DGFiP : encore 3000 suppressions d’emplois d’ici 2027 !

Publié le 29/09/2022

Avec la présentation du projet de loi de finances 2023 (PLF) ce 26 septembre, le directeur général adjoint (DGA) Antoine Magnant a présenté aux OS les choix budgétaires à venir et leur impact sur la DGFiP. Dans certains domaines, il y aura un peu de mieux. Mais des inquiétudes fortes perdurent et certains chiffres peuvent recouvrir des réalités bien différentes à celles affichées.

Lundi 26 septembre 2022, jour de présentation du projet de loi de finances 2023 (PLF), le directeur général adjoint (DGA) Antoine Magnant a évoqué avec les organisations syndicales les annonces budgétaires concernant la DGFiP.

Une direction générale fière d’avoir obtenu un changement de tendances

Dans ses propos introductifs, le DGA était visiblement satisfait de pouvoir nous annoncer une rupture de tendance « extrêmement forte et positive » en matière d’investissement et d’emploi avec un budget passant d’un peu plus de 1 Md € en 2022 à 1,2 Md € en 2023, montant devant ensuite être stable sur le quinquennat (NDLR : précisons que selon le PLF 2023, l'autorisation d'engagement [AE] pour la DGFiP dépasse les 8,23 Mds € sur le programme recouvrant globalement notre Administration. La hausse des crédits de paiement de fonctionnement devrait en outre être en grande partie absorbée par l’augmentation des coûts de l’énergie). Mais après avoir indiqué que le gouvernement souhaitait une stabilité de l’emploi public durant le quinquennat, le DGA a tout de suite précisé que Bercy allait demeurer le ministère exemplaire. Traduction : celui qui va encore devoir supporter la grande majorité des réductions d’emplois. Seuls les ministères considérés comme prioritaires voient leurs effectifs stabilisés ou augmentés : Intérieur, Justice, Défense et Enseignement (stable, en ratio, au regard de la diminution prévue des élèves). Evidemment, pour justifier des prochaines suppressions d'emplois, la DG met en avant de potentiels gains de productivité * sans pour autant fournir à l’appui de ses déclarations l'analyse circonstanciée et transparente réclamée systématiquement par la CFDT Finances publiques.

Sur le front de l’informatique
Plutôt que des suppressions qui fâchent, le DGA a donc préféré démarrer par les « bonnes nouvelles » en exposant la situation concernant les crédits informatiques. Pour mieux illustrer cette amélioration, le DGA a fait un historique des données de 2018 à 2022 avant de dévoiler les crédits de 2023. Pour la DGFiP, cela se traduira par une augmentation de 140 millions € par rapport à 2022, soit 450 M€ en 2023 (vs 170 M€ en 2018). Il a ajouté que ces 450 M€ devraient rester stables sur les 5 ans à venir et que pour réussir cet investissement massif, la DGFiP ferait « feu de tout bois » en utilisant toutes les possibilités existantes : solution interne, concours, contractuels ...et prestataires externes.

Selon le DGA, le très fort niveau d’investissement informatique devrait améliorer la productivité de notre administration. « Une augmentation significative des crédits informatiques à laquelle la crédibilité de la DGFiP » ne serait pas étrangère après la bonne gestion du prélèvement à la source (PAS), puis celle du Fonds de solidarité (FDS) pendant la crise sanitaire.

CFDT Finances publiques > Pendant des années, les budgets informatiques ont fait l’objet d’économies ravageuses (NDLR : -28 % entre 2010 et 2017 contre 5% en global pour le reste de la DGFiP). L’augmentation annoncée relève du rattrapage-sauvetage alors que beaucoup de projets n’en finissent pas de finir ...et que chaque annonce gouvernementale apporte son lot de digitalisation. Après une politique de serrage de ceintures puis d’à-coups budgétaires, la conduite de travaux à mener en urgence peut apporter son lot de désillusions et de dépenses mal encadrées. Compte tenu de la tension sur l’emploi en informatique, l’appel probable à la sous-traitance devra être particulièrement surveillée dans un secteur connu pour n’être pas toujours vertueux en matière fiscale et sociale. Sur les chiffres eux-mêmes, il semble difficile à manier sans en connaître la décomposition exacte. Alors que la DG annonce 450 M€ d’investissement informatique, le PLF 2023 ne prévoit que 124,43 M€ de dépenses d’investissement contre 43,33 M € en 2022 [en AE]. Quand la DG parle d'investissement informatique, elle voit large et il restera encore à connaître la répartition exacte des crédits alloués...

Et si la DG a obtenu des inflexions dans l’approche gouvernementale c’est parce que notre direction générale a su convaincre les responsables politiques que mieux dotée, « elle aurait de meilleurs résultats » (sic). Cela sera intégré dans le prochain contrat d’objectifs et de moyens (COM). En correspondance avec ses propos, le DGA a qualifié d’intangible un point : dotée de plus de moyens, la DGFiP devra « pouvoir fournir un meilleur service public ». 

Sur le front des emplois et des métiers
Selon la présentation qui nous en a été faite, la logique mise en avant est la nécessité d'investir de manière importante pour améliorer le service public ...et réinvestir dans les métiers (enfin !). La DGFiP devrait donc se « focaliser sur les métiers plus que sur l’organisation » (enfin bis !) au cours des prochaines années. A cet égard, le DGA a annoncé que des secteurs d’activité allaient faire l’objet de « réallocation » d’emplois. Notamment ceux
n’ayant pas les résultats attendus ou ceux qui se sont vus par trop dégarnis. Deux secteurs ont en particulier été cités : la publicité foncière et les amendes. Dès lors, ceux-ci devraient bénéficier de transferts d’emplois afin d’avoir de meilleurs résultats.

