Budget DGFiP 2023 : une hausse en trompe l’œil !

Publié le 04/10/2022

La CFDT Finances publiques vous apporte son éclairage sur le « budget DGFiP » du projet de loi de finances 2023 et les annonces faites récemment.

Budget en hausse mais rémunération et carrière risquent de rester à quai

Le budget de la DGFiP est en hausse par rapport à 2022 de 8,61% (+652M€) en termes d’autorisations d’engagement (AE) à 8,23Mds€ et 5,62% (+424M€) en crédit de paiement (CP) à 8Mds€. C’est en réalité un retour à un budget similaire à celui de 2017. Les dépenses de personnel (6,76Mds€ incluant le CAS pensions) et de fonctionnement (AE : 1,34Mds€ et CP : 1,07Mds€) sont les principales dépenses budgétaires.

En AE le budget « DGFiP » représente 1,47% du budget général (1,06 % en 2022 mais avec des engagements financiers de l’État exceptionnels dans le budget général à hauteur de 165Mds€) et en CP 1,42% (1,44 % en 2022, l’impact des engagements financiers exceptionnels de l’Etat n’étant pas immédiat).

Un budget pour faire face essentiellement à la hausse des coûts de fonctionnement liée à l’inflation

Les dépenses de fonctionnement sont en hausse de 44,61% en AE (+414M€) mais de seulement 21,79% en CP (+191M€). L’augmentation du coût des consommables, et en particulier des énergies (chauffage, climatisation, serveur, activité quotidienne avec PC et éclairage, véhicules, …), est sans aucun doute la principale raison de cette forte hausse anticipée des dépenses de fonctionnement. Ainsi donc, l’augmentation globale du budget est en réalité due principalement à la hausse des dépenses de fonctionnement en grande partie due à l’inflation. Cette analyse est confortée par le rapprochement des dépenses de fonctionnement DGFiP des dépenses de fonctionnement figurant au budget global : en AE, les dépenses de fonctionnement représentent 1,8% des dépenses de fonctionnement au budget général contre 1,32% en loi de finances initiale (LFI) 2022 tandis qu’en CP, les dépenses de fonctionnement représentent 1,49% des dépenses de fonctionnement au budget général contre 1,38% en LFI 2022.

Peu d’espoir de voir nos régimes indemnitaires revalorisés

Plus inquiétante pour les agents de la DGFiP, l’évolution des dépenses de personnels ne laisse espérer que très peu de marges de négociation pour faire évoluer des régimes indemnitaires insuffisants, non revalorisés depuis 2010, et peu attractifs. Peu d’espoir également d’avoir un niveau de promotions internes à la hauteur de l’expertise et des engagements des agents de la DGFiP.

En effet, les dépenses de personnel augmenteront seulement de 2,37% et doivent couvrir la hausse du point d’indice en année pleine. Il n’y a donc pas d’effort spécifique à la DGFiP et l’analyse par rapport au budget général le confirme : les dépenses de personnel « DGFiP » représentent 4,63% des dépenses du budget général 2023 contre 4,78% des dépenses de personnel du budget général 2022 en LFI.

En réalité la DGFiP a accumulé les réductions de masse salariale d’année en année sans engager les investissements proportionnés indispensables pour assurer les gains de productivité nécessaires au maintien de l’exercice plein et entier des missions, et sans aucune reconnaissance indemnitaire significative et pérenne. En matière de rémunération le tableau montre que, sans remonter au-delà de 2017, les baisse globale de la masse salariale a permis à l’Administration d’économiser 482,5M€ sur 2018-2021 qui n’ont été que très partiellement réinvestis en particulier au travers de schémas d’emplois réduisant chaque année le volume des rémunérations de 80M€ en moyenne.

Remunerations 

Y a-t-il un espoir d’amélioration de nos conditions de travail par la hausse des investissements

Les dépenses d’investissement sont en hausse par rapport à 2022 mais cela doit être relativisé au regard de la faiblesse des investissements passés, du coût des restructurations ainsi que de la dette technique accumulée.

Les autorisations d’engagement (AE) d’investissement sont en effet en hausse de 187,17% à 124M€ et les crédits de paiement (CP) en hausse de seulement 125,29% à 136M€ par rapport à l’année 2022. La mariée apparaît belle présentée ainsi

Cependant si les dépenses d’investissement sont bien en hausse en 2023, il convient également de préciser que la fameuse dette technique n’est pas le fruit du hasard mais plutôt d’un défaut d’investissement sur la période antérieure. Les données agrégées dans le tableau suivant l’illustrent parfaitement (En réalité, le défaut d’investissement a commencé dès 2013). C’est donc bien avant tout un rattrapage qui est engagé et non un grand bond en avant comme on voudrait nous le faire croire...

