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Loi de lutte contre la fraude : création de la Police fiscale dite « de Bercy »… mais inquiétudes pour le Contrôle fiscal

Publié le 16/10/2018 (mis à jour le 20/11/2018)

Sont-ce les prémices d’une « Guardia di Finanza » à la française auxquels on assista ce lundi 24 septembre 2018 ? Toujours est-il qu’en rétablissant l’article 1er du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, les députés ont donné corps au nouveau Service National d’Enquêtes Judiciaires en matière Douanière et Fiscale (SNdEJ-DF). Si la dénomination du « nouveau » service n’est en réalité pas encore arrêtée, « la Police de Bercy », telle qu’elle est parfois improprement nommée, sera chapeautée par un magistrat du Parquet, Nathalie Bécache, l’actuelle patronne du SNDJ.

Près de 300 agents composeront la nouvelle police judiciaire fiscale et douanière qui se substituera en 2019 au SNDJ, le service national de douane judiciaire. Actuellement composé de plus de 250 officiers de douane judiciaire (ODJ) et de personnels administratifs, le SNDJ sera donc renforcé au 1er juillet 2019 d’une trentaine d’officiers fiscaux judiciaires (OFJ). En l’occurrence, 24 inspecteurs et contrôleurs (la CFDT revendiquait la possibilité pour les « B » de devenir OFJ, en conformité avec l’article 28-2 du code de procédure pénale), 3 Idiv, 1 AFiPA et 1 AFiP. 2 personnels administratifs (C et/ou B) seront aussi recrutés.

Un recrutement élargi aux contrôleurs comme le souhaitait la CFDT

L’effectif tutoie donc l'objectif de 30 postes d’OFJ initialement annoncé et rappelé par le ministre Darmanin, notamment le 17 septembre à l’occasion des discussions devant les députés du (encore) projet de loi relatif à la lutte contre la fraude. Ce jour-là, le ministre a pu surprendre son auditoire. Se voulant sans doute moderne sur l’emploi public, « et en même temps » disruptif - selon le mot à la mode -, Gérald Darmanin a promis de recruter « notamment des agents contractuels, (…) donc recrutés ni au sein des services actuels de la DGFIP, sauf si un volontaire souhaite donner un tournant à sa carrière, ni au sein des services qui s’occupent des enquêtes douanières ou de la BNRDF ».

Il est vrai que certains parlementaires et organisations syndicales s’inquiétaient de ce prélèvement touchant à nouveau les services du contrôle fiscal. Certes, mais pour la CFDT, ceux-ci restent mineurs et sont de loin préférables à des recours externes. Gageons d’ailleurs que les mêmes « grincheux » affirment dorénavant que cet effectif est insuffisant… à juste titre au demeurant.

Finalement, et avant même que la loi ne soit définitivement votée, paraissaient le 21 septembre sur Ulysse les fiches de poste ! La plage d’appel à candidatures pour ces « vrais » fonctionnaires d’Etat s’est refermée rapidement (le 10 octobre). Le nombre de candidats pourrait être un peu en deçà de celui des 3 premières promotions d’OFJ, des A et quelques A+ recrutés depuis 2010 pour rejoindre la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), l’« historique » police fiscale placée, elle, au sein du ministère de l’Intérieur.

La BNRDF doit aussi être renforcée en 2019

Quant aux esprits chagrins qui misaient sur la fin de la BNRDF ou s’interrogeaient sur la légitimité à conserver deux services traitant de la fraude fiscale complexe (art. 1741 et 1743 CGI, et art. L 228 du LPF), ils en seront pour leur frais. La matière et les fraudeurs ne manquant pas à l’évidence pour alimenter deux services et d'autres (par exemple, DNEF et BCR dont le rôle majeur devrait être rappelé) ! La BNRDF devrait d’ailleurs être à son tour renforcée courant 2019 par les Finances publiques aux termes de discussion avec l’Intérieur, lequel devra se mobiliser de son côté pour ce type de service. Comme pour le SNdEJ-DF, les contrôleurs pourront y postuler. En outre, la CFDT a renouvelé lors du dernier GT "Actualité du Contrôle fiscal" (cf. infra, liminaire) ses revendications favorisant la nécessaire pérennisation des effectifs de la BNRDF (reconnaissance des acquis de l’expérience, valorisation de l’expertise et promotion interne en matière de GRH, etc.).

