGFiP et les politiques mises en œuvre. Pourtant, l’importance des réseaux est essentielle dans une période où les travaux à distance constituent la part importante de l’activité. Quel est votre plan d’action à court, moyen et long terme pour répondre à la situation ?

Par ailleurs, cette période très délicate pour les encadrants aura mis en évidence des carences dans la manière d’appréhender la gestion des collectifs de travail scindés entre agents en présentiel et ceux en distanciel. Malgré les efforts intervenus en matière de formation « management » en ce début d’année, force est de constater que des marges de progrès restent encore possibles car seulement 1200 cadres ont pu bénéficier de cette formation. Sans oublier qu’au-delà de la formation, la notion de confiance dans la gestion des agents en télétravail est essentielle et que certains responsables ont visiblement encore beaucoup de progrès à faire dans ce domaine.

Malgré une crise sanitaire qui a perduré à l’automne dernier et en début d’année, vous avez en plus fait preuve d’un entêtement coupable dans la poursuite d’une réforme d’un réseau dite « de proximité » qui n’avait aucun caractère d’urgence. Notre délégation tient ici à le dénoncer fortement car vous avez alors démontré que le plus important pour la DGFiP ce n’était pas les personnels impactés déjà par la pandémie dans leur vie privée. Vous avez préféré opter à tout prix pour la recherche de gains de productivité et la réduction des charges de fonctionnement de l’État employeur. Pire, vous avez utilisé la période de crise pour persévérer dans vos réformes pendant que les esprits étaient occupés ailleurs. Pourtant, vous n’avez eu de cesse de proclamer l’importance de notre administration dans la crise et de sa capacité à répondre à la commande publique.

Le télétravail et la numérisation des processus de travail, dynamisés par la crise, ont pris une importance nouvelle dans la société d’aujourd’hui et le monde d’après ne ressemblera plus au monde d’avant-crise. Les personnels actifs du privé comme du public ont eu plus d’un an pour prendre conscience des contraintes auxquelles ils devaient quotidiennement faire face. Cette expérience du télétravail même dégradée leur a permis d’évaluer ce mode alternatif d’organisation du travail. Tout porte à croire que le niveau de télétravail devrait se stabiliser largement au-dessus de celui qui existait à la DGFiP en 2019.

Cette évolution ne doit cependant pas être le prétexte à de nouvelles économies budgétaires. Or, les récentes propositions de la ministre de la Fonction publique sont pour nous insuffisantes notamment en matière de plafond annuel. Pire, l’absence totale de rétroactivité couvrant la période durant laquelle le télétravail pouvait être subi, s’apparente à une pratique abusive.

A contrario, le développement du télétravail doit permettre d’améliorer le service public et les conditions de travail des agents.

Or, lidée pavlovienne de réduire les surfaces nous inquiète dans le contexte actuel. Vous prétendez qu’aujourd’hui la surface allouée par agent serait de 18 m² contre une norme fixée à 12 m². D’où sort ce chiffre qui tombe à pic ? Nous dénonçons cette logique infernale, qui a d’abord consisté à supprimer des m², au gré des suppressions d’emplois, et qui serait maintenant accentuée à l’occasion du développement des nouveaux modes de travail à distance. Vous devez une réponse précise aux représentants des personnels.

Si la crise sanitaire a contraint au développement du travail à distance, elle a eu des conséquences fortes sur l’organisation de la formation professionnelle qu’elle soit initiale ou continue.

La DGFiP, par l’intermédiaire de l’ENFiP, a pu assurer a minima la continuité pédagogique de la formation initiale. Ce résultat est à mettre au crédit de l’ensemble des chargés d’enseignement, des administratifs et des informaticiens qui ont montré un engagement tout particulier dans la période. Votre bilan idyllique aurait cependant du être nuancé en tenant compte des difficultés rencontrées à la fois par les stagiaires que par les enseignants.

Dans un bilan qui se doit d’être exhaustif, il aurait fallu tirer les leçons du fiasco de la formation des lauréats de l’Examen Professionnel et des promus par Liste d’Aptitude de la promotion 2020. Vous êtes muets dans votre bilan à ce sujet. Ces collègues n’ont reçu pour la plupart aucune formation métiers.

Quant à la formation continue, le bilan aurait gagné à présenter les conclusions de l’enquête menée auprès d’autres écoles ou acteurs du secteur public auxquelles vous faîtes référence.

Quoi qu’il en soit, l’alliance CFDT-CFTC Finances publiques est convaincue que le présentiel demeure incontournable dans un très grand nombre d’actions de formation initiale et continue.

L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques tient enfin à rappeler, comme lors du premier bilan discuté en CTR du 18 juin 2020, que si la DGFiP a été au rendez-vous, c’est d’abord grâce à l’engagement de nos collègues. En effet, de tous grades et à chaque niveau de notre organisation territoriale, ils ont prouvé dans la période leur attachement au service public.

Cette crise a, en outre, a mis en exergue, ne vous en déplaise, la nécessité de maintenir des services de proximité et un maillage territorial adapté. L’après-crise nécessitera également un accompagnement encore accru des contribuables, en particulier, professionnels.

Au demeurant, si une situation de crise permet d’identifier certains processus incontournables et les faiblesses d’une organisation, elle ne doit pas être la référence pour définir l’activité en temps ordinaire. Aussi, avant d’engager des évolutions structurelles irréversibles, l’alliance CFDT-CFTC Finances publiques demande un peu de mesure quant aux conclusions à tirer de cette période de crise. Mais, nous ne sommes pas dupes de votre volonté d’avancer rapidement dans certaines orientations.

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