CFDT Finances publiques > Cette réallocation sonne comme un aveu des désastreuses décisions de nos actuels et anciens directeurs qui ont pour conséquence des allongements de traitement de dossiers sans précédent et de grandes difficultés pour les services Amendes et de la Publicité Foncière (PF). Il était en tout cas temps que la DG se réintéresse à ces services …après les avoir amputés en personnel et désorganisés. CFDT > Ce redéploiement est bienvenu pour les « Amendes » dont les services ne disposent pas d'assez de moyens. Il devrait néanmoins avoir un effet marginal sur l'emploi à la DGFiP puisque seul environ 1000 ETP sont affectés à cette mission. CFDT > Pour la PF, il s'agit également d'un renfort plus que nécessaire ...mais tardif (et malheureusement sans doute seulement transitoire), et alors que la création des SAFP localisés à Chateau-Thierry et Chateauroux peinent à faire le plein ! La conduite du dossier PF amène son lot de conséquences néfastes avérées : pour les services de l'Etat ; pour les citoyens ; pour l'image de la DGFiP. Ainsi, en l'absence d'un fichier des propriétaires immobiliers à jour, difficile de réaliser certaines opérations tant pour le notaire, que l'évaluateur des domaines, les services du cadastre ou le vérificateur, l'enquêteur et l'huissier ! Quant au contribuable, il reçoit une TF alors qu'il n'est plus propriétaire, ce qui amène un lot de récriminations, de e-contacts et d'usagers aux guichets ...dont nos hiérarques voulaient les éloigner. On continue et on recommence avec les mêmes responsables de cette incurie ?

Pour autant, la DGFiP devra supporter un total de 3000 suppressions d’emplois sur l’ensemble de la période. Entre 2018 et 2022, les lois de finances initiales oscillaient en moyenne autour de 1700 suppressions d'emplois par an avec en réalité bien souvent une surexécution de ces « objectifs ». Le PLF 2023 prévoit 850 emplois supprimés. Ensuite, un ralentissement est envisagé (mais pas un arrêt) avec un total de 450 emplois en 2024 et 2025, avant de repasser à 850 suppressions en 2026 puis 2027. Certes, on peut reconnaître un ralentissement des suppressions d’emplois. Mais outre la nécessité d’avoir plus de détails dans le PLF 2023, la CFDT Finances publiques rappelle qu'elle s'oppose à toutes nouvelles suppressions d'emplois et que de nombreuses missions en souffrance nécessitent en réalité des renforts. En outre on attendra de voir la traduction de ces annonces au niveau du prochain contrat d’objectifs et de moyens (COM).

Dans le même temps, le DGA a annoncé que les Finances publiques allaient recruter de façon très massive : de l’ordre de 4500 emplois en 2025 contre 3300 en 2021 et 2022. De façon quelque peu incantatoire, il a affirmé que « la Maison » ferait à la fois dans la quantité et la qualité …conjuguées avec l’attractivité. Un « grand défi pour la Maison » a-t-il conclu.

CFDT Finances publiques > On peut se féliciter d’un haut niveau de recrutement. Paradoxalement, on peut aussi s’en inquiéter compte tenu de la situation actuelle de l’emploi. Depuis des années, rien n’a été fait pour rendre plus attractif la fonction publique. Et les hiérarques de Bercy se retrouvent face à leur imprévoyance, eux qui croyaient « la Maison » à l’abri de la désaffection générale et balayaient d’un revers de main les inquiétudes de la CFDT et d’autres OS. Il y a de l’ordre de la quadrature du cercle à imaginer conjuguer de forts recrutements avec une sélectivité de haut niveau dans un contexte d’attractivité très relative due, entre autres, à des perspectives de carrière réduites et à un niveau de rémunération proportionnellement en berne par rapport aux équivalents salariaux dans d’autres sphères. La CFDT Finances publiques n’a pas non plus oublié ceux qui voilà quelques mois encore souhaitaient vider les écoles de leurs enseignants – de même dans des services ultra spécialisés comme la BNRDF – en limitant la durée de séjour de personnels compétents et aguerris …alors que le manque de candidats se faisait déjà jour. Et aujourd’hui, dans des écoles qui ne sont pas extensibles, il y a une difficulté à pouvoir accueillir dans de bonnes conditions les stagiaires. Qu’en sera-t-il dans deux ans ? Va-t-on vers un appel massif aux contractuels (de l’ordre de 20-25 % comme l'envisagent certains extrêmes- libéraux) ? Enfin, alors que la transmission du savoir comme le tutorat ne sont pas reconnus à leur juste valeur, la disponibilité des collègues est de plus en réduite. Qui va assurer les importants besoins en adaptation à l’emploi et en formation continue que laissent présager les recrutements futurs et l’effort numérique à venir ? Là encore, l'incurie des décideurs pèse lourd dans la balance et les suppressions d'emplois frénétiques de ces dernières années confrontent maintenant la DGFiP à un mur, alors qu'une bonne gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences aurait permis de recruter et former plus efficacement.

(* : selon le DGA, la fin de la TH et de la CAP [redevance] apportent un gain de productivité supérieur aux 850 emplois supprimés... ce faisant il omet de préciser que ces gains là ont été largement anticipé par les suppressions d’emplois de ces dernières années)