S’agissant de la nouvelle police judiciaire fiscale et douanière, certains détails restent à caler. Ainsi, l’accueil des OFJ à Ivry-sur-Seine (94), sur le plateau actuel des ODJ, qui nécessite des travaux d’extension répondant à des normes particulières de sécurité. En revanche, s’agissant de l’agenda et de la formation (effectuée à l’Ecole des Douanes de Tourcoing), on peut apprécier que les informations aient été rapidement communiquées aux postulants. De même, en matière de dotation, l’expérience de la Douane (surveillance) et du SNDJ évitera certains atermoiements et écueils connus par les OFJ de la BNRDF. Les branches Finances publiques et Douane de la CFDT, particulièrement alertées sur ces sujets seront vigilantes (NDLR : il s’agit de tout ce qui relève de l’armement, gilet pare-balles, carte professionnelle, parc automobiles, applicatifs métier, etc.). Enfin pour des raisons opérationnelles, la CFDT milite naturellement pour un renforcement progressif du service en OFJ et ODJ, mais aussi en personnel administratif.

Les Polices fiscales : deux services qui ne doivent pas masquer la situation du Contrôle fiscal

Toutefois, ce type de service n’étant qu’un maillon au service de la lutte contre la délinquance en col blanc, la CFDT revendique ne pas en faire l’arbre qui cache la forêt (cf. infra liminaire GT "Actualité du Contrôle fiscal"). Ministères et pouvoir législatif doivent prendre la mesure de la situation en matière de fraude financière et fiscale, de sa complexité, et revenir sur cette politique budgétaire court-termiste de suppression d’emplois. Car la réalité du contrôle fiscal est loin des affirmations du ministre ce même 17 septembre : « aucun poste de vérificateur fiscal n’a été supprimé, ni par le président Sarkozy, ni par le président Hollande, ni, l’année dernière, par le président Macron au cours de la première année de son quinquennat ». Une magistrale infox (NDLR : fausse nouvelle) monsieur le ministre ! Outre le fait que le Contrôle fiscal n’est plus sanctuarisé depuis plusieurs années (PCE, BCR…), les brigades de vérification sont touchées par les suppressions de postes effectuées sous forme de gel, vacances et réaffectation.

Ne pas survendre les NTIC : fouille de données (« datamining »), …

Enfin, au-delà des éléments de communication destinés à rassurer le grand public, chacun doit avoir pleine conscience que les nouvelles technologies (fouille de données, intelligence artificielle, etc.) ne se substitueront pas à l’information de terrain et au contrôle sur place. Le taux de programmation aux alentours de 15 % obtenu à partir des listes de « DM » (« Datamining » ; plus exactement du croisement de fichiers) est suffisamment éclairant pour défendre en parallèle « l’approche terrain » et non sa prochaine substitution. Attention à ne pas jouer aux apprentis-sorciers et « diseux de bonn’aventure » … sauf à prendre le risque de rendre plus ou moins « sourd et aveugle » le contrôle fiscal de proximité à l’instar des services du Renseignement il y a quelques années.

Ce que revendique la CFDT pour la Police fiscale :

Pour renforcer rapidement le SNdEJ-DF, la CFDT rappelle ses propositions exprimées lors du dernier CTR : un appel à candidature complémentaire ouvert aux personnels des Finances publiques déjà qualifiés OFJ (NDLR : des enquêteurs qui antérieurement officiaient à la BNRDF). La création d’un vivier d’OFJ apporterait de l’expérience et faciliterait l’accompagnement des nouveaux OFJ. Une solution également pour l’encadrement qui pare à certaines difficultés rencontrées. Enfin, si tous les postulants n’obtenaient malheureusement pas leur qualification d’OFJ, l’impact sur l’effectif serait moindre (NB : dans cette situation, nous demandons de créer les conditions d’une qualification « agents fiscaux judiciaires » [AFJ]). La CFDT demande également la création d’une réserve opérationnelle d’OFJ (effectuant des renforts ponctuels).

A terme, la CFDT propose enfin que les OFJ puissent postuler sur les antennes du SNDJ de province, en complément des effectifs d’ODJ.

Pour la BNRDF, outre l’assurance reçue de futurs recrutements ouverts aux contrôleurs, la CFDT réaffirme son souhait de voir créer in situ des postes d’Idiv expert ayant la qualification d’OFJ. Elle exige également l’application de la circulaire relative aux heures supplémentaires.

 

http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2017-2018-extra2/20182009.asp#P1415683

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/lutte_contre_fraude

 

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