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Automatisation de la déclaration de l'IR : simplification annoncée pour beaucoup de complications

Publié le 11/03/2020

Le 03 mars 2020, s'est tenu un groupe de travail sur l'automatisation de la déclaration pour 12 millions de contribuables dès la campagne 2020.

Qu'est-ce que cela implique pour le contribuable ? Pour les services ?

Voici quelques réponses...

Le groupe de travail du 03 mars 2020 était consacré au nouveau dispositif de déclaration automatique effectif pour la prochaine campagne et est revenu sur la réforme du PAS qui arrive dans sa première année pleine de fonctionnement.

La déclaration automatique va permettre à 12 millions de contribuables dont les revenus sont stables d’une année sur l’autre, d’accepter tacitement les montants reportés par la DGFiP sur leur déclaration. Si aucun changement n’est intervenu en 2019, le contribuable n’aura plus à signer et à renvoyer sa déclaration papier ou à signer électroniquement sa e-déclaration. Sans manifestation de sa part pendant la campagne, la déclaration sera considéré comme déposée sans modification.

 

Une simplification donc pour les usagers !

 

Pas si sûr ! En tout cas, sûrement pas pour les agents de la DGFiP.

 

Si des impacts positifs sont avancés par l’administration :

  • les agents devraient ainsi bénéficier d’une baisse de la charge de travail grâce à la diminution des saisies de déclarations ou encore grâce à l’allègement du processus de relance
  • les défaillants seraient désormais taxés automatiquement ;
  • la vie des usagers s’en retrouverait simplifiée

 

… des points de vigilance existent et sont reconnus par l’administration :

  • une contrainte de temps est identifiée : toutes les déclarations automatiques, modifiées ou non, seront taxées pour la deuxième émission IR, soit au mois de juillet. Une course contre la montre pour les agents, car les déclarations modifiées qui n’auront pas été retraitées par les service dans les délais, seront automatiquement taxées sur la base de la déclaration originale. A la clé : des taxations erronées qui généreront nombre de contentieux et une charge de travail supplémentaire pour des services déjà engorgés !
  • Le contribuable doit continuer de vérifier les informations portées sur la déclaration automatique. Un risque de désintéressement de l’usager pour la « chose » fiscale est forte.

 

A ces points de vigilance, l’alliance CFDT-CFTC en identifie quelques autres.

 

Le premier est la certitude d’une affluence supplémentaire dans les services d’accueil déjà saturés par la gestion du prélèvement à la source ; et cela, à l’heure où l’on nous prédit bien moins de réceptions !!!!!

 

L’alliance CFDT-CFTC, déplore la mise en place précipitée de cette déclaration automatique alors même que la réforme du prélèvement n’est pas entièrement digérée par les contribuables. Le télescopage de deux chamboulements fiscaux qui affectent l’appréhension de l’impôt sur le revenu n’est absolument pas judicieux dans le contexte de réduction des effectifs qui caractérise la DGFiP depuis des années.

 

Le second concerne les Services Impôts des Particuliers qui seront fortement impactés par le retraitement des déclarations automatiques qui porteront des modifications.

 

La gestion des changements d’adresse questionne également. Que faire quand un contribuable éligible à la déclaration automatique et qui a déménagé sans en aviser la DGFiP, ne se manifeste pas pendant la campagne ? Il sera considéré non comme défaillant, mais ayant tacitement validé sa déclaration avec une adresse erronée. Si cette même adresse correspond alors à un autre contribuable dûment identifié, comment sera gérée la Taxe d’Habitation ? Car si il y a cumul des revenus des deux contribuables associés au local, il y aura potentiellement taxation. Qui sera redevable ? Comment retiré du local le contribuable qui n’y est plus si il ne se manifeste pas ?

 

Sur ce sujet TH en particulier, l’administration n’a pas su nous répondre et nous attendons donc des éclaircissements ! Il est vraiment dommage que la DGFiP, qui a pris l’attache des usagers pour concevoir la déclaration automatique, n’ait pas eu la même présence d’esprit en intégrant les agents de la DGFiP à la réflexion. Des points techniques, tels que celui de la TH, auraient ainsi été étudiés et surtout la maquette des déclarations automatiques papier et en ligne, auraient bénéficié de l’expérience des agents sur ce que les usagers s’attendent à trouver sur leur déclaration.

