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recouvrement forcé : un avenir dans le brouillard

Publié le 04/12/2017

La Direction Générale a réuni un groupe de travail le 30 novembre afin de discuter, avec les représentants syndicaux, d’une expérimentation et de modifications législatives visant à réformer en profondeur le recouvrement forcé.

Les actuelles difficultés du recouvrement forcé

Lors du Comité Technique de réseau de juillet, la Direction Générale avait annoncé une réflexion sur la mutualisation du recouvrement forcé. Celle-ci aurait l'avantage de mettre en commun les efforts de recherche de renseignements, l'organisation des poursuites autour d'un même redevable et non plus créance par créance. A. Le Baron, chef du service de la gestion fiscale, constate que le réseau du recouvrement forcé est très disparate, séparé entre les différents métiers/services amendes, SPL, SIP, RNF (recettes non fiscales). De plus, 50 à 60 % des contribuables sont poursuivis par plusieurs comptables. Il affirme qu'il pourrait exister « une concurrence malsaine » entre plusieurs équipes de recouvrement. En outre, la DG reconnaît que certaines trésoreries amendes sont en dessous de la taille critique pour être viables, d’où la tentation de directeurs à demander leur regroupement à un niveau supra-départemental. Ce regroupement est techniquement possible mais pas souhaité actuellement par la DG afin de préserver, dit-elle, une certaine proximité géographique des services avec le contribuable.

La CFDT se satisfait que la DG reconnaisse (enfin !!) la charge de travail difficilement soutenable imposée aux agents, notamment dans de nombreux services amendes. Pour la CFDT, le problème essentiel et la solution principale sont liés : manque d’effectifs et donc nécessaire recrutement. La CFDT souscrit également à la volonté annoncée de conserver un service public de proximité.

Cependant le bât blesse pour la CFDT quand la DG annonce une expérimentation, dès début 2018, de réorganisation du réseau : regrouper les services de recouvrement de créances certes toutes publiques, mais totalement différentes et pour des raisons avancées qui ne tiennent pas.

Modifications du cadre de travail : le minimum... légal

La DG reconnaît elle-même qu’il existe actuellement « 3 obstacles majeurs » au regroupement des services de recouvrement : les outils informatiques, le cadre législatif et l’organisation du réseau.

L’informatique : pas de retour vers le futur

Comme l’ont souligné tous les syndicats, RAR, AMD, Hélios - pour ne citer que les principales applications - sont des outils informatiques différents qui ne peuvent pas être fusionnés. La Direction Générale partage totalement ce constat technique.

Les positions divergent par contre totalement sur l’avenir informatique pour un regroupement des services de recouvrement. Pour la CFDT, une application unique est un pré-requis indispensable avant d’envisager toute modification des pratiques et du réseau. Cela avait déjà été programmé avec Copernic il y a + de 30 ans ( !!! ) alors pourquoi pas au XXIe siècle ?

Pour la DG, le recouvrement contentieux se fera avec la multiplicité actuelle des applications « encore pendant un certain temps, au moins 15 ans ». Pour la CFDT, pas besoin de se cacher derrière son petit doigt : la DG ne veut clairement pas se donner les moyens d’avoir une seule application de recouvrement forcé !!

La DG a déjà prévenu : « on travaillera à outils informatiques constants, ça générera des travaux en double sur écrans différents ». Agents du recouvrement, faites de la place sur vos bureaux ! La CFDT a pointé deux soucis de taille : la dégradation des conditions de travail des agents et le problème de crédits pour l’achat desdits écrans ! On attend encore la réponse de l’administration...

Simplification législative : adieu ATD, OTD, OA ...

La DG estime que « la multiplicité d’appellations et de procédures est source de difficultés et d’incompréhensions tant pour le redevable que pour le tiers saisi destinataire de ces actes ». Elle entend donc supprimer les ATD, OTD, OA, STD, SCS, avis de saisie pour contributions indirectes, tous remplacés par la seule Saisie A Tiers Détenteur (SATD).

Le projet de texte de la SATD sera présenté au PLFR 2017 ; il prévoit notamment de :

- créer un nouvel article L262 au livre des procédures fiscales (en remplacement des actuels L262, 263 et 263 0-A du LPF)

- prévoir que la SATD regroupe des créances de nature différentes

- porter le délai de versement des tiers détenteurs à 30 jours (avec obligation de réponse du tiers dans les conditions de l’article L 211-3 du code des procédures civiles d’exécution)

- harmoniser concomitamment les oppositions à poursuite

Ces dispositions auront vocation à entrer en vigueur au plus tard le 01/01/19.

