Contrôle fiscal - La DGFIP tente-t-elle de se désengager de la BNRDF ?

Publié le 17/09/2020

Derrière les discours sur la lutte contre la fraude, certains faits inquiétent. Un article du Canard Enchainé du 16/09 relate que la DGFiP envisagerait de rappeler une dizaine d'inspecteurs des Finances publiques expérimentés de la BNRDF. En cause, l'application d'un délai de séjour maxima qui pourraient se développer dans la sphère du Contrôle fiscal (voir ci-dessous). Le 9 septembre, en groupe de travail, la CFDT Finances publiques a dénoncé ce projet sur lequel la DGFiP avance ...masquée.

Dernièrement, des agents du fisc de la BNDRF (brigade nationale de répression de la délinquance fiscale) ont appris qu’ils seraient appelés sous d’autres cieux d'ici 2022.

La vingtaine d’enquêteurs des Finances publiques – tous qualifiés officiers fiscaux judiciaires (OFJ) – est essentielle pour qu’aboutissent les enquêtes de délinquance fiscale. Or, si nombre d’OFJ voit leur « mise à disposition » à la BNRDF (ministère de l’Intérieur) prendre fin d’ici 2 ans, les dossiers confiés, entre autres, par le parquet national financier (PNF) vont lourdement en pâtir. Ce sera un nouveau recul dans la lutte contre la fraude fiscale.

Or, un tel service n’a pas de viabilité sans pérennité ni stabilité de ses effectifs ! Les enquêtes de « police fiscale » sont complexes et souvent chronophages. Elles nécessitent de connaître la législation fiscale, le droit pénal, la procédure pénale et les institutions judiciaires et administratives. Elles nécessitent aussi de plonger dans le maquis des conventions internationales et de mettre en œuvre des techniques d’enquête particulières.

Tous les spécialistes et experts de la délinquance financière et fiscale en conviendront unanimement (magistrats, policiers, gendarmes, douaniers, auxiliaires de justice, etc.) : ces fonctionnaires aux compétences variées sont loin d’être légion. Après une formation ad hoc – couteuse et exigeante –, l’expérience des OFJ se parfait à chaque enquête. Chacun le comprendra ! Et ce qui est vrai pour les OFJ, l'est aussi pour les enquêteurs et les vérificateurs (voir ci-dessous).

Limiter la durée d'exercice des OFJ serait une décision mortifère. Les deux ministères doivent s’entendre pour améliorer la situation des personnels – tous les personnels – et amener pérennité et sérénité dans le service. En la matière, chacun devra avancer dans le même sens.

La CFDT Finances publiques a déjà saisi Olivier Dussopt la semaine dernière sur la question des durées maximales de séjour. La fédération CFDT Finances interpelle dorénavant publiquement le ministre sur la question des OFJ.

La fraude fiscale progresse et s’internationalise. Elle nécessite des moyens adaptés et un renforcement de tous les services d'enquête de la DGFiP.

En amont du lancement du service d’enquêtes judiciaires des Finances (SEJF, l’autre unité traitant notamment de délinquance fiscale), le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, dorénavant lcoataire de Beauvau, avait pris divers engagements, dont celui-ci : « la DGFiP continuera à alimenter la BNRDF en OFJ » *. Pour que cela soit vrai, il faudra recruter et permettre l'indispensable partage d’expérience et tuilage ...en ne déstructurant pas en amont l’unité de certains agents expérimentés !

La BNDRF et le SEJF sont complémentaires dans la lutte contre la délinquance …et seule la fraude fiscale sortira vainqueur de l’affaiblissement d’un des deux services.

Quoi qu’il en soit, on peut craindre qu'en rapatriant à Bercy des OFJ de la BNDRF, il ne soit plus possible d’assumer la charge des enquêtes et que beaucoup de policiers soient amenés à partir. Il ne faut pas que cette unité soit condamnée à vivoter comme d’autres services de police judiciaire sur lequel à la main ...le ministère de l’Intérieur. Un rapport de la cour des Comptes consacré aux moyens consacré à la luttre contre la délinquance économique et financière a tiré la sonnette d'alarme. Beauvau, prompt à réclamer du personnel à l’extérieur de son ministère, devra avancer pour maintenir et renforcer certains de ces services spécialisés …et le cas échéant, avoir la capacité de rendre la pareille à d’autres administrations.

Ce qui pourrait advenir en matière de durée de séjour maximale des OFJ de la BNRDF pourrait l’être pour le Contrôle fiscal et plus encore pour les agents des services d’enquête DGFiP (DNEF, BCR…) et pour les « fiscaux » placés dans les GIR, la BNEE, Tracfin et le SEJF. Le groupe de travail (GT) « Actualité du contrôle fiscal » du 9/09 a permis à la CFDT Finances publiques de lever un coin du voile sur ce point qui n’avait pas été évoqué à l'occasion du GT consacré aux LDG (lignes directrices de gestion) de la veille. Seuls – et c'est déjà trop – les enseignants de l'ENFiP et les chefs de bureau de la Centrale étaient visés. Dans tous cas, la CFDT Finances publiques s'oppose à ce projet dont le bien-fondé n'est étayé par aucun élément objectif. Postulats, préjugés et parallèles discutables avec les délais de séjour des ....hauts fonctionnaires semblent en être les fondements.  

Depuis des années, la CFDT Finances publiques demande une politique volontariste en matière de contrôle fiscal et des mesures RH adaptées. Il est temps d'avancer !

(* : réponse écrite à la sénatrice Nathalie Delattre, JO Sénat du 4/04/2019)