La Cour des Comptes veut contrôler la mobilité des fonctionnaires

Publié le 16/07/2019

Le 11 juillet, en fin de débat parlementaire sur la transformation de la Fonction publique, la Cour des Comptes publiait opportunément un rapport. Un appui plus idéologique qu’argumenté à la déréglementation des mutations.

Dans son rapport consacré aux fonctionnaires de l’État, la Cour part d’un constat banal. L’État a le plus grand mal à affecter des fonctionnaires dans les zones non attractives, souvent situées au nord et à l’est du territoire, et ce sont les agents en première affectation qui y sont envoyés au risque de confier les missions les plus difficiles aux agents les moins expérimentés.

Les propositions formulés en remèdes peuvent se classer en deux catégories. Celles dont l’efficacité reste à démontrer quand elles n’ont pas déjà leur inefficacité et celles qui n’ont pas à prouver quoique soit car elles réduisent les droits des fonctionnaires qu’il est de bon ton de dénigrer.

Des idées sans perspective :

  • les concours nationaux à affectation locale : outre le fait qu’il s’agit toujours d’agents non expérimentés envoyés de force en zone non attractive, on voit mal ce qui les empêcherait de chercher aussitôt à les quitter.
  • Le décloisonnement de la gestion par corps : la fusion des corps atteint ses limites et la mobilité se heurte à l’acquisition des compétences techniques.
  • L’harmonisation des régimes indemnitaires : noble idéal que la Cour, montrant une étonnante frilosité comptable, se garde bien de financer. En réalité soit l’harmonisation se fera par le haut, ce qui coûtera des budgets que la Cour ne jugerait pas raisonnables, soit par le bas et il faudra assumer une politique de baisse du pouvoir d’achat.
  • Le développement du télétravail : une bonne idée à concrétiser qui ne suffira cependant pas.
  • La déconcentration de la gestion : celle en cours est un rideau de fumée qui fait passer d’une concentration nationale de la gestion par ministère à une concentration départementale de tous les métiers entre les mains des préfets.

 

Une attaque contre les droits des agents

  • Supprimer l’ancienneté dans les mutations : il s’agit simplement de remplacer la vieille règle impartiale de l’interclassement des agents selon l’ancienneté par la liberté, ou selon les cas l’arbitraire, des gestionnaires. L’exemple pris dans le rapport du ministère de l’Agriculture qui dispose d’affectations « discrétionnaires » sans résoudre le problème des zones non attractives montre que cette mesure injuste est aussi inefficace. La Cour soutient d’ailleurs sans le moindre début de preuve que l’ancienneté ne satisfait pas les agents. Elle se garde bien de préciser que tous les syndicats défendent cette ancienneté.
  • Supprimer les CAP de mutations : cette mesure réduit en réalité la transparence des décisions d’affectation que la Cour prétend soutenir. Disparaissent avec les CAP les droits des agents à l’information, à faire valoir leurs particularités et au recours contre les injustices.
  • Le développement postes à profil : la Cour, sans citer de chiffre ni préciser comment elle a établi son constat, soutient que ces postes ne sont pas assez nombreux. En toute hypothèse, on peut toujours mettre des profils sur les postes de zones pas attractives, cela ne les rendra pas plus attrayants.
  • Le remplacement de l’indemnité de résidence par une prime d’attractivité : ce serait la fin de la compensation de la vie chère. Mais surtout la proposition passerait encore une fois à côté de son objectif, faute de budgets supplémentaires. Selon la Cour la nouvelle prime s’élèverait à environ 200 € par mois, à comparer avec les 4646 € annuels maximum de la prime d’affectation en zone prioritaire pour les enseignants. Ce dispositif est pourtant jugé inefficace par la Cour.
  • Associer les syndicat à la GEPEEC : il est plaisant que le seul domaine où la Cour admet la légitimité des syndicat est celui de la gestion prévisionnelle des RH. Chacun sait que cette GEPEEC reste un vœu pieu, l’État refusant d'en discuter avec les organisations syndicales et de garantir aux services des moyens sur plusieurs années.

 

Loin d’éclairer par un bilan documenté des choix novateurs en tenant compte des aspirations des fonctionnaires et en respectant la démocratie social, ce rapport est une compilation des vœux de la technostructure administrative assaisonnée de préjugés anti-syndicaux.

Une occasion manquée pour le service public.