Irremplaçables remplaçants agricoles abonné

À l’initiative d’un groupement d’employeurs agricoles bretons est né le Sdaec. Un service de remplacement qui permet aux agriculteurs de bénéficier de l’aide d’un salarié en cas de coup dur ou pour souffler un peu. Son fonctionnement s’appuie sur un dialogue social de qualité, dont la CFDT est partie prenante.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 22/10/2019 à 07h47

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Il est à peine 8 heures, le soleil pointe au-dessus de Montauban-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), mais Vincent Janet est déjà à pied d’œuvre. Depuis les dizaines de box, montent les grognements des animaux qui attendent impatiemment la première pitance du jour. Manque de chance, la « machine à soupe » (qui prépare la mixture servie aux cochons) connaît quelques dysfonctionnements.

Art Int2 EmmanuellePriouVincent, soucieux, s’active pour réparer la machine. Soulagement : dans un brouhaha monstrueux, la soupe (un brouet de céréales) arrive dans les mangeoires des box où sont réparties les mille bêtes de l’exploitation porcine. Un tour de l’ensemble des étables, afin de vérifier que les animaux se portent bien, et Vincent rejoint Jean-Émile Delaunay, l’exploitant agricole propriétaire de cette ferme porcine labélisée « Fermiers d’Argoat », pour les dernières consignes. D’ici à quelques heures, il sera seul maître à bord. Jean-Émile pourra, lui, partir en vacances l’esprit tranquille grâce à ce système de remplacement (Sdaec) imaginé par un groupe d’agriculteurs bretons, il y a presque cinquante ans pour parer aux coups durs ou permettre aux exploitants de souffler (lire l’encadré ci-dessous).

Aujourd’hui, cette association emploie 200 salariés agricoles qualifiés, dont 20 % de femmes, et intervient dans plus de 4 000 exploitations. Elle relève le défi d’allier missions temporaires et emplois durables. De quoi inspirer d’autres secteurs professionnels. « Notre fonctionnement casse un peu les codes du monde agricole », résume Vincent Janet, qui est aussi délégué syndical CFDT du Sdaec. Il égrène avec fierté la liste des acquis que le dialogue social a permis d’instaurer : comité d’entreprise, titres-restaurants, mutuelle complémentaire, compte épargne-temps, plan épargne retraite (Perco)… sans oublier que tout salarié effectuant une mission à plus de vingt kilomètres de son domicile bénéficie d’un véhicule de fonction.

Politique innovante

Si, pour Vincent et Jean-Émile, la passation se déroule sans accroc, toutes les missions ne s’effectuent pas dans des conditions aussi sereines. « De 60 à 70 % de nos interventions sont liées à des arrêts maladie, des accidents, voire des décès, dont des suicides. On arrive parfois dans des contextes très compliqués, où il n’y a pas de temps pour la passation des consignes », note Vincent qui, en quatorze ans de carrière comme « agriculteur volant », a connu près de 400 exploitations et affronté tous types de situations. L’adaptabilité, la polyvalence et la grande capacité d’autonomie sont des qualités clés de ce métier méconnu. « Malgré tout, on traîne toujours cette image vieillotte du commis de ferme », regrette-t-il.

Une image négative que le Sdaec s’attache à corriger, non seulement auprès des exploitants mais aussi auprès des jeunes que l’agriculture intéresse et qui pourraient trouver dans le remplacement un débouché professionnel. Les difficultés croissantes pour recruter ont d’ailleurs rendu cet impératif urgent. « Pour beaucoup, le remplacement s’envisage en attendant autre chose, sous-entendu en attendant mieux. Nous voulons apporter la preuve que l’on peut faire carrière comme salarié agricole dans le remplacement. D’ailleurs, pour ceux qui y ont goûté, le retour en poste fixe est compliqué », explique Sylvie Le Clec’h-Ropers, directrice de l’association depuis presque vingt ans. Formation, tutorat, attention portée à la santé et à la sécurité des salariés au travail, politique sociale innovante,…

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