Investissement 

Il faut néanmoins reconnaître un effort relatif substantiel : les AE de dépenses d’investissement octroyées à la DGFiP représentent 0,5% des dépenses d’investissement du budget général contre 0,18% en LFI2022, et en CP, les dépenses d’investissement DGFiP représentent 0,73% des dépenses d’investissement du budget général contre 0,34% en LFI2022.

 

Emplois : un léger ralentissement des suppressions d’emplois bien insuffisant

La DG a annoncé une réduction du nombre d’équivalents temps pleins (ETP) limité à 850 ETP au titre de l’exercice budgétaire 2023 (Pour les années suivantes, la DG annonce par anticipation 450 suppressions d’emplois en 2024 et 2025 puis 850 suppressions en 2026 et 2027).

Il est indubitable qu’il s’agit d’un ralentissement des suppressions d’emplois. Toutefois, il est aussi incontestable que les suppressions d’emplois vont continuer. Rappelons que 30 171 ETP ont déjà été supprimés de 2008 à 2021. En particulier sur la période 2018-2021, 7 879 ETP ont été supprimés alors même que les lois de finances initiales correspondantes prévoyaient 7 030 suppressions d’emplois : une sur-exécution de 849 ETP. Excès de zèle qui relativise le petit mieux promis pour 2023 et pour même le faire passer pour un simple « correction » des errances passées. A ce régime au 31/12/2023 la DGFiP aura perdu environ 32 527 emplois représentant plus de 27 % de ses effectifs au 01/01/2008… une vraie saignée qui avait d’ailleurs déjà commencé avant la fusion DGI-DGCP.

Emplois 

La CFDT Finances publiques rappelle son opposition à toute nouvelle suppression d’emplois alors que la DGFiP doit faire face à un accroissement de charges dû à l’amplification de certaines de ses missions historiques mais aussi au transfert de missions, en particulier des Douanes et du ministère de la Transition écologique

 

Recrutement externe : une bulle largement due à une GPEEC inexistante et des recrutements par voie de contrat dont le volume dépasse la seule « nécessité »

La DG annonce des recrutements exceptionnels de l’ordre de 4 500 emplois avec toutes les difficultés, dues au manque d’attractivité de la Fonction publique en matière de recrutement externe, mais aussi de formation initiale auxquelles il faudra faire face pour mener à bien ces recrutements.

On l’a vu, cette situation est le résultat d’une politique frénétique de suppressions d’emplois rejetant toute approche prospective pour se focaliser sur une approche budgétaire court-termiste. Avec 9 509 emplois supprimés sur la période 2017-2021 dont 849 de plus que prévus, il y avait largement de quoi anticiper.

Or, parler d’absence de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC) à la DGFiP est un doux euphémisme. On attend le mur et qui vivra verra… Résultat prévisible : un fort besoin de recrutement. Situation qui intervient alors même que la Fonction publique est dans une période de très faible attractivité et que des années d’attrition des moyens à la DGFiP conduisent à ne pas disposer d’un système de formation initiale et continue disposant de l’ensemble des moyens nécessaires.

On le voit d’ailleurs en observant les recrutements externes (hors contractuels) de la DGFiP en moyenne de 2 698 recrutements par an de 2017 à 2021 alors qu’il faudra réussir à recruter et former 4 500 nouveaux agents en 2023.

Recrutements-externes 

Pour être complet, il faut préciser que le recrutement externe a maintenant une deuxième facette que la DG utilise au-delà des engagements initiaux : les contractuels. 891 recrutement contractuels ont été effectués en 2021 d’après le rapport annuel de performance de mai 2022, soit 27 % des 3 322 recrutements réalisés en 2021 bienheureusement encore majoritairement par concours

Contractuels 

La CFDT Finances publiques condamne ce recours massif au contrat pour pourvoir des emplois dont la vocation est d’être pérennes et qui ne présentent aucune particularité pouvant justifier ce mode de recrutement exceptionnel. La DG invoque souvent des difficultés rencontrées pour pourvoir certains emplois et recruter des agents par concours. Il faut tout d’abord battre en brèche cette facilité rhétorique en rappelant que par défaut d’anticipation la DGFiP accroît les difficultés de recrutement par concours communes à l’ensemble de la Fonction publique. Elles auraient dû être mieux anticipées en recrutant progressivement au fil des ans. De plus, lorsque des difficultés locales spécifiques se font jour, la DGFiP pourrait organiser des concours nationaux à affectation locale pour pourvoir des emplois de catégories B et C, voire recruter des agents C sans concours. On est donc loin de la nécessité de recruter des contractuels et c’est bien un choix idéologique qui conduit à ces recrutements massifs et à une précarisation de l’emploi public.

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