Retour

« Droit de réponse » à Capital : Capital, un journal sérieux ?

Publié le 29/09/2017

Au mois d’août, le périodique « Capital » a publié un article intitulé « 6 avantages dingues dont bénéficient les agents de l’Etat ou les élus ». Le préambule donne le ton : « Emmanuel Macron promet de faire le ménage dans les mauvaises pratiques. S’il veut réconcilier les Français avec leur Etat, il ferait bien de moraliser… l’administration. »

Viennent ensuite six exemples d’avantages « dingues ». Mais, est-ce la proximité de cet adjectif,  la démonstration est plutôt étrange : sont cités d’abord les « agents de Bercy », puis les « Douaniers » (appartenant pourtant aussi au Ministère des Finances et de l’Economie), les contrôleurs aériens et les agents de la Caisse des Dépôts et Consignations (dont au moins la moitié ne sont pas fonctionnaires). Ensuite, Capital cite les « Directeurs d’opéras », qui sont des salariés de ces établissements publics, et enfin le Président de la région Rhône-Alpes, qui est un élu.

Mélanger des situations très différentes entre elles, pour en tirer des conclusions connues à l’avance, est un mauvais procédé journalistique, dit de « l’amalgame ».

Ainsi, Capital dénonce la subvention versée par le Ministère des Finances à l’association EPAF, pour permettre aux agents et à leur famille des vacances, « à prix cassés ». Une série d’informations sont « oubliées »: les séjours sont sous conditions de ressources, les grandes structures privées (banque, assurances, etc.) ont des Comités d’entreprise, avec, pour beaucoup, des chiffres de fonctionnement bien plus importants que ceux de l’EPAF, etc.  Capital le sait parfaitement –ou alors ses journalistes ne feraient pas ce métier.

Autre exemple, l’Etablissement de la Masse, qui a vocation à gérer les logements pour nos collègues Douaniers, est attaqué aussi. Quel privilège y aurait-il à habiter en banlieue, là aussi, sous conditions de ressources, alors que la plupart des fonctionnaires doivent débuter leur carrière en Ile de France, avec des salaires souvent très modestes ?

A contrario, l’affirmation : « Bonne nouvelle pour les vacanciers … L’Europe veut limiter le droit de grève pour les contrôleurs aériens » est inacceptable pour la CFDT. Le droit de grève est constitutionnel (art. 7 préambule Const. 1947), même si on peut noter que, dans son article,  Capital semble situer les textes fondateurs de la  République au même niveau qu’une vulgaire brochure touristique.

Pour un journalisme revendiqué « d’investigation »,  le « pompage » systématique des rapports de la Cour des Comptes (la moitié des sujets !), ne paraît pas très sérieux, pas plus que la sortie du contexte, toujours pour en tirer des conclusions anti-fonctionnaires (Il n’a pourtant pas échappé à Capital, que  les magistrats de la Cour en sont –des fonctionnaires ? ). 

Car, entre amalgames et poncifs, souvent inexacts, parfois nauséabonds, le sujet est bien là : une certaine presse fait son fonds de commerce de la dénonciation à tous crins   des agents publics, et du service public en général.  

Quoiqu’en pense et en dise Capital, l’action sociale dont bénéficient les personnels du Ministère n’est pas liée à une quelconque générosité d’un gouvernement de passage, qui aurait décidé d’octroyer des avantages à une catégorie de privilégiés. Doit-on rappeler encore ici que les fonctionnaires ne disposent pas des mêmes avantages que les journalistes  de Capital, qui ont un comité d’entreprise, que les salaires des agents publics sont gelés depuis de longues années, et que l’Etat employeur, contrairement au privé, ne contribue que de manière minimaliste à leur protection sociale complémentaire ?  

La vérité est que l’action sociale est le fruit de confrontations historiques, dans laquelle la CFDT a pris toute sa part. Elle est aussi, dans notre périmètre professionnel,  un des aspects du contrat social, qui structure notre démocratie et notre République.

La CFDT dénonce cette tendance soi-disant « libérale » qui pousse certains à toujours exiger moins d’Etat,  moins de services et d’agents publics. Les attentats récents, et le récent ouragan Irma à Saint-Martin et saint Barthélémy, démontrent pourtant amplement, une nouvelle fois, que les problématiques rencontrées par l’humanité n’ont généralement de solutions que collectives, grâce la mutualisation de l’effort commun.

Alors, au fil de son « fonctionnaire-bashing », que gagne Capital, en calomniant encore et toujours  les fonctionnaires et le service public ? Une réputation d’intégrité, de vérité, de rigueur aussi bien dans la recherche de l’information que dans sa diffusion ? Non, Capital gagne de l’argent, cet argent qui, pour paraphraser le vieil Esope, peut être « le pire des serviteurs ». Le même journal ne craint d’ailleurs jamais, une fois que les agents publics ont disparus, car supprimés selon ses propres vœux, de dire alors, face aux catastrophes, que « L’Etat est défaillant ». 

il nous paraît donc utile ici de rappeler  les termes de la Charte d’éthique professionnelle des journalistes :

« Un journaliste digne de ce nom…Tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles… »

Pour conclure ce droit de réponse, et concernant cet article de Capital,  nous pensons que ces simples mots, qui fondent l’honneur de la belle profession de journaliste, se suffisent à eux-mêmes.