La CFDT souscrit à la création de la SATD et à l’harmonisation du délai de versement à 30 jours, au titre de la simplification administrative pour tous. Cependant, elle est plus que circonspecte sur le regroupement sur la SATD de créances différentes (impôts, amendes, factures communales, produits divers, etc.). Où est la cohérence d’un acte unifié quand les contestations juridiques seront portées devant différents juges selon la nature de la créance (juge de l’impôt, juge de droit commun ou juge de l’exécution) ?

De plus, la CFDT ne comprend pas qu’une expérimentation soit lancée dès 2018 alors que l’outil juridique indispensable, la SATD, n’entrera en vigueur qu’en 2019 ; c’est là aussi incohérent !

2018 : une expérimentation + qu’expérimentale

Sans attendre la SATD en 2019, une expérimentation va être lancée en 2018 portant sur « la mutualisation des actions relatives au recouvrement forcé des amendes, des créances fiscales des particuliers et des créances du secteur local ».

Premier souci pour la CFDT : certains DDFIP n’ont pas attendu cette expérimentation nationale pour la faire. Ainsi dès le 1er janvier 2017, le recouvrement des impôts et amendes du 89 ont été regroupés au SIP d’Auxerre. Mais soyons rassurés, pas de souci de cohérence : le 89 va expérimenter en 2018 cette réforme qu’il a décidé seul de mettre en œuvre depuis début 2017 ! On peut augurer d’ores et déjà du bilan que fera cette direction de l’expérimentation….

Deuxième problème : le périmètre de l’expérimentation. Trois scénarios sont aujourd'hui proposés :

  •  scénario 1 : mutualisation du recouvrement forcé des amendes et créances fiscales au sein d’un SIP (à Auxerre et au Puy en Velay)
  •  scénario 2 : mutualisation du recouvrement forcé des amendes et créances hospitalières au sein d’une trésorerie mixte (à Nevers hôpital et amendes)
  •  scénario 3 : mutualisation du recouvrement forcé des amendes et créances fiscales au sein de la trésorerie amendes (dans le Cher mais le recouvrement des impôts des particulier sera limité au périmètre de la trésorerie de Sancoins). Ainsi, il y aura un nécessaire transfert de responsabilité entre les comptables.
  •  d’autres scénarios ? Oui c’est possible puisque d’autres directions pourront intégrer l’expérimentation en cours de route en septembre 2018. La candidature des Alpes-Maritimes a déjà été retenue.

On cherche la cohérence dans tout cela… et on ne la trouve décidément pas !

La CFDT a demandé le passage systématique de l’expérimentation dans les CTL, CHSCT et CTR avec des fiches d’impact exhaustives (nouvelle version promise mais toujours pas arrivée). C’est un pré-requis impérieux.

Le panel des directions choisies n’est pas du tout représentatif de l’ensemble du réseau : aucune des DDFIP expérimentatrices début 2018 ne dépasse les 500 agents (500 agents pour le 89, 350 pour le 43, 370 pour le 58, 440 pour le 18). Comment tirer des conséquences d’une telle expérimentation pour d’autres DDFIP jusqu’à 5 fois plus importantes ? D’autant que la DG sera au plus près de ces services pour que l’expérimentation se passe pour le mieux...

Il y a d’autre part « rapatriement » systématique des créances de la TCA (amendes radars) dans les directions expérimentatrices, pour « bénéficier au mieux d l’effet de la mutualisation », mais pour les créances des PRS ce sera « à la libre appréciation des directions concernées ». Étonnant cadrage de périmètre de la part de la DG ! Les agents vont être heureux aussi d’apprendre qu’une charge de travail supplémentaire va arriver de la TCA et des PRS ; à l’inverse, quel avenir pour la TCA et les PRS ?

Troisième souci pour la CFDT : la DG avance des justifications à sa volonté de regroupement de services contentieux qui ne tiennent pas au vu des contraintes concrètes dans les services.

