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Opération déminage du ministre : personne n’est dupe !

Publié le 10/09/2019

D'un rythme annuel d'environ 1633 emplois supprimés, la contribution annuelle de la DGFiP s'établira à 1500 en 2020, 1800 en 2021 et 1600 en 2022 selon le courrier ministériel en date du 4 septembre adressé aux agents de notre administration.

Pourquoi une telle inflexion ministérielle ?

 

 

 

D'un rythme annuel d'environ 1633 emplois supprimés, la contribution annuelle de la DGFiP s'établira à 1500 en 2020, 1800 en 2021 et 1600 en 2022 selon le courrier ministériel en date du 4 septembre adressé aux agents de notre administration.

Le ministre semble sous-entendre que les OS avaient formulé des prévisions irréalistes et alarmistes quand elles annonçaient un rythme annuel plus proche des 4 000 suppressions d’emplois pour les moins pessimistes.

Nous étions pourtant cohérents suite aux propos du Premier ministre réaffirmant, encore au printemps dernier, que les effectifs de la fonction publique d'Etat devaient diminuer de 50 000 agents d'ici la fin du quinquennat. D’autant plus cohérents, que le précédent directeur général des Finances publiques n’avait pas fait mystère de cet accroissement des réductions d’emplois.  Cohérents aussi, car la DGFiP toujours « bonne élève », et souvent première contributrice des suppressions d'emplois dans la sphère publique civile, avec des projections de départs en retraite très élevées d'ici 2022 parmi son personnel, était le candidat idéal pour absorber une large part des réductions d’emplois dans la Fonction publique d’Etat.

Pour la CFDT Finances publiques, le nombre de suppressions d'emplois affiché à la DGFiP est aussi un gros mensonge ministériel. En effet, nul ne peut ignorer, et surtout pas le ministre de l’Action et des Comptes publics, que dans ce même calendrier il va transférer des missions de recouvrement de la DGDDI à la DGFiP sans la totalité des emplois attachés à la mission. Ce tour de passe-passe constitue donc bel et bien pour la DGFiP une suppression d'emplois à supporter sur ses missions actuelles sans le dire.

Pourquoi l'affichage d'une telle inflexion ministérielle ?

Le ministre a engagé plusieurs chantiers de réformes de la DGFiP (nouveau réseau de proximité - NRP, réformes du recouvrement, du cadastre, de la publicité foncière, du contrôle fiscal etc.) et il a besoin d’une administration qui fonctionne avec un minimum de sérénité pour pouvoir démontrer son savoir-faire et la justesse de ses choix. Or, tant la mobilisation des agents que les résultats catastrophiques du baromètre social, lui ont démontré que la situation à la DGFiP est plus que dégradée, en particulier à cause des restructurations et des suppressions d’emplois.

En outre, pour convaincre les élus locaux que le NRP n’est pas un abandon pur et simple des élus et usagers des zones rurales, il est  maintenant contraint de démontrer qu’il est en capacité de mobiliser des moyens humains et budgétaires, au moins temporairement.

C’est pour ces raisons que le ministre a évolué sur le volume d’emploi supprimé.

Mais l’inflexion demeure bien marginale par rapport à la saignée opérée sur les effectifs de la DGFiP depuis 15 ans (cf. notre article[1] « La DGFiP réservoir épuisé des suppressions d’emplois »). Pour justifier ces 4900 suppressions d’emplois (sans compter les transferts de charges prévus sans transferts d’emplois) nous avons droit encore à l’argumentaire éculé d’une simplification des tâches grâce aux nouvelles technologies censées pouvoir remplacer l’humain au quotidien, ou encore les économies d’emploi présumées réalisées avec le prélèvement à la source hier et la réduction du nombre de déclarations de revenu à traiter l’an prochain, ou, plus tard, la suppression totale de la TH. On constatera toutefois que, comme d’habitude, le Ministre et la DGFiP annoncent des gains en termes d’ETP sans apporter la moindre preuve des propos tenus. Argument d’autorité ferait-il loi à la DGFiP, administration pourtant technicienne et experte en calculs savants ?

Personne n’est dupe !

Si le ministre s'est adressé directement aux personnels en lieu et place du DG le 5 septembre, c'est bien pour enrayer le mouvement de protestation en cours des personnels de la DGFiP profondément inquiets des conséquences des réformes engagées pour la fin du quinquennat.

Il y a fort à parier que la prochaine communication ministérielle va consister à enrayer la fronde des élus locaux largement exprimée par l'AMRF (Association des Maires Ruraux de France) au début de l'été.

La prochaine diffusion des projets de carte d'implantation des services, deuxième version, qui devrait intervenir après la réunion des n°1 du 9 septembre, sera certainement destinée à rassurer les élus inquiets de la progression de la désertification des zones rurales et périurbaines en matière de services publics de proximité.

La CFDT Finances publiques s'inquiète aussi qu'aucune des projections de la DGFiP n'intègre la prise en charge du recouvrement de la DGDDI qui aura pourtant bien lieu dans le calendrier de la réforme annoncée.

Pour autant, ces inflexions ou évolutions ne feront pas disparaître les profondes inquiétudes des personnels de la DGFiP qui voient à terme leur avenir professionnel et familial très largement impacté par les réformes engagées, a fortiori, dans un contexte de suppressions d’emplois ininterrompues depuis plus de 20 ans dans le périmètre de Bercy, et qui devraient pourtant se poursuivre.

Inquiétudes que la loi de transformation de la Fonction publique rend plus que plausibles. Car dorénavant, au regard des dispositions des articles 75 et 76 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019[2], on pourra aisément décorréler les suppressions d’emplois des départs en retraite, organiser des transferts d’emplois d’une administration à l’autre, voire d’une administration vers un opérateur privé, ou encore proposer une reconversion dans le secteur privé aux agents ne trouvant pas de postes vacants.

Les cadres se retrouvent dans une position de plus en plus difficile au fil des années. Des injonctions contradictoires à mettre en œuvre, des services en difficulté à gérer, des agents en souffrance à encadre et accompagner au quotidien. Soumis à une forte pression descendante, attachés à la bonne marche de leurs missions et respectueux d’une légitime loyauté à l’égard de leur hiérarchie et de leurs collaborateurs, les cadres, quel que soit leur niveau de responsabilité, se retrouvent maintenant écrasés entre le marteau et l’enclume.

Chargés de mettre en œuvre des choix directionnels, parfois encore plus exigeants que les choix ministériels, en matière de réorganisation de services ou procédures, pas toujours justifiés, les cadres ont par ailleurs le sentiment que leurs efforts ne sont pas payés de retours. En effet, les années passant, les taux de promotion n’ont fait que se dégrader. D’ailleurs, existe-t-il encore un plan de qualification ministériel ?

Il est désormais bien loin le temps ou le 1er DG de notre administration des finances publiques déclarait haut et fort que « la lumière devait toujours briller au fond du couloir ». Le couloir est devenu un tunnel sans fin.

Que dire également des affirmations du ministre lorsqu’il évoque la création de nouveaux postes responsabilisants sans plus de précisions ? Il est grand temps d’être plus concrets vis-à-vis des collègues cadres de plus en plus désabusés et démotivés.

Personne n’est dupe parmi nos collègues à la lecture du courrier ministériel. L’opération « déminage » a bel et bien débuté et elle comportera son lot de propagande, de demi-vérités et de mensonges !

La CFDT Finances publiques continuera d’exiger des réponses à la hauteur des besoins exprimés par les personnels de la DGFiP, en particulier, pour ses cadres.

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