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Mise en œuvre du Guichet unique électronique à l’INPI : face aux risques, la CFDT agit

Publié le 17/02/2021

Le gouvernement a confié à l’INPI le rôle de guichet unique des entreprises sans prévoir les emplois correspondants. La CFDT Made inPI a du s’adresser aux parlementaires pour faire bouger le dossier. 

Disposition phare de la loi PACTE pour simplifier la vie des entreprises, le Guichet unique électronique (GU) a pour ambition de dématérialiser l’ensemble des formalités que les entreprises sont tenues d’accomplir et d’être l’interface unique avec les organismes destinataires (INSEE, services fiscaux, URSSAF…).

Après plusieurs mois de discussions et un arbitrage du Premier ministre, c’est avec un décret daté du 30 juillet 2020 que le gouvernement a entériné le choix de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) pour porter ce vaste projet en positionnant l’établissement comme un acteur central pour l’économie du pays.

Un projet mal préparé ?

Très rapidement, après que la décision a été connue au cours du premier trimestre 2020, la CFDT a fait part de son inquiétude quant au manque d’information sur la mise en œuvre du projet et sur les ressources humaines et financières qui allaient être affectées. Il s’agit pourtant de remplacer à l’horizon 2023 les 1400 Centres de Formalités des Entreprises (CFE) existants sur le territoire et d’absorber 4 millions de formalités annuelles dans un domaine éloigné du cœur de métier de l’INPI !

Pour pallier l’opacité de la situation, la section CFDT de l’INPI, avec l’appui du SPACEFF et de la Fédération des Finances, a contacté dès le mois de juin la tutelle de l’établissement. Malheureusement, l’absence de réponses concrètes de sa part a incité le syndicat à solliciter le Chef de la mission interministérielle en charge de ces deux projets. La rencontre, qui s’est tenue le 18 septembre, a confirmé que le sujet des moyens à mettre en œuvre n’avait absolument pas été pris en compte, notamment en matière d’effectifs, sachant que la direction générale de l’INPI n’avait pas, de son côté, été en mesure d’obtenir des garanties de la part de Bercy.

La Direction générale de l’établissement ayant prouvé par le passé qu’elle savait gérer « avec les moyens du bord » au détriment des agents et de leurs conditions de travail, la section CFDT made: InPi a décidé de s’adresser directement aux parlementaires, avec l’appui du SPACEFF. L’objectif ? Tenter d’alerter la représentation nationale sur le risque d’échec d’un projet présenté comme majeur et, si possible, influer sur le texte du Projet de Loi de Finance (PLF2021) qui allait entrer en première lecture à l’automne 2020, en tentant de faire relever le plafond d’emplois de l’INPI.

PLF2021, la mauvaise surprise

Mais ce projet de loi réservait son lot de surprises ! Non seulement le plafond d’emplois de l’INPI n’est pas relevé, confirmant ainsi les craintes de la CFDT, mais le gouvernement en profite pour introduire un plafonnement des ressources de l’INPI. Cette disposition, vieux serpent de mer plusieurs fois repoussé dans le passé, est une conséquence malheureuse de l’impéritie des directions générales de l’INPI, régulièrement dénoncée par la CFDT mais aussi par la Cour des Comptes, même si certaines de ses conclusions peuvent parfois être sujettes à discussion.

Le problème ? Ce mécanisme de « plafond mordant », déjà contestable en soi, s’appuie sur une méconnaissance du fonctionnement de l’INPI ! En effet, l’INPI, dont la rémunération est proportionnelle à son activité et correspond à un service rendu, collecte et sera amené à collecter dans le cadre du Guichet unique des redevances qui sont ensuite reversées à différents organismes en charge des formalités accomplies. Complètement oubliées par Bercy, ces sommes, qui ne font que transiter par l’INPI, avaient été prises en compte dans le calcul du plafond…

La CFDT intervient auprès du Parlement

Face à la passivité de sa direction et à la fin de non-recevoir de Bercy, la CFDT a décidé d’alerter les parlementaires qui allaient discuter du projet de loi. Des dossiers présentant, chiffres à l’appui, les risques liés à une mauvaise préparation du projet et avec une analyse critique des différents rapports parlementaires produits pour la mise en œuvre de la loi PACTE ont été transmis aux différents groupes parlementaires républicains composant l’Assemblée Nationale et le Sénat.

Il faut croire que les arguments développés étaient suffisamment précis car ils ont permis d’initier plusieurs contacts et rendez-vous avec des députés qui se sont rapidement emparés du sujet. Entre octobre et décembre, ce travail de fond de la section CFDT, a abouti au dépôt de plusieurs propositions d’amendement par des députés issus des groupes composant la majorité actuelle (AGIR, MoDem, LREM) et à plusieurs interventions de leur part auprès des cabinets ministériels, mais aussi dans l’hémicycle. Jamais on n’aura autant parlé de l’INPI en séance publique !

C’est à la mi-décembre que le dernier acte s’est joué avec une inflexion notable du gouvernement. S’il est resté sur sa position concernant le plafond de ressources, deux avancées majeures ont été obtenues : l’inscription dans le Code de la Propriété Intellectuelle de l’exclusion du plafond des recettes perçues pour des organismes tiers et la possibilité pour l’établissement de puiser dans sa trésorerie pour équilibrer ses dépenses de fonctionnement, évitant ainsi le risque pour les agents de subir un manque de moyens qui n’aurait pas manqué d’arriver.

Concernant les emplois, le match n’est pas terminé

Si la CFDT peut se satisfaire de cette première victoire, le sujet des moyens humains n’a pu être réglé. La faute à certaines limites en matière d’initiative parlementaire concernant le vote du budget et à un calendrier parlementaire très contraint. Pour autant, les échanges constructifs qui perdurent encore aujourd’hui avec les parlementaires pourront permettre d’influer sur les discussions à venir au cours du Projet de Loi de finances rectificative et du PLF2022. La conclusion est laissée à Mme Lise Magnier, députée de la Marne :

« Je veux d’abord dire ma satisfaction que nous ayons avancé concernant l’INPI car il s’agit d’un sujet important. Nous devons lui garantir les moyens d’assurer ses missions. Monsieur le ministre délégué, j’en profite pour vous alerter sur la question du plafond des emplois de l’INPI. Celui-ci souhaite recruter des personnels supplémentaires, en particulier pour la mise en place du guichet unique des entreprises. […] Or le plafond des emplois fixé dans le PLF pour 2021 ne permet pas à l’INPI de procéder à des recrutements supplémentaires, en particulier de contractuels. L’INPI ne demande pas de moyens supplémentaires, car, comme M. le rapporteur général l’a précisé, il dispose de réserves à hauteur de 100 millions d’euros. Il serait donc en mesure d’absorber le coût d’emplois supplémentaires. Encore faut-il que nous retravaillions sur le plafond d’emplois pour lui permettre de gonfler un peu ses effectifs temporairement. »

La section Made inPI reprendra dès la préparation du budget de 2022 son combat pour augmenter le plafond d’emplois à un niveau compatible avec les besoins générés par le Guichet unique.