Le regroupement des actions de recouvrement forcé est vendue par la DG comme :

  •  un « gain en lisibilité et cohérence de l’action publique pour l’usager ». Que nenni ! Il n’y en aura aucun puisque en 2018 les services expérimentateurs enverront ATD + OTD + OA etc., la saisie unique (SATD) n’entrant en vigueur qu’en 2019. Et encore, même la SATD ne sera pas le Graal puisqu’à force d’interroger l’administration, celle-ci a fini par expliquer que, concrètement, les services feront une SATD pour un type de créance puis, si celle-ci s’avère efficace, en feront une autre pour une autre créance puis une autre, etc. Il y aura donc bien un seul interlocuteur pour le contribuable mais celui-ci recevra X SATD pour X créances de X montants différents, quelles lisibilité et cohérence ! Mais il n’y aura pas de souci du coup pour les flux (Etat et SPL) sur nos comptes Banque de France, ouf on est sauvés …. ?
  •  « une mutualisation des recherches » donc un gain de temps pour les services. Que nenni ! Sans application unique, les agents devront encore encoder RAR, Hélios, AMD, RSP forcé, RTU, etc. comme l’a confirmé la DG.

 

La CFDT a également soulevé nombre de problèmes concrets qui se posent :

  •  les transferts d’emplois : aucun chiffre à ce jour,
  •  les impacts RH pour les agents ainsi restructurés : mesures pas encore connues, surtout avec le bouleversement en cours des règles de gestion 2018,
  •  la future nouvelle application amendes, telle que conçue hors de ce projet depuis plusieurs années, n’est-elle pas caduque ? Non, a répondu la DG ; Rocade (remplaçant de AMD, prévu initialement pour 2017/2018) est en phase de maîtrise d’œuvre mais pas encore de calendrier pour son déploiement,
  •  quelles créances privilégier quand un redevable en doit de diverses natures ? Il n’y aura pas de consignes de la DG, ce sera le choix du comptable.
  •  le problème des périmètres géographiques différents : une petite partie d’un département pour une trésorerie, un morceau du département pour un SIP, tout le département pour les amendes,
  •  l’intégration des flux dans les applications à des périodicités différentes (quasi continuel pour AMD et Hélios, plus périodiquement dans RAR),
  •  la place et le cadrage pour les huissiers dans cette réforme,
  •  l’impérieux besoin de donner des moyens aux services, notamment en termes de formation,
  •  le problème de bases de redevables non fiabilisées (état-civil, date de naissance),
  •  la non-généralisation de l’IUC pour l’identification des redevables. La CNIL a donné son accord pour l’’extension de l’utilisation de l’IUC mais restent les contraintes techniques, les ordonnateurs à convaincre, etc.
  •  le problème de surcharge de l’accueil (éminemment difficile pour le public amendes) et ses conséquences immobilières (accueil du personnel et du public)
  •  non harmonisation des frais bancaires (actuellement plafonnés à 10 % pour une OA, pas de réglementation pour les autres procédures)
  •  insuffisance de cette réunion pour traiter toutes les questions. La CFDT a donc demandé la tenue d’autres GT ; ce sera le cas mi-2018 afin d’effectuer un point d’étape.

Suite à nos diverses interpellations, la DG l’a reconnu en séance : « nous n’avons pas les réponses à toutes les questions, c’est cette expérimentation qui doit essayer d’apporter les réponses, l’expérimentation va dire quels sont les pré-requis techniques nécessaires ». Pour la CFDT, c’est donc purement et simplement prendre les agents pour des cobayes qui devront avancer en réfléchissant ! C’est inacceptable pour leurs conditions de vie au travail !

Quel avenir pour les services de recouvrement forcé ?

L’expérimentation étant déjà une intense nébuleuse, que dire de l’avenir post-expérimentation ? La DG s’est voulue rassurante : le but n’est pas de réduire encore les effectifs, ni d’enlever des missions, ni de perdre en proximité pour le contribuable.

Avec la perspective de CAP 2022 et des dizaines de milliers de suppressions d’emplois à venir, la CFDT en doute !

Pour nos collègues des services, on craint que leur avenir ne rime avec restructurations (et fermeture de la TCA?), polyvalence à outrance, double voire triple écran, bref dégradation des conditions de travail.

Une lueur peut-être dans tout ce brouillard : la DG envisage l’idée que l’expérimentation ne soit pas une réussite et qu’elle ne soit donc pas généralisée … 

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