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Pas de transition écologique sans justice sociale : les propositions de la CFDT

Publié le 27/11/2018

Le mouvement des gilets jaunes a mis en lumière les fractures sociales et territoriales qui clivent notre pays. Cette situation doit d’abord nous alerter collectivement sur le besoin urgent d’une réelle délibération démocratique à travers un dialogue respectueux et organisé.

La transition écologique doit aller de pair avec la justice sociale. Il faut un pacte de conversion écologique pour la France.
Construire des solutions durables nécessite d’engager le dialogue avec l’ensemble des acteurs et dans les territoires, au plus près des réalités quotidiennes des travailleurs et des citoyens. Nous devons également apporter collectivement des réponses immédiates et concrètes aux difficultés quotidiennes vécues par nos concitoyens. Y parvenir nécessitera l’engagement de tous : Etat, collectivités territoriales, organisations patronales et syndicales, associations.
Convaincue de la nécessité de renouer le dialogue, la CFDT porte des revendications et propositions pour :

  •  Lutter contre les fractures territoriales,
  •  Engager et accompagner la transition écologique,
  •  Améliorer le pouvoir d’achat,
  •  Améliorer la justice fiscale.


LUTTER CONTRE LES FRACTURES TERRITORIALES


Un grand nombre de citoyens qui ne vivent pas dans de grands centres urbains subit un accès dégradé aux services publics comme privés et un accroissement des dépenses de transports dans la vie quotidienne, notamment pour se rendre au travail. Les fractures territoriales structurent ainsi des difficultés matérielles, aggravées par un sentiment d’abandon et d’invisibilité.
Notre pays est traversé par de fortes inégalités territoriales dans l’accès aux services rendus par les opérateurs publics et privés. Les grandes aires urbaines connaissent un phénomène croissant de métropolisation, qui concentre les activités économiques dynamiques, l’innovation, les grands équipements publics (hôpitaux, universités, etc.) mais aussi toute la
gamme de services existants. Mais 60% de la population et 80% des catégories modestes vivent dans les zones rurales, les zones de montagnes, les petites villes et villes moyennes, les quartiers populaires, ainsi que les zones périurbaines et connaissent des problèmes d’accès à certains services : fermeture de guichets de diverses administrations, déserts
médicaux, absence de certains équipements, faiblesse des transports collectifs...
La CFDT revendique la justice territoriale à toutes les échelles. Au niveau national, un aménagement équilibré du territoire, une politique de la ville digne de ce nom et une péréquation des ressources doivent demeurer des politiques publiques prioritaires. Au niveau régional, il s’agit d’assurer la cohésion entre les métropoles, les intercommunalités, les campagnes périurbaines, les villes petites et moyennes et les territoires ruraux. Au niveau métropolitain, il faut lutter contre la concentration des difficultés dans quelques quartiers populaires, comme leur renvoi vers des zones périphériques.
L’égalité républicaine suppose un égal accès aux services publics sur tous les territoires même si le service ne peut pas être rendu de façon identique partout, notamment lorsqu’il s’agit de répondre à des besoins complexes ou ponctuels : égalité n’est pas uniformisation mais prise en compte de tous les besoins dans leur diversité. Or, les fermetures de services publics et au public dans les villes petites et moyennes, les zones rurales et périphériques, mais aussi l’absence d’action visible pour maintenir l’activité, conduisent au sentiment d’une politique qui draine de la fiscalité vers les zones
métropolitaines et sacrifie le reste du territoire.
- La CFDT revendique la construction de projets collectifs de territoires s’appuyant sur les outils existants (schémas départementaux de services au public, espaces mutualisés de services au public, appel d’offres, etc.) qui restent à compléter (offre structurée de tiers lieux, dont des télécentres de travail, financement d’espaces mutualisés de services au public, de maisons de santé dans les zones de désert médical, etc.). L’objectif est de mettre en place un bouclier territorial de services publics et au public. En ce qui concerne les services publics, cela suppose un moratoire des fermetures de lieux d’accueil et une inversion du processus de modernisation : maintien du maillage en lieux d’accueil et d’accompagnement et
industrialisation du back office. Les services au public devront aussi faire l’objet d’une attention particulière avec un soutien au maillage associatif (culture, sport, lien social,  etc.).
- Ces projets territoriaux doivent permettre de faire émerger une économie du développement durable ancrée dans les territoires. Il s’agit de structurer, dans les territoires, des écosystèmes alliant formation initiale et continue, recherche, activités économiques et une offre de services adaptée pour préserver l’emploi dans l’ensemble des territoires. Les politiques de soutien aux entreprises pourraient être en partie fléchées sur ces objectifs.
- La CFDT souhaite voir se développer des conférences territoriales des investissements pour soutenir financièrement les projets locaux.
- La CFDT revendique un droit à la mobilité. A court terme, cela passe par un chèque mobilité destiné à tous ceux qui n’ont pas d’alternative au véhicule individuel et pas les moyens d’investir dans un véhicule « propre ». Plus structurellement, cela
nécessite le développement d’offres de transports collectifs et à la demande, propres sur le plan énergétique. La fiabilité des réseaux de transports en commun doit être améliorée et l’intermodalité recherchée. Le développement de titres de
transport permettant d’utiliser plusieurs modes de transports pour un même trajet doit être mis à l’étude.
- La CFDT revendique la création d’un véritable service universel de la connexion pour lutter contre les fractures numériques, en termes d’accès et d’accompagnement.
- La CFDT revendique l’encadrement des loyers dans les zones tendues et un plan d’action concerté avec l’ensemble des acteurs du logement (Etats, collectivités territoriales, OPHLM, Action logement, organisations patronales et syndicales) pour
favoriser la mixité sociale (foncier, financement, etc.).
- La CFDT revendique un plan Marshall pour le logement dans les Outre-Mer, afin de faire face aux besoins de financement. Les territoires ultramarins sont des régions où les besoins de logements demeurent considérables. La mobilisation du foncier, et  son aménagement, est un enjeu crucial.