 

Parmi les points de vigilance qu’il convient également de noter, le rôle actif d’une grande partie des contribuables disparaît et nous nous interrogeons sur la perception que pourraient avoir les français sur l’impôt. La déclaration automatique déresponsabilise nos concitoyens d’autant plus qu’à partir de la prochaine campagne, il ne sera plus possible pour les usagers d’opter pour une déclaration papier. Cette option ne sera disponible qu’auprès d’un agent DGFiP alors que jusqu’à présent les contribuables avaient la main. Pourquoi ne pas laisser cette possibilité d’opter pour une déclaration papier aux contribuables et aux agents ? La question a été posée et attend une réponse de l’administration.

 

Enfin, la déclaration automatique va permettre au contribuable de modifier le montant de ses revenus ainsi que le montant des sommes prélevées au titre du PAS. Le système ne pouvant être totalement verrouillé afin de ne pas rajouter encore des flux importants dans les accueils, des contrôle à la saisie sont prévus : chaque catégorie de revenus sera détaillée et pourra être modifiée ou supprimée, De nouveaux revenus pourront également être rajoutés. Une telle possibilité laissée à l’usager intensifiera d’emblée les contrôles dans les services. Comment et par qui ? Nous n’avons pas eu la réponse.

 

Le PAS

 

La réforme du prélèvement à la source est en filigrane de ce groupe de travail puisque la déclaration automatique reprend les éléments du PAS : impôt avant crédit d’impôt, crédits d’impôt, impôt net, retenues à la source déjà payées, avances perçues sur réduction et crédits d’impôt, acompte de prélèvement à la source déjà payé, taux de prélèvement du foyer ou individualisé.

 

Ces éléments repris dans la déclaration automatique et notamment le montant restant à payer, susciteront vraisemblablement de vives réactions aux usagers. En septembre, le reste à payer de l’impôt 2019 sera prélevé en une ou quatre fois selon qu’il sera inférieur à 300 euros ou non. Ce prélèvement ne sera bien entendu effectif que si un RIB est connu sinon les paiements traditionnels seront conservés avec quand même une bonne nouvelle : aucune pénalité pour non paiement dématérialisé ne sera appliquée ! Quoiqu’il en soit, les collègues peuvent se préparer à des réceptions houleuses pour un impôt censé avoir été payé sur l’année en cours !!!

 

La énième nouveauté de l’année sera le paiement de son impôt chez son buraliste.

 

Nous l’avons compris, la réforme du PAS n’est pas encore absorbée : ce n’est qu’à la fin de l’année qu’un premier bilan pourra être établi.

 

Cela augure donc encore une année chargée en question sur le PAS.

 

Et la suite

 

 

Les attentes des usagers évoluent : avec la déclaration automatique l’objectif est de maximiser les situations où l’usager n’a plus rien à corriger. A ce jour, certains revenus ou charges ne sont pas encore intégrés automatiquement :

  • les revenus fonciers ; mais tout intermédiaire telles les agences immobilières ou les notaires par exemple, pourrait fournir les informations ;
  • les pensions alimentaires ; mais avec l’intermédiation de leur versement par les Caisses d’Allocations Familiales, la récupération automatique des données serait envisageable ;
  • les charges ouvrant droit à réduction ou à crédit d’impôt ; deux pistes existent. La première est de savoir si le crédit d’impôt ne peut pas être supprimé, c’est le cas avec le CITE qui n’est pas à proprement parlé « fiscal » mais une aide à l’investissement et qui prend désormais la forme d’une prime versée par l’ANAH. La deuxième piste est d’intégrer automatiquement l’information génératrice de crédit ou de réduction d’impôt à la déclaration : par exemple, pour les dons ce seraient les organisme récepteurs du don qui fournirait l’information.

Tous les efforts sont donc tournés vers des déclarations pré-remplies les plus complètes possibles. Le but recherché : éviter à l’usager la moindre démarche ? Une omniscience de l’État qui sait tout ? La fin d’un service public qui accueille le public ?

Chacun se fera sa propre opinion.

En tout cas, si ce groupe de travail n’était pas un groupe de travail de concertation, ce qu’a reconnue l’administration, il est le début d’une série de rencontres axées sur les missions des SIP et peut-être cela apportera-t-il quelques réponses...

 

Des groupes de travail sont ainsi déjà annoncés : le premier sur le recouvrement forcé en fin de premier trimestre et un deuxième sur le processus TH à l’automne. Rendez-vous est donc pris.