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[Mise à jour] Réformes sociales : le gouvernement précise la méthode

Publié le 20/10/2017

Après les ordonnances sur le code du travail, Emmanuel Macron a lancé le deuxième chantier des réformes sociales en recevant les organisations syndicales et patronales à l’Élysée les 12 et 13 octobre. L’occasion pour Laurent Berger de rappeler les priorités de la CFDT.

Le défilé des représentants des organisations syndicales et patronales dans le bureau d’Emmanuel Macron les 12 et 13 octobre a lancé l’acte 2 des réformes sociales que le gouvernement entend mener. Trois semaines après la promulgation des ordonnances sur le code du travail, c’est au tour de la formation professionnelle, de l’apprentissage et de l’assurance-chômage de faire l’objet de nouvelles discussions avec les partenaires sociaux. Sur un modèle déjà éprouvé. Dans un premier temps, le président de la République a reçu l’ensemble des partenaires à l’Élysée, un à un. Dès cette semaine, le Premier ministre Édouard Philippe prenait le relais – Laurent Berger, Véronique Descacq et Yvan Ricordeau étaient reçus ce 17 octobre à Matignon. Puis ce sera au tour de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, afin d’engager les concertations, voire les négociations selon le format décidé. Exactement le même scénario que celui employé fin mai pour engager la réforme du code du travail. À une différence près. Cette fois, il n’est pas question d’ordonnances rédigées puis publiées en trois mois. La formation professionnelle, l’assurance-chômage et l’apprentissage feront l’objet d’un projet de loi discuté au printemps 2018 en vue d’une adoption à l’été.

Une nouvelle étape de la sécurisation des parcours

Le 3 octobre, devant 10 000 militants, Laurent Berger avait donné le ton : « Le gouvernement laisse entendre qu’après la flexibilité viendront la sécurité et le pouvoir d’achat pour les travailleurs. Je le dis : message reçu ! Vous avez intérêt à être au rendez-vous. Nous attendons de vous que vous placiez la justice sociale et la sécurisation des parcours professionnels au cœur des prochaines réformes. » C’est ce discours qu’il a tenu à Emmanuel Macron, un à un, le 13 octobre au matin, joignant le geste à la parole en lui remettant en main propre l’Appel des 10 000. À la sortie de cet entretien, qui a duré un peu plus d’une heure, le secrétaire général de la CFDT a repris la même antienne devant les micros des chaînes de télévision et de radio. « Nous devons entrer dans une nouvelle étape de la sécurisation des parcours des salariés et des chômeurs, a-t-il insisté. Mais nous ne partons pas d’une page blanche. Le dispositif doit à la fois aider à la formation, indemniser correctement mais aussi accompagner les salariés dans les changements, les difficultés ou les opportunités qu’ils souhaitent saisir. »

Ces exigences constituent le cadre dans lequel la CFDT souhaite engager les discussions. Sur la formation professionnelle, elle poussera l’exécutif à donner les moyens à chacun de saisir les droits qui lui sont attachés. Cela passe par une plus grande ambition en matière de conseil et d’accompagnement des salariés mais également par une meilleure visibilité de l’environnement professionnel dans lequel ils évoluent ou vers lequel ils désirent s’orienter. Cela nécessite également, pour la première organisation syndicale dans le privé, de renforcer les droits de sécurisation des parcours professionnels de ceux qui en ont le plus besoin.

Une négociation sur la formation professionnelle

Ces objectifs, la CFDT aura sans aucun doute l’occasion de les rappeler à l’ensemble des partenaires sociaux et aux représentants de l’État. « J’ai compris qu’il y aurait sur ce thème un renvoi à la négociation interprofessionnelle, ce que moi et d’autres de mes collègues souhaitions, a déclaré Laurent Berger dans la cour de l’Élysée. Sur l’apprentissage, une concertation s’ouvrira très prochainement [à laquelle participera également le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer] et j’ai souhaité que sur l’assurance-chômage, on démarre non pas par des bilatérales mais par une multilatérale. » Un souhait dicté par un besoin de transparence et de clarté sur ce sujet. « Nous devons partir d’un diagnostic partagé, a plaidé le leader de la CFDT. Les partenaires sociaux ont fait preuve dans le passé de responsabilité dans la gestion de l’assurance-chômage. Le niveau d’indemnisation a été maintenu, des droits se sont adaptés à la situation de précarité des demandeurs d’emploi. Il faut continuer de bâtir des droits liés à de la cotisation. »