 

ENGAGER ET ACCOMPAGNER LA TRANSITION ECOLOGIQUE


Le rapport du GIEC a rappelé, début octobre, l’impérieuse nécessité de changer de braquet en ce qui concerne la transition écologique. Si nous voulons préserver nos chances de ne pas dépasser 1,5°C de réchauffement d’ici 2100, nous devons sortir des schémas traditionnels. La France, organisatrice de la COP 21 qui a permis de conclure l’Accord de
Paris, a une responsabilité particulière en la matière. Cela nécessite d’investir massivement dans la transition écologique et énergétique. Selon l’ADEME, le respect de la loi de transition énergétique pour la croissance verte nécessite
près de 19 milliards d’euros supplémentaires en moyenne annuelle à l’horizon de 2050. Relever ces défis constitue une opportunité unique pour développer une économie de la qualité pourvoyeuse d’emplois non délocalisables, et une société du mieux-être.

Pour la CFDT, la transition écologique est un impératif qui nécessite des changements dans nos modes de consommation, de déplacement et de production. Des changements qui doivent être accompagnés et se faire avec les citoyens.
La transition écologique doit permettre de résorber les inégalités sociales et territoriales, de lutter contre la précarité énergétique, de modifier les mécanismes de financement de notre économie. Comme inscrit dans l’Accord de Paris, la transition écologique doit être juste et ne peut se faire sans concertation et accompagnement.
- La CFDT revendique un droit à la mobilité : chèque mobilité et offre de transports collectifs et à la demande (voir Fractures territoriales).
- La CFDT appelle les employeurs, privés et publics, à s’engager massivement dans la négociation de plans de déplacement d’entreprise ou interentreprises afin de faciliter les déplacements domicile/travail de leurs salariés et agents et
d’encourager l’utilisation des transports en commun et le recours au covoiturage. La CFDT revendique de rendre obligatoire la prime de transport pour les employeurs n’ayant pas négocié de plan de déplacement d’entreprise ou interentreprises.
Les plans de déplacement d’entreprise (ou plans de mobilité) sont une obligation pour toutes les entreprises regroupant plus de 100 salariés sur un même site dans le périmètre d’un plan de déplacements urbains, depuis le 1er janvier 2018 (loi de transition énergétique pour la croissance verte).
La prime transport, exonérée de cotisations sociales dans la limite de 200 euros par an et par salarié, prend en charge tout ou partie des frais de carburant ou d’alimentation électrique engagés par les salariés contraints d'utiliser leur véhicule pour leur déplacement domicile-travail dont le domicile ou le lieu de travail est situé en dehors d'Ile-de-France et d'une zone couverte par les transports urbains ; ou qui sont contraints d'utiliser leur véhicule soit parce que le trajet entre leur domicile et leur lieu de travail n'est pas assuré par les transports en commun, soit en raison d'horaires de travail particuliers (travail de nuit…).

