Laurent Berger "pour la CFDT, il est nécessaire de réhabiliter l’impôt"
Lorsque la CFDT parle de fiscalité ou de retenue à la source, elle exprime les attentes de l’ensemble des salariés. Les adhérents et les militants de la CFDT aux Finances sont en première ligne sur ces sujets comme salariés parmi d’autres et comme professionnels. C’est à eux que Laurent Berger à choisi de s’adresser en accordant une interview exclusive à Finances Hebdo.

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Le Président de la République a annoncé une baisse de l'impôt sur le revenu qui se traduirait par une diminution du nombre d'imposables. C'est une bonne nouvelle ? |
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Ceux qui ne vont plus payer d’impôt sur le revenu ne vont sans doute pas s’en plaindre ! Mais c’est une mauvaise nouvelle pour la citoyenneté. On réduit trop souvent l’impôt à l’impôt sur le revenu. Dans l’esprit collectif, si on ne paye pas l’impôt sur le revenu, on ne paye pas d’impôt. Du coup une moitié de Français (54 % en 2016) finit par être considérée comme assistée par l’autre moitié. C’est faux bien sûr : l’impôt sur le revenu ne représente qu’à peine 7 % des prélèvements obligatoires et tous les ménages paient des impôts indirects à chaque fois qu’ils consomment. Mais les idées reçues ont la vie dure ! |
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La fiscalité en France est-elle juste ? Faut-il la réformer ? |
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La réponse est dans la question. L’essentiel des prélèvements sur les ménages consiste en des cotisations sociales, proportionnelles au revenu, et des impôts indirects. Or ces deniers ne pèsent pas de la même manière sur les ménages : les 10 % de ménages aux revenus les plus élevés paient deux fois moins d’impôts indirects par rapport à leur revenu que les 10 % de ménages aux revenus les plus faibles. Au total, l’impôt en France est peu progressif. Un rééquilibrage est nécessairequi suppose de faire grossir le poids des impôts progressifs dans l’ensemble des prélèvements et diminuer celui des impôts indirects. |
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Peut-on faire la justice fiscale dans un seul pays ? |
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Oui bien sûr. La France est d’ailleurs un des rares pays qui maintient le quotient familial et où le poids de l’impôt sur le revenu est aussi faible. |
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La CFDT est-elle favorable à une fiscalité verte ? |
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Oui bien sûr ! Le poids de la fiscalité environnementale française est l’un des plus faibles en Europe. Il faut que ça change, en donnant en particulier un prix au carbone. Il faut arrêter de faire un pas en avant puis un pas en arrière comme le gouvernement l’a fait sur l’écotaxe. |
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Pour répondre aux attentes des salariés, pour combattre la fraude, l'administration fiscale est-elle en retard ? A-t-elle les moyens ses ambitions ? |
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La fédération a sans doute plus d’élément que moi pour répondre à cette question ! J’observe simplement que les administrations connaissent depuis dix ans des transformations majeures : création de la DGFIP par la plus grande fusion de services de l’Etat depuis la seconde guerre mondiale et amélioration spectaculaire du service rendu au public par un recours massif au numérique dont les déclarations par internet sont un exemple frappant. |
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La retenue à la source est-elle un élément de la réforme fiscale ? |
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La retenue à la source n’est qu’un mode de paiement de l’impôt. Je n’ai d’ailleurs pas entendu que le gouvernement proposait la moindre évolution de la fiscalité en lien avec cette annonce. |
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Mais alors les salariés ont-ils besoin de la retenue à la source ? |
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Il n’y a en fait qu’une bonne raison qui puisse justifier la retenue à la source : la baisse de revenus que subit une partie des salariés l’année où ils doivent payer l’impôt sur les revenus de l’année précédente. C’est le cas de ceux qui partent en retraite mais plus fréquemment de tous ceux qui perdent leur emploi ou doivent en changer à des conditions de revenu inférieures. Ce phénomène toucherait près d’un tiers des ménages. |
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Le gouvernement a affirmé à plusieurs reprises qu'il mettra en œuvre la retenue à la source. Quelle est ton appréciation sur ce projet ? |
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Ce projet est très complexe techniquement et de nombreuses interrogations demeurent. Il peut être également très couteux pour les finances publiques : par exemple qu’adviendrait-il des crédits d’impôt pour l’emploi de personnes à domicile ? Les choix ne sont pas encore arrêtés et ce sont leurs modalités de mise en œuvre qui guideront notre appréciation. |
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Derrière la retenue à la source, n’y a-t-il pas d’autres projets ? La fusion IR-CSG par exemple ? Qu’en pense la CFDT ? |
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Cette fusion éventuelle n’est pour l’heure qu’un slogan. Quand on fusionne, il faut dire quelles seront les caractéristiques du nouvel impôt. L’impôt sur le revenu est progressif, la CSG ne l’est pas. L’impôt sur le revenu est familialisé, la CSG est individualisée. Plus de 150 niches fiscales s’appliquent à l’impôt sur le revenu, aucune ne vient réduire le rendement de la CSG. A supposer que ces différences profondes soient réduites dans le sens que préconise la CFDT pour réformer l’impôt sur le revenu, se posera également la question de la garantie d’affectation d’une part du nouvel impôt à la Sécurité sociale. Ce projet est loin d’être abouti ! |