La tentation d’abandonner le système contributif

Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait tracé les grandes lignes de la réforme qu’il envisageait de mettre en place. Une de ses propositions phares consistait à ouvrir les allocations aux indépendants et, une fois tous les cinq ans, aux salariés démissionnaires. Mais avec quel financement ? Une heure avant son rendez-vous à l’Élysée, Laurent Berger indiquait au micro d’Europe 1 que « la proposition était intéressante mais il va falloir fixer des règles. Si on a plus de gens indemnisés mais moins bien indemnisés, ce n’est pas possible. Je tiens mordicus à ce qu’il n’y ait pas de remise en cause des droits et du montant des indemnisations chômage ». La CFDT y voit un danger : dans un contexte de forte réduction du déficit public, la tentation peut être grande pour l’État d’abandonner le système contributif et de se tourner vers un modèle « à la britannique », qui consiste à offrir une protection universelle minimale par le biais d’une indemnisation forfaitaire. À ce stade des discussions, il n’en est pas question. Laurent Berger a obtenu l’engagement d’Emmanuel Macron qu’il n’y aurait pas de réduction des droits, « il a été très clair sur ce sujet ». Mais la prise en charge financière d’une telle mesure reste en suspens. Laurent Berger a tenu à rappeler le rôle d’amortisseur social de l’assurance-chômage pendant les huit années de hausse continue du nombre de demandeurs d’emploi qui ont suivi la crise financière de 2007-2008. Il a aussi pointé les nombreuses contraintes qui ont lesté les dépenses du régime (préretraite, annexe 8 et 10 concernant les intermittents, fonctionnement de Pôle emploi…) et qui sont venues creuser son déficit.

Lors de cette entrevue qui mettait un terme aux rencontres du chef de l’État avec les partenaires sociaux, le secrétaire général de la CFDT a également évoqué la situation des fonctionnaires, demandant au gouvernement des signes concrets d’avancées en matière de pouvoir d’achat.

“Des dispositions qui tombent souvent du mauvais côté”

Il a aussi rappelé que lors du débat sur les ordonnances, l’exécutif avait raté une occasion de faire vivre le dialogue social en entreprise en impliquant les salariés dans les conseils d’administration.
« Les salariés et les adhérents de la CFDT s’inquiètent d’une politique sociale du gouvernement qui n’est pas lisible, avec un certain nombre de dispositions prises ces derniers mois qui tombent souvent du mauvais côté », a fait remarquer Laurent Berger à Emmanuel Macron. Il escompte bien que ce nouveau cycle de réformes soit l’occasion de rectifier le tir.

dprimault@cfdt.fr 

     

La réaction Laurent Berger à la sortie de Matignon


Pendant près d’une heure, la CFDT a réaffirmé sa volonté de « donner la possibilité aux demandeurs d’emploi comme aux salariés d’évoluer professionnellement, de rebondir lorsqu’ils ont des difficultés, de pouvoir se réorienter quand ils vivent des mutations liées à leur secteur d’activité ou à leur métier », a réagi Laurent Berger à sa sortie. De son côté, le gouvernement a tenu à préciser le calendrier et la méthode qu’il entend donner à cet acte II des réformes sociales : une négociation pour la formation professionnelle, une concertation pour l’apprentissage et une réunion multilatérale pour l’assurance chômage, le tout devant aboutir à un projet de loi en avril 2018. « A ce stade, le calendrier et la méthode empruntées nous paraissent intéressantes et la CFDT va s’y investir comme elle a l’habitude de le faire avec un seul objectif : la sécurisation des salariés », poursuit-il.

Dans le détail, la concertation sur l’apprentissage devrait démarrer fin octobre. Une lettre de cadrage sur la formation professionnelle émanant de l’exécutif (et à laquelle devraient être associées les régions) est attendue pour début novembre. Et sur ce sujet : « Les partenaires sociaux ont une légitimité à négocier. Mais nous souhaitons que la négociation traite aussi de l’accompagnement. Il ne suffit pas de donner des droits à la personne, il faut les aider à utiliser ces droits, notamment pour les personnes les plus en difficulté », a tenu à rappeler Laurent Berger. Les discussions sur l’assurance-chômage commenceront quant à elles fin novembre sous la forme d’une réunion multilatérale, comme l’avait demandé la CFDT.

Les consultations doivent se poursuivre plus spécifiquement sur la formation professionnelle et l’apprentissage au ministère du Travail. La CFDT y sera reçue le 20 octobre.

aballe@cfdt.fr