 

AMÉLIORER LE POUVOIR D’ACHAT

Les entreprises ont aussi un rôle à jouer dans le partage des fruits de la croissance.
Quand on parle pouvoir d’achat, il y a bien sûr le poids des dépenses contraintes qui n’a
cessé d’augmenter, en particulier pour les ménages des classes populaires. Mais il y a aussi
la question des rémunérations et de la reconnaissance du travail.
Dans le budget des ménages, les dépenses contraintes (logement, assurances, etc.)
s’ajoutent aux dépenses incontournables (transport, alimentation…). Or 23% des ménages
français sont dans l’impossibilité de faire des choix en raison du poids de ces dépenses
obligées alors même que beaucoup sont en emploi. Ce sont les ménages modestes et une
partie des classes moyennes. Accroître le pouvoir d’achat de ces ménages nécessite à
la fois d’augmenter les rémunérations et d’agir sur les dépenses contraintes.
- La CFDT revendique le partage équitable de la richesse créée par l’entreprise en
relançant une dynamique de négociation salariale dans:
o Les branches ;
o Les entreprises, par la juste reconnaissance des compétences, par la
réduction des écarts de rémunération indécents entre les salariés au SMIC et
les plus hauts revenus ;
o Les fonctions publiques, par la mise en oeuvre des engagements pris dans
le protocole PPCR (parcours professionnels, carrières et rémunérations), à
commencer par la tenue d’un rendez-vous salarial régulier.
- Pour améliorer la qualité des emplois et la qualité du travail, la CFDT continuera de
peser pour réduire les contrats courts et précaires, ainsi que les temps partiels
contraints.
- La CFDT revendique de donner davantage de pouvoir aux travailleurs dans leur
administration ou entreprise pour peser sur la politique de rémunération et la
reconnaissance du travail.
Il faut aussi limiter le poids des dépenses contraintes :
- La CFDT revendique de compenser les efforts indispensables à la transition
écologique par des aides spécifiques à la hauteur des besoins (chèque mobilité,
aide substantielle pour l’achat de véhicules propres, aides incitatives au
covoiturage…).
- La transition écologique doit être conduite à partir des situations vécues par
les ménages, dans le cadre de contrats de transitions conçus et mis en oeuvre dans
les territoires (voir Fractures territoriales et Transition écologique).

GARANTIR LA JUSTICE FISCALE


Comme le soulignait Michel Rocard en 2009 dans son rapport sur la contribution climaténergie
(la taxe carbone), la hausse de la fiscalité énergétique engage une réforme
d'ensemble des finances publiques et un projet de développement.
Les choix fiscaux récents ont renforcé le sentiment d’injustice fiscale et entamé le
consentement à l’impôt. En faisant le choix de supprimer l’impôt sur la fortune et en taxant
le capital à un taux unique de 30%, le gouvernement, a accentué le poids de la fiscalité
sur les classes moyennes. Les grands perdants sont les 20% les moins aisés, avec la
faible revalorisation des prestations sociales et la réforme des allocations logement, quand
les 1% les plus riches bénéficient à plein des réformes. C’est pourquoi nous appelons à un
large débat public sur la fiscalité et la justice fiscale pour identifier de manière
transparente les meilleurs compromis et conclure un nouveau pacte fiscal avec les Français.
C’est une condition nécessaire au consentement à l’impôt qui permet de renouer avec sa
définition première : un contrat entre chaque citoyen et tous les autres. Les Français
attendent plus de progressivité, d’équité, de lisibilité. Ils ne peuvent plus tolérer les pratiques
d’évasion et d’optimisation fiscale. Il faut réintroduire de la justice fiscale entre les citoyens,
entre les entreprises.
Les recettes supplémentaires issues de la fiscalité carbone doivent permettre de compenser
la hausse des coûts de production et la baisse du pouvoir d'achat, tout en finançant une
partie de la conversion écologique de notre économie. Le renchérissement de l'énergie
peut soutenir le développement des filières d’énergies renouvelables et la création d’emplois
non délocalisables, encourager l’efficacité et la sobriété énergétique, tout en améliorant
l'indépendance de notre économie vis-à-vis des énergies fossiles et la réduction de la facture
pétrolière.
Ce débat public doit permettre de revenir aux fonctions premières des prélèvements
obligatoires : d’une part financer l’action publique et d’autre part la protection sociale,
redistribuer les richesses et orienter les comportements de consommation et
d’investissement.
La CFDT porte plusieurs propositions en ce sens :

  •  Lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscale pour réintroduire de la justice fiscale

entre les entreprises. Les bénéfices des entreprises doivent être imposés là où les
activités économiques sont réalisées, donc là où la valeur est créée.

  •  Le surplus de recettes issues de la fiscalité carbone doit principalement financer

la transition écologique et l’accompagnement des ménages dans cette transition.

  •  Montée en charge de la fiscalité environnementale en s’assurant de la lisibilité du

signal prix : exemple, une TICPE flottante régulant un prix des carburants émetteurs
de CO2 selon une trajectoire progressive, insensible aux variations du brut. Le
maintien du prix prévu garantirait aux consommateurs, entreprises et ménages, d’une
part, de ne pas subir les hausses conjoncturelles du brut et, d’autre part, d’alimenter
un fonds d’aide avec le surcroît de taxes quand le prix du brut est faible.

  •  Examen de l’ensemble des dépenses fiscales, recensées ou non, sur la base de

priorités clairement établies (emploi, environnement…).